FAST & CURIOUS Octobre 2015

En vitesse rapide, vus au ciné, en Blu-ray /DVD ou à la télévision ce mois-ci…

 

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Le labyrinthe : La terre brûlée (Maze Runner : The Scorch Trials)

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Wes Ball
2015 (Dans les salles françaises depuis le 7 octobre)

Un an après, la suite de Labyrinthe, le film de science-fiction pour ados adapté de la série de romans de James Dashner…

Si le premier épisode était adroit et inventif, le deuxième se révèle plus convenu dans la forme, mais tout aussi captivant. Signé, comme son prédécesseur, par Wes Ball, réalisateur venu des effets spéciaux, le film, très efficace, entraîne, façon montagnes russes dans une course-poursuite haletante à travers des décors post-apocalyptiques grandioses. Un univers truffé de références (à Mad Max 2, The Walking Dead, Star Wars…) et très ludique. On est séduit par ces séquences horrifiques et d’action bien fichues, et ces jeunes comédiens sympathiques (dont plusieurs ressortissants de Game Of Thrones). Moins pompeux que Hunger Games et beaucoup plus divertissant ! Troisième volet attendu en 2017.
(2 h 13) Avec Dylan O’Brien, Hi Hong Lee, Kaya Scodelario, Thomas Brodie-Sangster, Patricia Clarkson, Aidan Gillen, Lili Taylor, Barry Pepper…
Bande-annonce
***

Prédestination (Predestination)

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Michael et Peter Spierig
2014

Un agent temporel poursuit un criminel qui lui a échappé toute sa vie…

Grand risque de burn-out devant cet ambitieux thriller de science-fiction aux allures de Dark City paru directement en vidéo et adapté de la nouvelle All You Zombies de Robert A. Heinlein (un de ses romans, Etoiles, garde-à-vous !, avait inspiré à Paul Verhoeven l’excellent Starship Troopers). Pourtant (lorsqu’on l’a comprise), l’idée se révèle incroyablement audacieuse. Dommage que les réalisateurs du réjouissant Daybreakers, qui explorait d’une manière inédite le thème du vampire, aient un peu trop emberlificoté leur casse-tête au point de le rendre un tantinet illogique. Demeurent des scènes fascinantes, emmenées par les très bons Ethan Hawke et la troublante Australienne Sarah Snook. A revoir en boucle !
OCS (1h 37) Avec Ethan Hawke, Sarah Snook, Noah Taylor…
Bande-annonce
***

Le loup de Wall Street (The Wolf Of Wall Street)

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Martin Scorsese
2013

Dans les années 80, l’ascension vertigineuse et la chute d’un trader frauduleux, histoire adaptée de l’autobiographie homonyme de Jordan Belfort…

Ne serait-ce que pour la performance de Leonardo DiCaprio, qui joue cet escroc cynique et immoral, moitié bouffon moitié ordure, avec l’endurance d’un marathonien, Le loup de Wall Street vaut ces presque trois heures d’hystérie. La forme épouse parfaitement le fond, mais on frôle l’indigestion durant la première heure, matraquage sauvage de sexe, de drogue et de tubes pop/rock (le plus souvent anachroniques, comme dans Casino). Cette surenchère visuelle et sonore censée refléter le chaos décadent et monstrueux dans lequel baignent le héros et ses disciples ennuie et épuise davantage qu’elle ne fascine. On se réjouit donc de l’arrivée des emmerdes et du FBI, qui redonnent de l’intérêt à ces turpitudes excessives et engendrent des scènes franchement désopilantes, dont certaines sont devenues culte (celle de la prise de Quaaludes Lemmon 714 périmés, au hasard). On retient aussi numéros savoureux de Matthew McConaughey, Jonah Hill et de la révélation australienne Margot Robbie. En dépit de ses cinq nominations aux Oscars en 2014, ce méga carton au box-office est reparti bredouille. Comme quoi…
Canal+ (2h 59) Avec Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Kyle Chandler, Rob Reiner, Matthew McConaughey, Jon Berthal…
Bande-annonce
*** 

Art Of Steal (The Art Of The Steal)

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Jonathan Sobol
2013

Un ex-voleur de tableaux reconverti cascadeur de foire, accepte un dernier coup proposé par son demi-frère et ex-associé, qui l’a pourtant envoyé en prison durant cinq ans…

Paru directement en vidéo, le deuxième long-métrage du Canadien Jonathan Sobol est une petite merveille d’humour. La mise en scène rythmée et astucieuse, le travail sur l’image (split-screen, flash-back très rétro…), l’intrigue bien ficelée, et les prestations hilarantes de cette brochette aux petits oignons (Kurt Russell, Matt Dillon, Jay Baruchel, Terence Stamp…) font de ce divertissement un véritable antidépresseur, tordant jusqu’au bout du générique de fin.
OCS Max (1h 30) Avec Kurt Russell, Matt Dillon, Jay Baruchel, Terence Stamp, Kenneth Welsh, Chris Diamantopoulos, Katheryn Winnick…
Bande-annonce
**** 

Inside Llewyn Davis

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Ethan et Joel Coen
2013 (Grand Prix du Jury du festival de Cannes 2013)

En 1961, quelques jours dans la vie chaotique d’un jeune chanteur de folk qui tente de percer à New York et va de déconvenue en déconvenue…

Conçu comme une chanson folk, le film d’Ethan et Joel Cohen frise la perfection. Les mésaventures de Llewyn Davis, personnage fictif librement inspiré du chanteur Dave Van Ronk, ont invariablement quelque chose de burlesque et d’absurde. Constamment en décalage avec ses proches et son environnement, le personnage, se révèle lui-même tragicomique (épatant Oscar Isaac, qui interprète lui-même ses chansons). Il nous transporte dans ce Greenwich Village en pleine émergence de talents venus dépoussiérer la musique traditionnelle américaine. Sur la scène du Gaslight Cafe, s’agitent les fantômes de Jim Glover et Jean Ray, Peter, Paul & Marie, Tom Paxton, Ramblin’ Jack Elliott et, bien sûr, Bob Dylan. La photo léchée du chef-opérateur français Bruno Delbonnel confère des accents magiques à la lumière de l’hiver new-yorkais de ces mythiques sixties. Beau, drôle, poétique, un peu triste et extrêmement attachant.
Ciné+ Club (1 h 44) Avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake, John Goodman…
Bande-annonce
****

Dix pour cent — Saison 1

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Série créée en 2015 par Fanny Herrero d’après une idée originale de Dominique Besnehard

Chronique du quotidien d’une prestigieuse agence artistique parisienne…

La presse et les médias ont déroulé le tapis rouge à cette série annoncée comme la meilleure série française du moment, si ce n’est de l’histoire de l’Hexagone. Pas de quoi pourtant sauter au plafond. Dix pour cent, qui tente de rendre sympathique un milieu qui ne l’est pas, n’a ni le mordant ni la folie de sa consœur américaine Entourage. Elle se regarde néanmoins sans déplaisir, grâce au savoir-faire de la scénariste Fanny Herrero (Un village français, Fais pas ci, fais pas ça), à des anecdotes savoureuses directement issues de l’expérience de Dominique Besnehard, qui fut le roi des agents en France, à des numéros d’autodérision des acteurs dans leur propre rôle, et au joli talent de Camille Cottin (La Connasse de Canal+). Dommage que les bonnes idées soient un peu trop asphyxiées par la mise en scène plan-plan, les clichés (l’incontournable assistant homosexuel qui joue les folasses…) et les bons sentiments.
France 2 (Six épisodes de 52 minutes) Avec Camille Cottin, Thibault de Montalembert, Grégory Montel, Liliane Rovère, Fanny Sydney…
Bande-annonce
** 

Coup de cœur 

Art Of Steal
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L’HOMME IRRATIONNEL

Il en va du cinéma de Woody Allen comme du vin. Invariablement, à chaque nouvel opus du cinéaste, il n’est question que de grands ou de petits crus. Si dans les millésimes, figurent indubitablement 1977 (Annie Hall), 1979 (Manhattan), 1986 (Hannah et ses sœurs) et plus récemment 2005 (Match Point), on dénombre moult films d’exception (Comédie érotique d’une nuit d’été, Meurtres mystérieux à Manhattan, Whatever Works, Blue Jasmine…), mais aussi des petits bijoux d’apparence plus modeste (les petites récoltes) qui se placent néanmoins toujours au-dessus de la mêlée, car un Woody Allen est très rarement mauvais. Sur les écrans depuis le 14 octobre, L’homme irrationnel fait ainsi partie de ces petits crus qui, comme le précédent Magic In The Moonlight, ne font pas forcément l’unanimité, mais enchantent de manière vertigineuse ceux qui se sentent en connivence, voire en intelligence avec l’esprit torturé et fantaisiste du cinéaste. Pour ceux-là, L’homme irrationnel est tout bonnement jubilatoire.

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Abe : « I couldn’t remember the reason for living and when I did, it wasn’t convincing.
Jill : You suffer from despair.
Abe : How comforting that would be. »

 

L’homme irrationnel (Irrational Man)

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Woody Allen
2015 (Présenté hors compétition à Cannes en mai 2015. Dans les salles françaises depuis le 14 octobre 2015)

A l’université de Newport, sur la côte est des Etats-Unis, la nouvelle de l’arrivée du célèbre professeur de philosophie Abe Lucas (Joaquin Phoenix) met le campus en émoi. Les rumeurs les plus folles courent sur cet intellectuel séduisant, brillant et engagé, qui fascine autant le corps enseignant que les élèves. Tout ce petit monde va vite déchanter : Abe Lucas n’est plus qu’un homme au bord du gouffre, désabusé, alcoolique et extrêmement dépressif. Deux femmes pourtant vont s’évertuer à le sortir de sa léthargie. S’il cède aux avances de la première, une collègue mal mariée (Parker Posey, très drôle… ), il résiste à celles de la seconde, l’étudiante la plus futée de sa classe (Emma Stone), dont il préfère rester ami. Un jour, alors qu’il déjeune dans un restaurant avec cette dernière, Abe surprend une conversation à la table voisine. Ce coup de pouce du destin va redonner un sens à sa vie, d’une manière on ne peut plus radicale…

Depuis Magic In The Moonlight, l’esprit de Lubitsch hante Woody Allen. Revenons un instant sur cette comédie pleine de fantaisie, considérée par ses détracteurs comme un film « facile », « sucré », « léger », bref indigne du maître de la comédie new-yorkaise, et qui est, au contraire, un petit bijou d’orfèvrerie, savamment ciselé, dont la subtilité et la fluidité émerveillent constamment. Il y avait incontestablement du Lubitsch dans ce tour de passe-passe (non sans réflexions pertinentes) illuminé par la surdouée Emma Stone, dans ces dialogues spirituels, et dans ce jeu de séduction entre les deux protagonistes, digne des meilleures screwball comedies :

Sophie (Emma Stone) : « Vous-même admettez que j’ai des traits bien dessinés ?
Stanley (Colin Firth) : Oh ils sont même plus que cela, du moment que vous êtes éclairée comme il faut.
Sophie : A quel moment du jour exactement ? Vous pouvez me dire ? Au cas où je devrais être à mon avantage… pour un entretien d’embauche.
Stanley : Au crépuscule ! Vers 20h 20 en été, quand la lumière décline.
Sophie : Oh si je comprends bien, la lumière doit décliner pour que je ne sois pas trop… visible.
Stanley : Exactement ! »

Ainsi, de Colin Firth, rationnel jusqu’à l’absurde dans Magic In The Moonlight, Joaquin Phoenix serait l’opposé dans L’homme irrationnel, dont la première partie virevolte au rythme d’un classique du jazz, « The ‘In’ Crowd » par le Ramsey Lewis Trio (c’est la première incursion musicale, le générique en étant entièrement privé). La gaieté du morceau crée un décalage savoureux avec l’apathie du héros, autour duquel les femmes tournent comme des mouches. Comme dans Magic In The Moonlight, Woody Allen introduit ses personnages avec une virtuosité et une espièglerie réjouissantes (toujours sous l’œil, magique, du chef opérateur Darius Khondji). Abe Lucas est donc une âme perdue, qui ne croit plus en rien et surtout pas au bonheur. Toute la problématique du film (et du cinéaste) est résumée dans cette mise en garde d’Abe à l’encontre de ses élèves : « Il y a une vraie différence entre un monde théorique de philosophie à la con et la vraie vie. ». Pour autant Woody Allen ne s’appesantit pas sur le travail d’enseignant de son héros (un peu de Kant par ci, de Sartre par là… ). Ce n’est pas l’essentiel. Il s’amuse surtout à tourner la philosophie en dérision, démontrant ainsi que non seulement, elle n’aide pas à vivre, mais n’est rien face à la force du réel et au caractère absurde et aléatoire de l’existence. Car, comme toujours chez le réalisateur, la légèreté apparente dissimule des réflexions personnelles, et on notera que si, dans chaque opus, le héros est une déclinaison de Woody Allen lui-même, il a toujours une identité propre, et les films ne sont jamais de simples copies des précédents.
Ainsi, c’est par le truchement du hasard qu’Abe Lucas va reprendre goût à la vie. Pour se sentir vivant, il lui faut commettre un crime. Un meurtre utile et parfait. Sans perdre pour autant son allant, le film bascule alors dans un registre plus hitchcockien (on pense inévitablement à La corde ou au Crime était presque parfait), et renoue avec les précédents Crimes et délits, Meurtres mystérieux à Manhattan, et les sombres Le rêve de Cassandre et  Match Point. Lubitsch cède peu à peu la place à Dostoïevski (Abe Lucas, comme Woody Allen, en est friand). La relation entre l’élève et son mentor prend elle aussi une autre tournure, qui va pousser la jeune fille romantique et naïve à révéler sa véritable nature. Face à un Joaquin Phoenix impeccable en dépressif torturé, Emma Stone rayonne, et finit par damer le pion à son partenaire. Woody Allen avait vu en elle une jeune Diane Keaton. Comme son aînée, l’actrice américaine excelle dans tous les registres, et se révèle même lubitschienne en diable (on l’imagine parfaitement en Cluny Brown dans La folle ingénue). Elle est le cœur du film, plus encore que ce professeur réfléchi qui se met subitement à adopter un comportement imprévisible et dangereux. Enfin, comme pour Match Point, chaque spectateur pourra mesurer son degré de moralité en fonction de son capital de sympathie envers le héros, ici le personnage tragicomique d’Abe Lucas, irrationnel malgré lui.
(1 h 35) Avec Jamie Blackley, Betsy Aidem, Ethan Phillips…

BANDE-ANNONCE

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2001, l’odyssée de l’espace : Making of

En 1968, un an avant le premier pas de l’homme sur la lune, bond prodigieux pour l’humanité et les esprits, Stanley Kubrick tissait un fil d’Ariane entre l’être humain et l’espace, marquant à jamais l’histoire du cinéma et de la science-fiction. En 2014, l’éditeur Taschen avait consacré à 2001, l’odyssée de l’espace un remarquable ouvrage, présenté dans un coffret métallique reproduisant le monolithe noir. Il réunissait quatre volumes abondamment illustrés de photos et documents inédits, truffés d’entretiens et de témoignages, ainsi que les fac-similés du scénario original et des notes de production. Limitée à 1500 exemplaires et plutôt onéreuse (1 000 € selon le site de Taschen), cette édition collector monumentale réalisée en étroite collaboration avec le Kubrick Estate et la Warner Bros est aujourd’hui déclinée en version allégée et beaucoup plus abordable.

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Dave : « I don’t know what you’re talking about, HAL.
HAL : I know that you and Frank were planning to disconnect me, and I’m afraid that’s something I cannot allow to happen. »

 

The Making Of Stanley Kubrick’s 2001 : A Space Odyssey

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De Piers Bizony et M/M Paris
Publié par Taschen en septembre 2015
En anglais, relié (16,9 x 37,8) 562 pages (59,99 €)

Piers Bizony est bien connu des amoureux du chef-d’œuvre visionnaire de Stanley Kubrick. Cet écrivain spécialisé dans la science et l’histoire de la technologie est l’auteur de l’ouvrage de référence 2001 : Filming The Future, dont la version française, 2001 : le futur selon Kubrick, éditée en 2000, est aujourd’hui épuisée. C’est une version enrichie de ce livre que l’on trouve ici, dans cette nouvelle édition, proposée uniquement en anglais (comme la précédente), du monumental coffret collector paru en 2014 chez Taschen, dont le design est signé M/M (Paris). Ce studio graphique français d’art et de design fondé en 1992 par Mathias Augustyniak et Michael Amzalag collabore régulièrement avec des créateurs de mode (Yohji Yamamoto, Marc Jacobs…), des musiciens (Benjamin Biolay, Etienne Daho, Madonna, Björk, Kanye West…), et des artistes contemporains (Pierre Huyghe, Inez & Vinoodh…). Selon l’éditeur, Mathias Augustyniak et Michael Amzalag ont conçu le livre (en forme de monolithe) « comme une symphonie, entièrement composée de pages dépliantes, à expérimenter si possible avec Le beau Danube bleu en fond sonore ». Le format inhabituel (et très controversé) n’est pas un hasard. Aussi insolite et imposant que le monolithe noir du film, l’ouvrage « qui n’a jamais été pensé comme expérience ordinaire ou un plaisir superficiel » est une œuvre d’art à part entière, au service de son sujet, et dont la manipulation doit interpeller le lecteur et le bousculer. Illustrant les propos de Piers Bizony, qui relate l’aventure que fut la création du film — de la genèse jusqu’à son héritage — les photos de plateaux et des coulisses du tournage, croquis, tableaux préparatoires et éléments publicitaires trouvent subtilement leur place. Le lecteur va de découverte en découverte en dépliant les pages de ce coffre au trésor. Hommage au génie de Kubrick et Arthur C. Clarke, ce livre permet de plonger au cœur d’un film révolutionnaire, et d’en découvrir non seulement les secrets, mais aussi les acteurs, les chefs-décorateurs, les experts en effets spéciaux… tous ceux qui ont contribué à cet éblouissement.

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2001, l’odyssée de l’espace

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Stanley Kubrick
1968

Des grands singes peuplant la terre il y a quatre milliards d’années à la conquête de l’espace en 2001, l’évolution de l’homme est une aventure vertigineuse et mystérieuse dont la clé semble être un étrange monolithe…

En 1963, après Docteur Folamour, son film déjanté sur l’amorce de la troisième guerre mondiale, le cinéaste américain Stanley Kubrick s’attelle à l’élaboration du projet le plus ambitieux jamais réalisé au cinéma : tenter d’élucider le mystère de l’humanité. Mais au cours des cinq années que dura sa création, ce programme audacieux prit des proportions démesurées. S’étant allié avec l’écrivain de science-fiction de renom Arthur C. Clarke, qui adapta pour la cause sa nouvelle intitulée The Sentinel, le cinéaste avait envisagé au départ de réaliser un semi-documentaire, qui aurait recours à des voix-off et des interviews scientifiques et métaphysiques. Cependant, soucieux de mettre en évidence sa vision de la relation de l’homme avec l’univers, Stanley Kubrick finit par opter pour la représentation purement cinématographique, prouvant ainsi que l’art, dépourvu de limites, peut explorer des domaines situés bien au-delà de la raison. Dans le même dessein, le réalisateur se débarrasse de la parole (« les mots étant un terrible carcan »). De fait, ce film de plus de deux heures ne comporte pas plus de quarante minutes de dialogues. Pour y suppléer, le cinéaste choisit avec une inspiration de génie une bande-son des plus originale. En effet, alors que l’usage dans le cinéma de science-fiction était de recourir à de la musique à connotation expérimentale, tentative de se rapprocher au maximum d’une certaine idée du modernisme, 2001, l’odyssée de l’espace va être transcendé par des chefs-d’œuvre de la musique classique, dont Le beau Danube bleu (qui accompagne à merveille les mouvements du vaisseau dans l’espace), de Johann Strauss et Ainsi parlait Zarathoustra, de Richard Strauss. Ce décalage crée une osmose foudroyante, et s’offre l’assurance de l’intemporalité (voir interview Nicolas Godin). Le lyrisme échevelé allié avec l’expérimentation scientifique et l’intelligence de la mise en scène font de ce film une vision de génie encore jamais égalée, posant par là même les bases du cinéma de science-fiction moderne. Les effets spéciaux innovateurs (soixante pour cent du budget du film), créés par une équipe de quatre techniciens chevronnés (dont Douglas Trumbull, réalisateur de Brainstorm en 1983) furent supervisés par Stanley Kubrick lui-même, qui effectua un travail très minutieux sur les modèles réduits. L’académie des Oscars lui offrira pour cela la seule statuette de sa carrière (suprême ironie !), bien que le film ait été nominé dans les catégories Meilleur réalisateur, Meilleur scénario et Meilleure direction artistique. Qu’importe ! Le cinéaste obtint avec ce film sa consécration définitive en même temps qu’un statut de mégalomane. Mais ce qui fait la puissance de ce chef-d’œuvre ne réside pas seulement dans la magnificence et l’inventivité visuelle. Parce qu’il touche à l’essentiel et à l’intouchable, 2001, l’odyssée de l’espace provoque chez le spectateur un sentiment indéfinissable de terreur. La solitude de l’homme devant l’immensité de l’univers et le pouvoir grandissant des machines représenté par l’implacable ordinateur HAL (les trois lettres précédant IBM) sont un sombre présage pour le destin de l’humanité, que la fin romantique (le fœtus astral) ne parvient pas à estomper. Le pessimisme exacerbé de Stanley Kubrick, dont la réputation de misanthrope ne cessera de croître avec les années, est à fleur du film. Bien des questions restent sans réponse. Car, si le monolithe est la clé de l’univers, qu’est-il vraiment ? Dieu ? Le néant ? « Chacun est libre de spéculer à son gré sur la signification philosophique et allégorique du film. J’ai essayé de créer une expérience visuelle » affirmait le cinéaste. Tout comme Hitchcock avec le suspense, Stanley Kubrick a révolutionné avec 2001 le cinéma de science-fiction si intensément que les autres réalisateurs préfèrent s’y référer plutôt que de se risquer à le contourner. Suprême ironie encore, Stanley Kubrick, disparu le 7 mars 1999, n’aura jamais vu l’année 2001.
Avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, Robert Beatty…

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Chronique rédigée pour fnac.com en 2001