WISHLIST NOËL 2021

Quinze cadeaux à s’offrir entre cinéphiles (l’ordre n’a pas d’importance).

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1 – Le plus nostalgique

 BILLY WILDER ET MOI (Mr Wilder And Me)
Jonathan Coe
Collection Du monde entier – Gallimard
Publié le 8 avril 2021 – 22 €

L’auteur britannique de Testament à l’anglaise et de La vie très privée de Mr Sim imagine la rencontre fortuite, en 1977, d’une étudiante grecque avec le légendaire réalisateur de Certains l’aiment chaud. Elle n’est pas cinéphile, n’a jamais vu un seul film du maître, mais elle va se retrouver interprète sur le tournage de Fedora. Entre cette jeune femme solaire et le vieux cinéaste dont la notoriété et le succès se sont étiolés, se forgera une belle amitié. Un roman charmant, truffé d’anecdotes réelles (on y croise Marthe Keller, Al Pacino et surtout I.A.L. Diamond, le scénariste génial de Wilder) issues d’un vrai travail de recherche de la part de l’auteur.

 

2 – Le plus édifiant

ALICE GUY
Catel & Bocquet
Éditions Casterman
Publié le 22 septembre 2021 – 24,95 €

Paru en 2018, Be Natural, le documentaire de Pamela B. Green, produit par Martin Scorsese, réhabilitait la Française Alice Guy-Blaché, première réalisatrice de l’histoire du cinéma. Catel (au dessin) et José-Louis Bocquet (à l’écriture) enfoncent le clou avec ce magnifique roman graphique, extrêmement documenté et passionnant. Engagée comme secrétaire par Léon Gaumont en 1894, Alice Guy-Blaché dirigera ensuite la production de cette société puis la sienne, Solax, implantée à Fort Lee aux États-Unis. On lui attribue aujourd’hui mille films. Pourtant, cette contemporaine des frères Lumière, Georges Méliès, Louis Feuillade ou Charlie Chaplin a été jusqu’à aujourd’hui injustement oubliée des livres d’histoire et des encyclopédies. Pire : son travail a été attribué à d’autres, des hommes, bien sûr.

 

 

3 – Le plus « Nouvelle Vague »

LES AVENTURES D’ANTOINE DOINEL Coffret Blu-ray
La saga en 5 films de François Truffaut
Carlotta Films
Publié le 1er décembre 2021 — 50 €

Les 400 coups, Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal, L’amour en fuite ont été pour l’occasion restaurés en 4K. Ce coffret 4-Blu-ray, inespéré pour les fans de François Truffaut, assortit les films de pléthore de suppléments, dont le court-métrage Les mistons, mais aussi des commentaires audio, des entretiens, des reportages d’époque, des essais des comédiens etc. Il existe aussi en version HDR (High Dynamic Range), pour une qualité d’image encore plus impressionnante, à 75 €. Pour couronner le tout, les visuels du coffret et des jaquettes de chaque film, signés par l’artiste Tom Haugomat, sont sublimes.

 

4 – Le plus iconique

FRANÇOIS TRUFFAUT – FILM PAR FILM
Laurent Delmas, Christine Masson
Éditions Gallimard
Publié le 14 octobre 2021 — 39,90 €

On en revient toujours à Truffaut. Les deux critiques et chroniqueurs de l’émission de cinéma On aura tout vu, sur France Inter, se sont penchés sur l’œuvre du père d’Antoine Doinel. L’histoire de chacun des vingt-cinq films du réalisateur est évoquée à grand renfort d’anecdotes de tournage et de belles photographies. Un très beau livre, malgré une photo de couverture un peu tristounette, dont la préface, intitulée Pourquoi François Truffaut nous est indispensable, est signée Arnaud Desplechin, ce qui ne gâte rien.

 

5 – Le plus romantique

PANDORA Coffret Ultra Collector Combo Blu-ray + DVD
Albert Lewin
Carlotta Films
Paru le 27 octobre 2021 — 49,99 €

Dans les années 30, la rencontre entre une chanteuse américaine et un homme mélancolique qui n’est autre que le Hollandais volant de la légende, condamné à errer sur les mers jusqu’à ce qu’une femme soit prête à mourir pour lui… La divine Ava Gardner et James Mason ont fait de cette relecture d’un mythe un chef-d’œuvre du 7ème art. Même si on a l’impression de connaître le film par cœur, on le découvre ici dans toute sa splendeur, grâce à la restauration 4K. Il est enrichi de bons suppléments dont les souvenirs de tournage du chef opérateur Jack Cardiff, d’un beau livre de 160 pages de Patrick Brion, incluant 30 photos d’archives et d’un chouette marque-page numéroté (ce coffret Ultra Collector est le 20ème de la collection). À noter que le film est également disponible en éditions simples séparées, Blu-ray ou DVD, à 19,99 €

 

6 – Le plus cérébral

MICHAEL MANN – MIRAGES DU CONTEMPORAIN
Jean-Baptiste Thoret
Éditions Flammarion
Publié le 22 septembre 2001  – 35 €

Jean-Baptiste Thoret est « le » spécialiste de Michael Cimino. Mais pas que. Il admire aussi beaucoup Michael Mann, qui fait le lien entre le Nouvel Hollywood (Mann réalise son premier film, Le solitaire, en 1981) et aujourd’hui, imprimant de sa marque singulière, décennie après décennie, une industrie hollywoodienne formatée. Le dernier des Mohicans, Heat, Collateral, Miami Vice… À cheval entre le classique et le moderne, le film d’auteur et le blockbuster, ce cinéaste esthète qui ne cesse d’approfondir son style et ses obsessions méritait cette analyse pointue de l’historien et critique français, fruit de vingt-cinq années de réflexion sur l’œuvre du réalisateur américain.

 

7 – Le plus cool

COWBOY BEBOP INTÉGRALE
Edition Gold (Dybex)
Paru en 2008  – 9,99 € chez Auchan

Un tout petit prix pour un grand cru. Si vous n’avez pas été conquis par la récente adaptation en live action, diffusée sur Netflix, vous pouvez vous consoler avec ce coffret 7-DVD. Les vingt-six épisodes de la série d’animation culte de Watanabe Shinichirô sont assortis d’un livret. See you space cowboy…

 

8 – Le plus « eighties »

COFFRET JOHN HUGHES – 5 FILMS
Edition Blu-ray ou DVD Paramount Exclusivité Fnac
Paru le 12 octobre 2021 – 39,99 € BR ou DVD

Si, comme moi, vous étiez jeune dans les années 80 et fan de John Hughes par-dessus le marché, ce coffret est juste indispensable. Seul bémol, il ne comprend pas Breakfast Club. Mais il regroupe Un ticket pour deux (Planes, Trains And Automobiles) et les comédies ado La folle journée de Ferris Bueller (Ferris Bueller’s Day Off), Rose Bonbon (Pretty In Pink), dont deux moins connues : La vie en plus (She’s Having A Baby) avec Kevin Bacon et Elizabeth McGovern, et l’épatante La vie à l’envers (Some Kind Of Wonderful) réalisée par Howard Deutch (écrite et produite par John Hughes) avec l’exquis trio Eric Stoltz, Mary Stuart Masterson et Lea Thompson.

 

9 – Le plus exotique

DICTIONNAIRE DU CINÉMA CORÉEN
Antoine Coppola
Éditions Nouveau Monde
Paru le 17 novembre 2021 – 22,90 € BR

Les récents succès de Parasite, Dernier Train pour Busan ou de la série Squid Game en témoignent : la Corée du Sud en a sous le capot. Pour mieux appréhender le fruit de cette industrie en plein essor, le critique Antoine Coppola a sélectionné les films qui comptent, parus au cours des deux dernières décennies, mais aussi les réalisateurs et les acteurs. On y découvre aussi des études thématiques, des bilans annuels etc. Antoine Coppola est professeur à l’université Sungkyunkwan de Séoul. Autant dire qu’il sait de quoi il parle.

 

10 – Le plus enchanteur

FRANÇOIS DE ROUBAIX – COMPOSITEUR ET AVENTURIER
Coffret 5 LP Couleur
Collection Écoutez le cinéma !
Paru en novembre 2021 — 98,99 €

Une anthologie en vinyle pour les amoureux de ce monument de la musique de film, auquel on doit des thèmes inoubliables (Les aventuriers, Le vieux fusil, Le samouraï…). Si ce coffret de rêve, incluant des titres jamais réédités, ne rentre pas dans votre budget, vous pouvez toujours vous tourner vers d’autres vinyles de la collection, comme celui-ci, à 14,99 €

 

11 et 12 – Les plus fondamentaux

SUR LA ROUTE DE CLINT EASTWOOD
Marc Godin

QUENTIN TARANTINO – LE CINÉMA DANS LE SANG
Marc Godin et Denis Brusseaux

Éditions du Layeur
Parus le 2 décembre 2021 — 29,90 € chacun

Ces deux beaux ouvrages reliés, tous chauds pour Noël, se penchent sur la filmographie de deux réalisateurs essentiels du cinéma américain, dont l’un est une légende. Retour sur la filmographie, iconographie somptueuse, anecdotes, interviews. Bref, deux livres incontournables !

 

13 – Le plus poignant

PATRICK DEWAERE — À PART ÇA LA VIE EST BELLE
Laurent-Frédéric Bollée et Maran Hrachyan
Éditions Glénat
Publié le 6 janvier 2021

Un bel hommage en bande dessinée à Patrick Dewaere, acteur génial et écorché vif, qui s’est donné la mort à trente-cinq ans. Le livre met en exergue son côté sombre, torturé, hypersensible et sale gosse, souvent. On y croise Serge Gainsbourg, Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Coluche, Lino Ventura, Bernard Blier… Il reste notre James Dean à nous.

 

14 – Le plus spirituel

UNE ABONDANCE DE PIGEONS
Harry Bliss et Steve Martin
Éditions Baker Street
Publié le 9 juin 2021 — 20 €

Lorsqu’un célèbre dessinateur du New Yorker et un comique de la trempe de Steve Martin se rencontrent, ça fait des étincelles ! Ce recueil de dessins humoristiques est un régal. Des histoires de chiens et chats à l’espace galactique ou aux musées d’art, tout est prétexte à une réflexion pertinente, comme ce couple se promenant au bord de la mer qui découvre qu’il y a un homme au loin, sur la falaise. Le premier se retourne vers sa compagne et dit : « Il y a trop de monde, on s’en va. »

 

15 – Le plus imposant

JANE CAMPION par JANE CAMPION
Michel Ciment
Cahiers du Cinéma
Publié en 2014 — 24,99 €

Certes, ce n’est pas une nouveauté, mais il est toujours disponible, à un prix très abordable, et on s’en réjouit. Ce très beau livre plutôt monumental regroupe trente ans d’entretiens de la cinéaste avec le critique Michel Ciment. Toutes ses œuvres sont abordées jusqu’à l’épatante série Top Of The Lake, et illustrées avec des photos magnifiques, dont certaines proviennent des archives personnelles de Jane Campion. En bonus, on y trouve le DVD du chef-d’œuvre La leçon de piano. À noter que que la réalisatrice néo-zélandaise est mise à l’honneur sur Netflix pour les fêtes. Outre The Power Of The Dog, son dernier cru, la plateforme propose de retrouver Sweetie, La leçon de piano et Bright Star.

★★ ET JOYEUX NOËL ! ★★

BONS BAISERS DE HONG KONG My Heart Is That Eternal Rose/Man On The Brink

Disponibles depuis cet été chez Spectrum Films, éditeur indépendant français spécialiste de cinéma asiatique, ces deux perles made in Hong Kong sont à re(découvrir) d’urgence. Les films, d’excellente facture, sont accompagnés de suppléments tout bonnement remarquables.

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« Dans un monde où tout peut arriver sans qu’on s’y attende, on ne peut s’accrocher qu’à ses propres croyances. » Patrick Tam

  

MY HEART IS THAT ETERNAL ROSE (Sha Shou Hue Die Meng)

Patrick Tam
1989

Oncle Cheung (Hoi-San Kwan), ancien membre d’une triade aujourd’hui rangé des voitures, tient un bar prospère au bord de la mer, dans lequel sa ravissante fille, Lap (Joey Wang), est serveuse. Un jour, un caïd de son passé vient lui demander un service qu’il ne peut refuser : s’assurer de faire rentrer clandestinement son fils sur le territoire. Oncle Cheung accepte à contrecœur et demande à Rick (Kenny Bee), le petit ami de Lap, de lui servir de chauffeur. Les choses vont mal tourner…

Comme le précise Arnaud Lanuque, spécialiste de cinéma de Hong Kong, dans l’interview qui complète cette édition, la traduction du titre original serait plutôt Le rêve papillon du tueur. Dans tous les cas, il annonce la couleur : celle d’un romantisme exacerbé. Ce beau film, un peu oublié par les amateurs du genre, est paru en 1989, en plein âge d’or du cinéma de Hong Kong. C’est l’année de The Killer, chef-d’œuvre de John Woo, réalisateur qui a marqué de son empreinte l’ « heroic bloodshed » (« carnage héroïque »), un genre à jamais associé au cinéma de l’ex-colonie britannique. Avec ses séquences sanglantes et scènes de bravoure, My Heart Is That Eternal Rose s’inscrit dans cette lignée, même si le polar aux accents mélodramatiques de Patrick Tam tient davantage de la romance criminelle. Le cinéaste est de la même école que Wong Kar-Wai, dont le magnifique As Tears Go By était paru l’année précédente et dont Tam a porté à l’écran, en 1987, un des premiers scénarios (Final Victory). On relève d’autres points communs avec l’univers du fameux réalisateur de In The Mood For Love. Le directeur photo ici n’est autre que l’Australien Christopher Doyle, chef-opérateur attitré du cinéaste. Figure également dans la distribution l’un de ses acteurs fétiches : Tony Leung Chui-Wai. Celui-ci campe avec brio le jeune Cheung, un des hommes de main de Shen (Michael Chan Wai-Man), l’infâme chef de gang qui exploite la jolie Lap. Touché par le destin cruel de la jeune femme et secrètement amoureux d’elle, le sensible et chevaleresque Cheung va mettre sa vie en péril pour la sauver. La prestation de Tony Leung n’est pas le seul atout de ce film intense et poétique, hanté par la chanson sirupeuse et envoûtante que Lap interprète dans le club de Shen lors d’une sublime séquence. Il est peu de dire que la star taïwanaise Joey Wang, révélée par le fameux Histoires de fantômes chinois de Tsui Hark, illumine cette histoire d’amour contrariée et impossible, empreinte de mélancolie sur la fatalité et le temps perdu. Une merveille ;
1 h 30 Et avec Gordon Liu Chia-Hui, Chi-Ping Chang, Tat-Ming Cheung…

BANDE-ANNONCE

 

TEST EDITION BLU-RAY

Interactivité ****
Le combo Blu-ray-DVD (superbe visuel) enrichit le film d’excellents suppléments. Une interview d’Arnaud Lanuque (15 minutes) éclaire sur la personnalité de Patrick Tam, ancien critique qui a fait ses classes à la télévision, avant de devenir réalisateur. Cinéaste éclectique et intellectuel, connaisseur des arts et de la philosophie occidentale, Tam n’a hélas pas trouvé sa place dans un cinéma de Hong Kong devenu très commercial. S’il revient épisodiquement derrière la caméra, il est surtout devenu un éminent professeur de cinéma. Un documentaire de 50 minutes, In The Mood For Doyle, réalisé par Yves Montmayeur en 2006, est consacré au chef opérateur Christopher Doyle, Australien qui a choisi de vivre à Hong Kong. On peut y entendre, entre autres, Gus Van Sant et Olivier Assayas. Sur le Blu-ray uniquement, on profite d’une interview pleine de sagesse de Patrick Tam par Arnaud Lanuque (30 minutes) puis du producteur John Shum (12 minutes). On ne négligera pas non plus la pertinente analyse du film par l’essayiste Alex Rallo (29 minutes).

Image ***
Format : 1.77
Une copie très propre, vaporeuse parfois, mais le plus souvent magnifiquement contrastée, qui met en valeur la photo aux couleurs symboliques de Christopher Doyle (cascades de bleus, de rouges, de violets…).

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en cantonais sous-titré français
Une fois n’est pas coutume, c’est la version mono, plus dynamique, qui s’en sort le mieux. La version 5.1, aux effets essentiellement frontaux, est bien trop timide.

 

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« À bien des égards, le policier infiltré est le sous-genre du polar le plus emblématique de Hong Kong, et le plus symbolique de la confusion identitaire de ses citoyens. » Arnaud Lanuque

 

 

MAN ON THE BRINK (Bin Yuen Yan)

Alex Cheung
1981

Jeune agent de la police de Hong Kong nouvellement promu, Ho Wing-Chiu (Eddie Chan) est intègre et animé d’intentions louables. Un jour, son supérieur (Lun Chia) lui propose de prendre du galon s’il accepte d’infiltrer un gang de triades. Il ne doit révéler sa nouvelle identité à personne, pas même à sa petite amie. Au début, Ho prend la mission comme un jeu. Mais passer d’un monde à l’autre va devenir de plus en plus difficile…

Man On The Brink est le deuxième long-métrage d’Alex Cheung, dont le premier film, Cops And Robbers (Dian Zhi Bing Bing), sur les écrans en 1979, avait fait figure de petite révolution dans l’univers du polar hongkongais. Réalisateur issu de la télévision, Cheung prise le réalisme, la caméra à l’épaule et le tournage en extérieur, dans les rues grouillantes de préférence. Son sens du rythme, les prises de vues subjectives et la représentation de la violence (on s’intéresse aux conséquences plus qu’à la glorification de celle-ci) font également merveille dans ce Man On The Brink tourné deux ans plus tard. Inspiré des confidences d’un ex-policier qui avait travaillé sous couverture, le film narre la descente aux enfers d’un jeune flic intègre qui va peu à peu perdre son identité et ses repères. Eddie Chan, étoile montante à l’époque, incarne admirablement ce jeune homme de bonne volonté dont la vie bascule irrémédiablement dans le chaos. La crise existentielle de Ho est au cœur de ce polar sombre, implacable, viscéral et d’une grande honnêteté, qui ne cherche pas à rendre les scènes d’action héroïques ou spectaculaires. Men On The Brink met également en lumière la corruption qui gangrène la police locale et les rapports tendus entre celle-ci et la police coloniale, la première tolérant mal d’être dirigée par la seconde. Ce double jeu constant reflète les paradoxes de Hong Kong, écartelée entre traditions locales séculaires et valeurs occidentales. Applaudi par la critique à sa sortie, le polar d’Alex Chung est, selon les observateurs, à l’origine d’un sous-genre, celui du policier infiltré, qui offrira au cinéma de Hong Kong ses plus beaux coups d’éclat : City On Fire, de Ringo Lam (1987), À toute épreuve, de John Woo (1992) ou Infernal Affairs d’Andy Lau et Alan Mak (2002). La scène finale est mémorable.
1 h 40 Et avec Oi-Tsu Fung, Hing-Yin Kam, Ling Wei Chen, Ka Wai Cheung…

BANDE-ANNONCE

 

TEST EDITION BLU-RAY

Interactivité ****
Comme dans l’édition de My Heart Is That Eternal Rose, on profite ici d’un travail éditorial soigneux : présentation d’Arnaud Lanuque (8 minutes) et analyse par Alex Rallo (20 minutes). Le Blu-ray enrichit le programme d’une autre salve de suppléments, à commencer par une longue interview du réalisateur (72 minutes), qui insiste sur le fait que le job de flic infiltré était quasiment inconnu du public dans les années 70 (et que lui-même n’en avait jamais entendu parler !). Une sympathique table ronde consacrée au film, enregistrée à Hong Kong en 2019, permet de découvrir toute l’équipe (75 minutes). On peut également avoir un aperçu du tournage grâce à des images capturées en 8 mm : on y voit le cinéaste, caméra à l’épaule, courir derrière ses acteurs, et les diriger pour le combat de rue (14 minutes). Enfin l’équipe du Podcast Steroid — Exégèse des Gros Bras revient sur le film dans un numéro spécialement enregistré pour cette édition. La bande-annonce figure également au menu.

Image ***
Format : 1.77
Une copie soignée, sans défaut majeur. Les couleurs sont naturelles et les contrastes probants, même dans les séquences nocturnes.

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en cantonais sous-titré français
On relève un bon dynamisme de la piste 5.1, même si elle reste principalement frontale. La piste mono, plus conservatrice, est tout à fait honorable.

La boutique SPECTRUM FILMS

ILLUSIONS PERDUES de Xavier Giannoli

Xavier Giannoli donne un coup de fouet au chef-d’œuvre d’Honoré de Balzac dans cette adaptation moderne et enlevée, interprétée par des comédiens aussi fougueux que charismatiques. Jubilatoire !

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« Dans tous les cas, s’il fallait rater sa vie, il valait mieux la rater à Paris. »

 

ILLUSIONS PERDUES

Xavier Giannoli
2021
En salles depuis le 20 octobre

À Angoulême, durant la Restauration, Lucien Chardon (Benjamin Voisin), orphelin, travaille dans l’imprimerie de son beau-frère et, à ses heures perdues, écrit de la poésie qu’il signe Lucien de Rubempré, le nom noble de sa mère. Il file le grand amour avec sa belle protectrice Louise de Bargeton (Cécile de France), amie des arts dont le mari fortuné « est aussi vieux que les murs de son château ». Mais leur liaison est découverte. Pour éviter le scandale, cette dernière décide de partir pour Paris et emmène Lucien dans ses bagages. Le jeune homme a des ambitions littéraires, la belle affaire !

Xavier Giannoli a trouvé le ton juste pour rendre justice au chef-d’œuvre d’Honoré de Balzac issu de La Comédie humaine. Pavé publié entre 1837 et 1843, le roman d’apprentissage Illusions perdues comporte trois parties. Le film se focalise sur la deuxième : Un grand homme de province à Paris. Le jeune poète candide, naïf et plein d’ambition se jette sans filet dans l’arène et Giannoli filme son entrée dans le tourbillon de la capitale avec maestria. On le convainc que la poésie n’intéresse plus personne et que les romans ne trouvent pas preneurs. L’avenir est dans le journalisme. À l’écran, la férocité de la plume de Balzac explose de manière jubilatoire et, notamment, via le personnage de Lousteau, rédacteur totalement dépourvu de morale, incarné avec brio par Vincent Lacoste : « Notre ligne éditoriale sera simple : le journal tiendra pour vrai… tout ce qui est probable ! » La presse aime le scandale, quitte à le provoquer. Elle est corrompue, vénale et toute-puissante. Un journal fait et défait le monde, peut dire tout et son contraire, et se vend au plus offrant. « En France, écrit Balzac, l’esprit est plus fort que tout, et les journaux ont de plus que l’esprit des hommes les plus spirituels, l’hypocrisie de Tartufe. » Les critiques (ces « marchands de phrases ») en prennent pour leur grade, et tout cela est terriblement d’actualité. Un peu trop d’ailleurs. Les allusions au Masque et la Plume, tout comme à Emmanuel Macron (« Un jour peut-être, allez savoir, un banquier va arriver au gouvernement. »), n’étaient pas nécessaires et ces intentions appuyées éloignent du romanesque. Heureusement, la fidélité au roman prévaut. Certes épuré, voire simplifié, le récit de Balzac étincelle. Le rythme est effréné, les dialogues cinglent, les comédiens virevoltent, les décors en jettent : un vrai feu d’artifice ! La bonne société de Paris n’est pas celle de province. La moindre faute de goût, le moindre faux pas peut être fatal à tout jeune ambitieux qui ne maîtrise pas les codes. « Dans le monde, on est forcé de faire des politesses à ses plus cruels ennemis, de paraître s’amuser avec les ennuyeux et souvent, on sacrifie en apparence ses amis pour mieux les servir. » (Balzac, encore…)
Le fougueux Benjamin Voisin, repéré dans Été 85, de François Ozon, est parfait. La jeune Salomé Dewaels (héroïne de la récente série L’absente) est bouleversante, et Xavier Dolan, dont le Nathan est la synthèse de plusieurs personnages du livre, formidable (la voix-off, c’est aussi lui). On se délecte aussi de la présence de Gérard Depardieu, Jeanne Balibar (perfide à souhait), André Marcon, Louis-Do de Lencquesaing et Jean-François Stévenin, dans l’un de ses derniers rôles. L’imposture, l’arrivisme, le narcissisme… ce qui pervertit les belles âmes et fait le sel de la comédie humaine est constamment sublimé par le réalisateur des magnifiques À l’origine, Quand j’étais chanteur et Marguerite. Il démontre au passage que le film d’auteur n’est pas incompatible avec le cinéma populaire. Xavier Giannoli, mesdames et messieurs !
2 h 29 Et avec Candice Bouchet, Jean-Marie Frin, Saïd Amadis, Sandrine Molaro, Isabelle de Hertogh, Jean-Paul Muel…