Festival de Deauville 2023 : Welcome to America !

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Le festival de Deauville boudé par les stars américaines… c’est devenu une habitude. Mais avec la grève (justifiée) des scénaristes et des acteurs qui plombe Hollywood depuis mai, le peu de vedettes attendu au cours de cette 49ème édition a dû renoncer à venir fouler les planches. Adieu Jude Law, Nathalie Portman et Peter Dinklage ! Malgré tout, la sélection 2023 des films en compétition a suscité l’enthousiasme. Les séances, même matinales, ont fait salle comble. L’Anglaise Emilia Clarke est venue chercher son Prix du Nouvel Hollwood. Et puis, soleil et chaleur se sont invités sur la côte normande, qui a pris pendant toute la semaine des airs de Californie.

 

©Jacques Basile

Kyle Eastwood, fils aîné de Clint, était sur scène pour la soirée d’ouverture. Le contrebassiste de jazz a interprété quelques morceaux issus des films de son père, pièces choisies de son nouvel album.


© Jacques Basile

Mais l’autre événement, avant la projection de l’excellent Le jeu de la reine, de Karim Aïnouz, était la présence du réalisateur mythique et électron libre du Nouvel Hollywood Jerry Schatzberg. Le cinéaste new-yorkais de Portrait d’une enfant déchue (avec Faye Dunaway), Panic à Central Park (qui a révélé Al Pacino) ou de L’épouvantail (Palme d’Or à Cannes en 1973) avait débuté comme brillant photographe de mode dans les années 60. Il a été joliment introduit par Guillaume Canet, qui a joué dans son dernier film en date en 2000, The Days The Ponies Come Back. L’acteur et réalisateur français, très ému, a ensuite accueilli son mentor de 96 ans sur scène. C’était beau.

 

 

LE PALMARÈS

 

Il y avait quatorze films à départager. Les deux jurys, l’un présidé par Guillaume Canet — composé de Rebecca Marder, Marina Hands, Alexandre Aja, Anne Berest, Anne de Clermont-Tonnerre, Léa Mysius, Stéphane Bar et Maxime Nucci dit Yodelice —  l’autre, celui de la Révélation, par Mélanie Thierry — composé de Julia Faure, Pablo Pauly, Ramata-Toulaye Sy, Félix Lefebvre et Cécile Maistre-Chabrol – ont visé juste. Le palmarès reflète peu ou prou les inclinations des festivaliers. Trois prix sont allés au même film. Et quel film !

 

GRAND PRIX – PRIX DU PUBLIC – PRIX DE LA CRITIQUE 


« Where the fuck is LaRoy ? »

LaRoy


Shane Atkinson
2023
Sortie en salles prévue en avril 2024

Une indélicatesse de Skip (Steve Zahn), qui joue les détectives privés au grand mépris de la police de LaRoy, petite bourgade du Texas, a permis à Ray (John Magaro) de découvrir l’infidélité de son épouse. Anéanti, ce modeste employé d’un magasin de bricolage achète un revolver afin de mettre un terme à sa morne existence. Il choisit de passer à l’acte une nuit, sur le parking du motel où les amants se retrouvent. Problème, c’est sur ce même parking qu’un type du coin, désireux de se débarrasser d’un gêneur, a donné rendez-vous à un tueur à gages. Pris au dépourvu par l’irruption de cet inconnu qui lui offre une belle enveloppe, Ray ne le détrompe pas et accepte la mission. Il n’aurait pas dû… 

Les oreilles du jeune réalisateur californien Shane Atkinson ont dû bourdonner toute la semaine. La première projection de LaRoy, mercredi 6 septembre au CID, a donné lieu à un tonnerre d’applaudissements. Un spectateur est venu lui dire qu’il était certain qu’il remporterait le Grand Prix. C’était une évidence. Comédie noire dans la veine du cinéma de Martin McDonagh (Bons baisers de Bruges en tête), des frères Coen, et qui rappelle aussi Cut Bank, la série B jubilatoire de Matt Shakman, ce premier film est une merveille d’écriture (Shane Atkinson a signé le scénario) et de réalisation. Produit par le Français Sébastien Aubert et sa société Adastra Films, ce néowestern est porté par des acteurs truculents dont un Steve Zahn aussi drôlissime que touchant. La sublime photo de Mingjue Hu met en valeur les paysages de ce Texas de fiction (le film a été tourné au Nouveau-Mexique) et la musique ad hoc des trois compositeurs français (Rim Laurens, Delphine Malaussena et Clément Peiffer) sied idéalement à ce polar nourri d’americana, qui alterne adroitement la comédie et le drame. Un régal !
1 h 52. Et avec Dylan Baker, Megan Stevenson, Matthew Del Negro, Galadriel Stineman, Brad Leland, Darcy Shean…

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PRIX DU JURY EX-AEQUO et PRIX DE LA RÉVÉLATION 

 « The movie that happens when guys at the bar talk about the movie they want to make. » Sean Price Williams

 

THE SWEET EAST


Sean Price Williams
2023
Sortie en salles prévue début 2024

En voyage scolaire à Washington avec sa classe de terminale d’un lycée de Caroline du Sud, la jolie Lilian (Talia Ryder) décide de prendre le large. Une rencontre avec des activistes néopunks va l’entraîner dans un périple à travers les villes et les campagnes de la côte Est. Elle va traverser tout le prisme des radicalités et des délires contemporains, des suprémacistes aux islamistes en passant par des avant-gardistes woke…

« La dislocation mentale, sociale et politique des États-Unis, filmée comme un jeu de marelle ou une variation d’Alice au pays des merveilles, à la croisée du conte, du récit picaresque et des films-ballades des années 70. » À la Quinzaine des cinéastes, où le film était présenté cette année, le dossier de presse annonçait joliment la couleur. On ne peut mieux décrire cette première réalisation en solo du directeur de la photographie américain Sean Price Williams, qui a collaboré avec les cinéastes Alex Ross Perry (producteur ici) et Josh & Bennie Sadfie (sur Good Time et Mad Love in New York). Le scénario audacieux a été cuisiné par Nick Pinkerton, journaliste free-lance et critique de cinéma new-yorkais. The Sweet East est un cocktail d’ironie, de comédie noire et d’hyperviolence (façon Trauma) illuminé par la présence de la belle et troublante Talia Ryder. Elle incarne à merveille cette jeune fille à qui on donnerait le bon Dieu sans confession, et qui n’est pourtant pas si innocente. L’Amérique en prend pour son grade et le cinéaste s’en donne à cœur joie, n’épargnant aucun de ses personnages. La subtilité n’est pas toujours le fort de cette farce corrosive, absurde et souvent drôle, mais ce tir au pigeon à quelque chose de jubilatoire ainsi qu’un charme fou. Quant à Talia Ryder, qui rappelle la jeune Kristen Stewart, c’est une révélation. Mon coup de cœur de la sélection !
1 h 44. Et avec Simon Rex, Jacob Elordi, Earl Cave, Jeremy O’Harris, Ayo Edebiri, Jack Irv…

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PRIX DU JURY EX-AEQUO


« Desperate for a dream… Donya (510) 555 – 7625 »

FREMONT


Babak Jalali
2023
Sortie en salles en décembre 2023

Donya (Anaita Wali Zada), réfugiée afghane de vingt ans, travaille dans une entreprise familiale de fortune cookies à San Francisco. Elle réside dans une ville toute proche, Fremont, comme la plupart de ses compatriotes. Auparavant traductrice pour l’armée américaine en Afghanistan, elle se sent seule dans ce nouveau pays qui n’est pas aussi accueillant qu’elle l’imaginait. Le jour où son patron lui confie la rédaction des messages à insérer dans les biscuits, la jeune femme décide de prendre son destin en main… 

Tourné en noir et blanc (« parce que c’est beau » dixit le réalisateur) et en format resserré pour mettre en exergue l’isolement de l’héroïne, Fremont distille une mélancolie extrêmement poétique. Le rythme très lent, la photographie magnifique et les petites phrases qui font mouche lui confèrent une formidable personnalité. Sous influences Aki Kaurismaki ou Jim Jarmush (revendiquées par le cinéaste), ce portrait d’une immigrée qui s’interdisait de rêver et qui tente de trouver sa place, joue sur la simplicité et l’humour. C’est à Fremont, proche de la Silicon Valley, que réside et travaille la plus grande communauté afghane aux États-Unis depuis l’arrivée des Talibans au pouvoir en 2021. Le quatrième long-métrage de l’Iranien Babak Jalali, dont la culture est très proche de l’afghane, va à l’encontre des clichés. Donya n’est pas une victime. Elle est intelligente, cultivée et son regard sur les Américains ne manque pas de pertinence. La critique a déjà encensé ce film imprévisible et attachant, dont le dernier quart d’heure est tout bonnement magnifique.
1 h 31. Et avec Jeremy Allen White, Gregg Turkington, Hilda Schmelling, Avis See-Tho, Eddy Tang…

À l’issue de la projection, le réalisateur a fait distribuer aux spectateurs les fortune cookies fabriqués spécialement pour le film.

 

NOTES SUR D’AUTRES FILMS DE LA COMPÉTITION

 

PAST LIVES, NOS VIES D’AVANT


Celine Song
2023
Attendu en salles en décembre 2023

La jeune Na Young et son ami Hae Sung, inséparables lorsqu’ils étaient enfants à Séoul, se disent adieu lorsque la famille de la première émigre au Canada. L’adolescente de douze ans, ambitieuse, vit plutôt bien ce départ, contrairement à Hae Sung, qui en a le cœur brisé. Douze ans plus tard, ils se retrouvent grâce aux réseaux sociaux. Na Young (Greta Lee) se prénomme désormais Nora et aspire à devenir dramaturge à New York. Hae Song (Teo Yoo) vit toujours en Corée du Sud où il étudie l’ingénierie…

Les habitués des K-dramas et autres séries coréennes seront en territoire connu. L’influence du destin y est un élément récurrent. Celine Song s’est inspirée de sa propre expérience pour tisser cette relation complexe entre deux êtres aux aspirations différentes, éloignés géographiquement et qui restent profondément attachés l’un à l’autre. Cette histoire d’amour impossible, filmée avec une délicatesse inouïe, rappelle par bien des aspects In The Mood For Love de Wong Kar-wai. Entre deux balades dans un New York sublime, les deux protagonistes s’interrogent sur leurs décisions. Que se serait-il passé si ? Étaient-ils faits pour être ensemble ? Tout en simplicité et passion retenue, le beau Teo Yoo, vu dans Leto, est poignant. Greta Lee (The Morning Show) est excellente dans la peau de cette intellectuelle émancipée, occidentalisée et désarçonnée par la force et la sincérité qui émanent de son amour d’enfance. Quant à John Magaro (encore lui…), il brille dans le rôle d’Arthur, le mari de Nora, qui assiste, inquiet et impuissant, à ces retrouvailles. Un film extrêmement séduisant, mélancolique et subtil, qui parle de déracinement, d’amour et de regrets. (1 h 46)

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I.S.S.


Gabriela Cowperthwaite
2023
Date de sortie en salles non déterminée

C’est le premier voyage dans l’espace pour la jeune docteur Kira Foster (Ariana DeBose) qui rejoint l’équipage français à bord de la Station Spatiale Internationale, composé de trois Français et de trois Russes. L’entente est plutôt cordiale jusqu’à ce qu’un conflit éclate au sol. Le commandant de chacune des équipes reçoit alors l’ordre de prendre le contrôle de la station… par tous les moyens…

Sujet on ne peut plus pertinent : en ces temps de tension entre les superpuissances, la Station Spatiale Internationale est l’un des derniers endroits où la Russie et les États-Unis coopèrent. La cinéaste américaine Gabriela Cowperthwaite n’est pas une débutante. Après des études en sciences politiques, elle a signé des longs-métrages et des documentaires remarqués. Ce thriller dans l’espace, anxiogène à souhait, est prétexte à s’interroger sur la nature humaine. Dans une situation extrême, est-ce qu’un individu est enclin à laisser parler son libre arbitre ou à suivre des consignes ? La cinéaste a su tirer parti d’un petit budget. Les couloirs étroits de la station rendent claustrophobes et les scènes d’action se révèlent sauvages, à cause de la proximité des personnages piégés dans cet environnement hostile. I.S.S. bénéficie de la présence de comédiens solides. Autour de la jeune Ariana DeBose, lauréate de l’Oscar du Meilleur second rôle en 2022 pour sa performance dans le remake de West Side Story de Steven Spielberg, on reconnaît Chris Messina (Call Jane, Argo, The Sinner…), Costa Ronin (The Americans, Homeland…) ou le Danois Pilou Asbæk (Game Of Thrones, Ghost In The Shell…). (1 h 33)

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BLOOD FOR DUST


Rod Blackhurst
2023
Date de sortie en salles non déterminée

Cliff (Scoot McNairy) est au bout du rouleau. Représentant en matériel médical, il sillonne les routes du Montana et va d’un motel miteux à l’autre. Même si son épouse ne lui reproche rien, les dettes s’accumulent et la situation financière devient alarmante, d’autant que le couple a un fils malade. Un soir, dans un bar où il a ses habitudes, il est accosté par un ex-collègue (Kit Harington) avec lequel il avait participé à une arnaque qui avait mal tourné. Ce dernier lui propose une affaire juteuse et totalement illégale. Au départ réfractaire, l’honnête Cliff finit par accepter…

C’est l’amour du cinéma de genre qui a poussé Rod Blackurst à mettre en scène ce film noir aux ambiances de western, sorte de versant sombre du LaRoy de Shane Atkinson. L’action se déroule au Montana dans les années 90. Nul besoin de créer des décors : le réalisateur affirme que rien n’a changé au Montana depuis l’époque du Far West, et que la région attire toujours ceux qui veulent « se faire de l’argent facile ». Rod Blackhurst vient de la télévision et du documentaire. En 2016, il a signé Amanda Knox, évocation de l’affaire du meurtre de l’étudiante Meredith Kercher. Le jeune cinéaste connaît parfaitement les codes du genre, et avec peu de budget, il a fait beaucoup. Ce néofilm noir est sublimé par la photo de Justin Derry, qui met en valeur les paysages de neige et les ambiances nocturnes. Tendu, inquiétant et imprévisible, Blood For Dust est porté par un tandem d’acteurs impeccables. Le Texan Scoot McNairy est épatant dans ce rôle de brave type aux allures de loser, poussé malgré lui sur une voie criminelle. Fébrile et lucide, il va pourtant faire preuve d’une détermination étonnante. Kit Harington (le gentil Jon Snow de Game Of Thrones) impressionne dans la peau d’un salopard manipulateur et sans scrupule. Autour d’eux, on reconnaît avec plaisir Josh Lucas, Ethan Suplee ou Stephen Dorff. De quoi ravir les amateurs du genre. (1 h 44)

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ARISTOTE ET DANTE DÉCOUVRENT LES SECRETS DE L’UNIVERS (Aristotle And Dante Discover The Secrets Of The Universe)


Aitch Alberto
2022
Date de sortie en salles non déterminée

En 1987 à El Paso au Texas, à la frontière mexicaine, le bel Aristote (Max Pelayo) est un lycéen solitaire, issu d’un milieu modeste et dont le frère est en prison. Un après-midi, à la piscine municipale, il fait la connaissance de Dante (Reese Gonzales), un adolescent du même âge, très différent de lui. Chaleureux, solaire, Dante a grandi au sein d’une famille bourgeoise et cultivée. Ils deviennent pourtant instantanément amis. Mais bientôt Dante part intégrer une université éloignée. À son retour, son attitude envers Aristote a changé…

« No more pollution », expression que l’on entend à plusieurs reprises au cours du film, aurait fait un titre idéal (et plus court) si Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers n’était celui du livre dont cette œuvre est tirée. Il s’agit d’un ouvrage culte pour jeunes adultes (paru en France chez Pocket Jeunesse) écrit en 2012 par le romancier et poète américain Benjamin Alire Sáenz. Cinéaste d’origine cubaine qui a grandi en Floride, Aitch Alberto s’est appliquée, pour son deuxième long-métrage, à retranscrire la douceur émanant de ce récit initiatique délicat, qui parle de découverte de soi, de quête d’identité et d’homosexualité refoulée. Sous influence Virgin Suicides et Stand By Me, le film montre également un visage méconnu de la communauté mexicaine. Les parents sont ici bienveillants et très à l’écoute de leurs progénitures respectives. L’implication des stars latines Eva Longoria (la mère de Dante) et Veronica Falcon (vue dans Ozark, et qui campe ici la mère d’Aristote) ont grandement aidé à financer cette œuvre poétique et attachante. (1 h 36)

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LA VIE SELON ANN (The Feeling That The Time For Doing Something Has Passed)


Joanna Arnow
2023
Date de sortie en salles non déterminée

Ann (Joanna Arnow) est une trentenaire désabusée, coincée entre un job peu passionnant, une famille juive morose et un amant indifférent (Scott Cohen) avec lequel elle entretient une relation BDSM (Bondage, Domination, Soumission, Sadomasochisme), reflet du manque de considération qu’elle ressent dans sa vie de tous les jours…

Il s’agit du premier long-métrage de l’actrice et auteur Joanna Arnow, déjà réalisatrice de courts et moyens-métrages expérimentaux aux titres évocateurs : I Hate Myself, Bad At Dancing… Cette autofiction s’articule autour d’une série de vignettes, filmées comme des tableaux statiques, plutôt caustiques, mettant en exergue les absurdités du monde contemporain. C’est audacieux, parfois drôle, mais le plus souvent ennuyeux. Malgré son titre original très pertinent, cette comédie sociale revêt tous les défauts du film d’auteur bavard et prétentieux. Ce qui explique la fuite de beaucoup de spectateurs, qui ont jeté l’éponge après un quart d’heure. Joanna Arnow, qui passe la moitié du film nue et dans des positions peu gratifiantes, montera ensuite sur scène pour assumer son œuvre, se revendiquant féministe et désireuse d’explorer tous les types de pratiques sexuelles… et de les montrer au cinéma. Ce mélange de sexualité décomplexée et de causticité devrait plaire à un certain Ruben Ostlund. (1 h 27)

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THE GRADUATES


Hannah Peterson
2023
Date de sortie en salles non déterminée

Un an après le massacre survenu au sein de son lycée, au cours duquel Tyler (Daniel Kim), son petit ami et plusieurs autres élèves ont perdu la vie, Genevieve (Mina Sundwall) en retrouve les bancs. Dans cet établissement traumatisé, professeurs et élèves tentent d’aller de l’avant. Pour Genevieve, il s’agit de l’année de terminale, celle qui déterminera son avenir. Mais elle ne sait si elle pourra surmonter son chagrin…

La jeune Hannah Peterson, dont il s’agit du premier long-métrage, souhaitait évoquer le passage à l’âge adulte dans le contexte du système éducatif américain. En discutant avec des élèves, elle a constaté à quel point l’insécurité et la peur des attaques avec armes à feu dans l’école, récurrentes aux États-Unis, étaient omniprésentes. Loin de tout sensationnalisme, The Graduates s’attarde sur les conséquences du drame. Que reste-t-il lorsque le choc est passé, que les médias sont partis ? Comment les survivants font-ils face à l’absence et à l’angoisse ? Comment étudier dans de telles conditions ? Le film, produit par Chloé Zhao, brosse avec subtilité le portrait de trois personnages traumatisés, gravitant autour de la figure du même lycéen assassiné : la petite amie, le meilleur ami et le père, professeur de sport dans l’école. C’est d’ailleurs ce dernier, incarné par un fantastique John Cho (Searching, Cowboy Bebop…), tout en retenue, qui émeut le plus. On saluera également la justesse de l’ensemble des jeunes comédiens, et la beauté de ce film poignant remarqué à Tribeca, qui illustre parfaitement la situation très préoccupante des écoles américaines. (1 h 27)

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COLD COPY


Roxine Helberg
2023
Date de sortie en salles non déterminée

Étudiante ambitieuse, Mia Scott (Bel Powley) désire plus que tout suivre les cours de Diane Heger (Tracee Ellis Ross), journaliste impitoyable d’une prestigieuse émission d’investigation. Mais Diane est également féroce dans sa manière d’enseigner, humiliant volontiers ses élèves et les encourageant à se montrer sans foi ni loi. Mia va prendre ses paroles au mot…

Découvert lors de la dernière édition du festival de Tribeca, Cold Copy avait pas mal d’atouts. Ce premier long-métrage de la jeune Roxine Helberg, qui a beaucoup collaboré avec le regretté Jean-Marc Vallée (sur Big Little Lies et Sharp Objects), bénéficie notamment de la présence de deux comédiennes de talent : Bel Powley (The Morning Show) et l’impressionnante Tracee Ellis Ross (Black-ish). La question de l’importance de l’éthique dans le journalisme méritait hélas mieux que ce traitement caricatural. Bien amorcée, l’intrigue, finalement cousue de fil blanc et d’incohérences, fait chou blanc. Las ! Le bras de fer entre le maître et l’élève se conclut de manière ridicule. Frustrant. (1 h 31)

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WAYWARD


Jacquelyn Frohlish
2023
Date de sortie en salles non déterminée

Cleo (Chloe Guidry), onze ans, ne décolère pas. Arlene (Jess Weixler), sa mère, a décidé de quitter l’Idaho pour rejoindre l’homme qu’elle doit épouser à Los Angeles. L’ambiance dans la voiture étant mortelle, Arlène entreprend de prendre en stop une jeune musicienne (Jessica Sula) remarquée à la station-service. Sa présence, pense-t-elle, pourra détendre l’atmosphère durant le voyage et peut-être parvenir à faire sortir l’adolescente de son silence. Cette louable intention va se retourner contre elle… 

« Wayward » signifie prendre la mauvaise route, se perdre en chemin, mais peut-être aussi pour mieux le retrouver. C’est ce qu’a expliqué la jeune réalisatrice à l’issue de la projection. Originaire de Bogota, en Colombie, où les kidnappings sont monnaie courante, elle a imaginé cette histoire délicate qui parle d’amour, du manque d’amour et du mal-être adolescent. Très influencée par Les 400 coups de François Truffaut, Jacquelyn Frohlish brosse à son tour le portrait d’une enfant en souffrance. Cleo se sent déconsidérée, soumise aux décisions d’une mère qu’elle juge sévèrement, et se montre manipulatrice et souvent cruelle. Filmé façon cinéma-vérité, ce road-movie séduit immédiatement, grâce à la justesse des comédiens (formidable Jess Weixler !) et à l’approche très originale du sujet. Mais il peine à conserver son rythme, et les atermoiements des personnages ne se révèlent pas aussi passionnants qu’espérés. Si ce premier long-métrage n’est pas tout à fait accompli, sa réalisatrice, elle, est indéniablement prometteuse. (1 h 39)

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RUNNER

Marian Mathias
2022
Date de sortie en salles non déterminée

Haas (Hannah Schiller) a dix-huit ans. Elle vit dans la pauvreté avec son père à l’écart d’un village isolé du Midwest. Lorsque ce dernier meurt accidentellement, elle décide d’exaucer sa dernière volonté et part l’enterrer dans la ville où il est né, au bord du Mississippi, dans l’Illinois. C’est aussi là qu’il lui avait promis une maison… Elle découvre qu’il n’était qu’un escroc pétri de dettes. Partagée entre chagrin et colère, errant dans cette campagne maussade, elle va rencontrer Will (Darren Houle), un garçon aussi solitaire qu’elle…

Découvert au festival de Toronto en 2022, Runner, en format d’écran carré, étonne par son parti pris esthétisant, qui rappelle celui des premiers films de Terrence Malik et, notamment, Les moissons du ciel. Chaque plan a été pensé comme un tableau (inspirés de l’univers d’Andrew Wyeth et Edward Hopper) et un mariage de la peinture et de la poésie (celle de Robert Frost en tête). Cette fable sur la solitude et la recherche de la lumière dépeint un Midwest où le temps s’est arrêté. On n’y babille pas. À cause de l’éloignement des habitations, les gens de cette communauté rurale ne communiquent pas facilement. La pluie, le vent envahissent l’image comme ils envahissent la vie des habitants, soumis aux caprices du ciel. La jeune cinéaste parvient à imposer son rythme, très lent, et ce film contemplatif a quelque chose de fascinant. On pense à Bresson, Bergman ou Kelly Reichardt (Marian Mathias citera Béla Tarr)… Runner est le surnom de l’héroïne, campée par une envoûtante jeune actrice allemande, Hannah Schiller. S’il narre la perte d’une vie et le début d’une autre, le film illustre surtout la phrase fétiche de la grand-mère de la réalisatrice, qui se prénommait Haas : « Quand tu te sens mal, ouvre une porte et aime. » 1 h 16

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FESTIVAL DU FILM AMÉRICAIN DE DEAUVILLE

Un grand merci au groupe Barrière, à Sylvie De Gaetano et à Jérôme Soligny. ♥️

 

DEAUVILLE 2022 : AFTERSUN/BLONDE/MOONAGE DAYDREAM/WAR PONY etc.

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PLACE AUX JEUNES

Après deux ans de pandémie, et avant la nouvelle vague de Covid-19 annoncée, la 48ème édition du festival de Deauville s’est déroulée (le plus souvent) sous un beau soleil de fin d’été, sans port du masque ni fièvre quelconque. Les commerçants et restaurateurs locaux en témoignent : l’effervescence d’antan n’est plus. Pas croisé d’acteurs ou réalisateurs mythiques sur les planches le matin, ni au kiosque à journaux de la rue Eugène Colas. À l’heure de l’apéro, le soir de l’ouverture, on n’a guère vu que Vincent Lindon et Laurent Gerra au Bar du Normandy, tandis que tard dans la nuit, seul Fianso a dansé comme si sa vie en dépendait à l’O2. Rami Malek était venu sans tambour ni trompette accompagner sa compagne Lucy Boynton, invitée d’honneur de la soirée, étoile montante du Nouvel Hollywood. Côté glamour, en attendant Thandiwe (avec un w dorénavant) Newton et Ana de Armas, clone de Marilyn dans Blonde), seules autres têtes d’affiche de l’édition (avec Jesse Eisenberg…), on s’est contenté des membres des jurys, présidés par Arnaud Desplechin pour l’un et Élodie Bouchez pour celui de la Révélation. Et puis, juste avant la cérémonie, on a eu droit à un hommage à feue Olivia Newton-John, via la scène culte de Grease, dans laquelle elle chante avec John Travolta l’impérissable « You’re The One That I Want ».

   Photo AFP/Loïc Venance

Le président Arnaud Desplechin, entouré des membres du Jury de la sélection officielle. De gauche à droite : Sophie Letourneur, Alex Lutz, Léa Drucker, Yasmina Khadra, Pierre Deladonchamps, Marine Vacth et Jean-Paul Civeyrac.

 

Photo Jacques Basile

Le jury de la Révélation : Eddy de Pretto, Agathe Rousselle, la présidente Élodie Bouchez, Yolande Zauberman, Andréa Bescond et Nicolas Pariser

Cette désaffection des stars américaines est-elle imputable à la prestigieuse Mostra de Venise qui se déroule la même semaine, et qui, elle, voit défiler tout le gotha du 7ème art en plus d’accueillir un marché du film ? Ou simplement due à la volonté du directeur Bruno Barde de privilégier le cinéma américain indépendant comme un acte de résistance face à la production des blockbusters ? Il n’en reste pas moins que le festival de Deauville est plus que jamais placé sous le signe de la découverte et de la jeunesse. Et le grand public peut ronchonner — « Mais qui est cette Lucy Boynton ? » a-t-on maintes fois entendu le jour de l’ouverture — les cinéphiles, eux, n’y voient rien à redire.

Photo Jacques Basile
Lucy Boynton (Sing Street, Bohemian Rhapsody…), étoile montante du Nouvel Hollywood

  

PALMARÈS

Des treize longs-métrages sélectionnés pour la compétition par Bruno Barde, se dégageait une thématique récurrente : le passage à l’âge adulte et les tourments qui vont avec. Les femmes étaient également à l’honneur, et dans les films, et dans le palmarès.

  

GRAND PRIX et PRIX DE LA CRITIQUE

AFTERSUN

Charlotte Wells
2022
Prochainement en salles

Fin des années 90. Sophie (Frankie Corio) a onze ans. Ses parents sont séparés. Lors des vacances d’été, Calum, son père (Paul Mescal), l’emmène séjourner dans un club sur la côte turque. Sous le soleil, entre balades et baignades, une tendre complicité s’installe entre eux. Mais Calum, trentenaire dépressif, recèle une part de mystère. Vingt ans après, entre souvenirs et visionnage des films pris sur le vif à l’époque, avec une caméra DV, Sophie tente de concilier le père qu’elle a connu et l’homme qu’il était…

Ce premier long-métrage de l’Écossaise Charlotte Wells (établie aux États-Unis) avait déjà été applaudi au dernier festival de Cannes où il était présenté à la Semaine de la Critique et avait remporté le Prix French Touch du jury. Aftersun ne se dévoile pas immédiatement. Les longs plans fixes du début peuvent même désarçonner. Le contraste entre les séquences de vacances au soleil, anodins, illuminés par l’insouciance de Sophie (magnifique Frankie Corio), et les signes du mal-être de Calum (le Connell de Normal People), crée pourtant un malaise. Au demeurant, rien de spectaculaire. Ce sont pourtant ces petites touches insidieuses qui composeront les indices pour la Sophie adulte. Elle traquera les failles dans ces films de vacances, en apparence idylliques, pour tenter de reconstituer la figure de son père. Cette œuvre autobiographique, intime et poétique joue avec la courbe du temps et la mémoire. Soutenue par une bande-son judicieuse, incluant « Tender » de Blur et « Under Pressure » de Queen et David Bowie (qui génère une scène hallucinante), Aftersun a quelque chose de déchirant, et prend toute sa dimension après sa dernière image.

 

PRIX DU JURY EX-AEQUO et PRIX FONDATION LOUIS ROEDERER DE LA RÉVÉLATION 2022

WAR PONY

Gina Gammell et Riley Keough
2022
Prochainement en salles

Dans la réserve amérindienne de Pine Bridge (Dakota du Sud), un jeune homme et un gamin de douze ans, tous deux issus de la tribu Oglala Lakota, tentent de se sortir, chacun à sa façon, de la misère…

Caméra d’or du dernier festival de Cannes (qui récompense les premiers films), cette œuvre de Gina Gammell et l’actrice Riley Keough (petite-fille d’Elvis Presley) séduit par son aspect naturaliste. Les comédiens sont tous des débutants (excepté Ashley Shelton), comme l’a expliqué Gina Gammell présente à Deauville lors du débat qui a suivi la projection. Les multiples répétitions (les dialogues très écrits) ont permis à ceux-ci d’obtenir une aisance manifeste devant la caméra, au point qu’ils semblent ne faire qu’un avec leur personnage. L’idée du film a germé dans le cerveau des réalisatrices amies d’enfance après que Riley Keough a rencontré des figurants amérindiens sur le tournage d’American Honey, d’Andrea Arnold, dont elle était l’une des vedettes. Évoquer le quotidien de jeunes dans une réserve indienne et rendre compte de la réalité de cette Amérique invisible est ensuite devenu un projet collectif. Tournée quasiment exclusivement dans la réserve de Pine Bridge avec les Amérindiens qui y vivent, cette chronique met en exergue la ghettoïsation de ceux-ci, déchirés entre leur envie de partager le rêve américain réservé aux blancs, et celui de préserver coûte que coûte leurs traditions ancestrales. Un peu naïf et pas toujours subtil, ce portrait croisé remporte l’adhésion grâce à la fraîcheur de ses comédiens, justes et touchants.
1 h 54 Et avec Iona Red Bar, Jojo Bapteise Whiting, Robert Stover, Sprague Hollander, Jesse Schmockel, Ladainian Crazy Thunder… 

 

2ème PRIX DU JURY

PALM TREES AND POWER LINES
De Jamie Dack avec Lily McInerny, Gretchen Mol, Emily Jackson, Jonathan Tucker…


Une adolescente un peu paumée s’éprend d’un homme deux fois plus âgé qu’elle qui l’éloigne peu à peu de sa famille. Elle va découvrir que les intentions de ce dernier ne sont pas aussi innocentes qu’elle le pensait. (prochainement)

PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE

EMILY THE CRIMINAL
De John Patton Ford avec Aubrey Plaza, Theo Rosso, Gina Gershon…


Parce qu’elle croule sous les dettes et la malchance, une jeune femme rejoint un réseau d’arnaqueurs à la carte de crédit et plonge dans le milieu criminel de Los Angeles… (prochainement)

PRIX D’ORNANO-VALENTI (qui récompense un premier film français)

FALCON LAKE
 De Charlotte Le Bon avec Joseph Engel, Sara Montpetit, Monia Chokri…


Une histoire d’amour et de fantômes entre Stand By Me et A Ghost Story… Un teen moviedéjà acclamé au festival de Cannes dernier. Sortie le 22 décembre.

 

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AUTRES FILMS

 

PREMIÈRE
OUVERTURE DU FESTIVAL DE DEAUVILLE

« Which one of you is Jane ?
– We all Jane ! »

CALL JANE

Phyllis Nagy
2022
Prochainement dans les salles françaises

Dans les années 60, Joy (Elizabeth Banks), femme au foyer, mariée et mère d’une adolescente, tombe enceinte. Son gynécologue lui apprend que cette grossesse peut provoquer chez elle une insuffisance cardiaque potentiellement mortelle. L’avortement étant illégal, et la commission de l’hôpital lui refusant une intervention exceptionnelle, Joy n’a pas d’autre choix que de contacter un groupe pratiquant des avortements clandestins…

On ne peut s’empêcher de penser au récent L’événement, adapté du livre d’Annie Ernaux, qui aborde le même sujet, à la même période, en France. La manière de le traiter est cependant aux antipodes. Autant le film d’Audrey Diwan apparaît dur, viscéral et engagé, autant celui de Phyllis Nagy, scénariste du Carol de Todd Haynes, semble lisse. L’épreuve de l’avortement ressemble ici à une promenade de santé, et le parcours de l’héroïne (fictive, elle), pourtant assez édifiant, est un peu trop « aisé ». Call Jane croule sous ses bonnes intentions. Le réseau Jane a réellement existé (un documentaire HBO lui a récemment été consacré) et avec la remise en question du droit à l’avortement aux États-Unis, cette piqûre de rappel n’a rien de superflu. Si Elizabeth Banks et Sigourney Weaver font le job, on regrette cependant que les personnages incarnés par Kate Mara, Chris Messina et Cory Michael Smith, en médecin douteux, ne soient pas davantage exploités.
2 h 01 Et avec Evangeline Young, Wunmi Mosaku, Rebecca Henderson, Grace Edwards…

 

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PREMIÈRE

« Like sometimes I feel like world would be a better place if people just chilled out and listened to music… you know ? »

WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD
Jesse Eisenberg
2022
Prochainement dans les salles

Evelyn (Julianne Moore) est directrice d’un foyer pour femmes battues. Elle qui passe ses journées à se dévouer pour les autres, a du mal à communiquer avec son lycéen de fils. De fait, Ziggy (Finn Wolfhard), forcément musicien, passe son temps libre devant son ordinateur à jouer ses chansons sur sa chaîne Youtube, en ne pensant qu’à se faire de l’argent et à augmenter son nombre de followers

Au début, on frise l’agacement. Le premier long-métrage du comédien Jesse Eisenberg, nerd par excellence, a tous les tics du film indépendant américain. Et puis, on finit par tomber sous le charme de ce tandem improbable, mère et fils d’une famille de la middle class, en totale discordance. Julianne Moore, démocrate jusqu’au bout des ongles, est touchante dans la peau de cette femme maladroite, qui en fait trop à force de vouloir bien faire, et Finn Wolfhard (le Mike de Stranger Things) est impérial en ado satisfait de lui, en décalage avec les siens et souvent à côté de la plaque dans les relations sociales. À l’image de son titre, il émane de cette comédie douce-amère une ironie exquise. Le conflit des générations s’exprime ici sans bruit, à coups de railleries et de piques, mais il n’en est pas moins douloureux. Ziggy est le symbole d’une jeunesse décomplexée, narcissique, qui fait fi de la culture, de la politique et de l’histoire. C’est la lycéenne dont il est tombé amoureux, engagée elle, qui va se charger de le remettre à sa place. Tout cela génère des scènes hilarantes et bien pensées. Mine de rien, le premier film de Jesse Eisenberg est une réflexion drôle, intelligente et subtile, sur notre époque.
1 h 28 Et avec Billy Bryk, Jay O’Sanders, Alisha Boe, Jack Justice…

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PREMIÈRE

« Most folks they handle this sort of things amongst themselves.
– I guess I’m not most folks. »

GOD’S COUNTRY

Julian Higgins
2022
Prochainement en salles

Depuis la mort récente de sa mère, Sandra Guidry (Thandiwe Newton), professeur d’université dans une petite ville du Montana, vit seule dans une maison isolée dans la montagne. Un matin d’hiver glacé, elle découvre un pickup garé sur sa propriété. Elle attend le retour des deux hommes, des chasseurs, pour leur demander de choisir un autre endroit pour pratiquer leur activité. La confrontation, houleuse, va déclencher les hostilités…

Il y a beaucoup de similitudes dans ce premier long-métrage de Julian Higgins avec le As Bestas de Rodrigo Sorogoyen. Ici, c’est une femme noire, étrangère à la région, qui doit livrer un bras de fer à des autochtones bas du front, dont l’un est une véritable fripouille. Comme dans le film franco-espagnol, la police est incapable de gérer la situation, faute de moyens et de véritable envie. L’héroïne de la série Westworld, sourcils froncés et visage dur, impressionne dans ce rôle de femme courageuse et déterminée, malgré les obstacles, à faire valoir ses droits. Au fil des événements, on découvre le passé de Sandra, qui éclaire sur son caractère farouchement pugnace. Souvent prévisible, ce western moderne tient en haleine jusqu’à la fin inattendue et moralement discutable.
1 h 42. Jeremy Bobb, Joris Jarsky, Jefferson White, Kai Lennox, Tanaya Beatty…

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PREMIÈRE MONDIALE

BLOOD

Brad Anderson
2022
Prochainement

Jess Stoke (Michelle Monaghan), infirmière récemment séparée, s’installe dans l’ancienne ferme de ses parents, à l’écart de la ville, avec Tyler, sa fille adolescente, et Owen, son fils de huit ans. Un soir, leur chien est attiré par quelque chose dans la forêt alentour et disparaît. Quelques jours après, il ressurgit et se jette sur Owen, en le mordant sauvagement. À l’hôpital, l’enfant est sauvé de justesse. Victime d’une infection inconnue, il voit son état se dégrader. Jess ne va pas tarder à découvrir le remède, qui va l’entraîner dans une spirale infernale…

Que ne ferait pas une mère pour sauver son enfant ? On ignore si le film de Brad Anderson, qu’on a connu plus malin (il est le réalisateur de l’étonnant The Machinist, avec Christian Bale) se veut une métaphore, mais ce film d’horreur sanguinolent joue tellement la surenchère qu’il laisse le spectateur sur le bord de la route. On ne ressent aucune empathie pour cette héroïne en perdition, dont les agissements sont de plus en plus incohérents. Michelle Monaghan, l’actrice douée de Kiss Kiss Bang Bang et reléguée aujourd’hui à la série B, met pourtant du cœur à l’ouvrage. Mais malgré quelques scènes et visuels bien flippants, l’aspect fantastique de Blood n’est pas exploité et les ressorts du mal ne sont jamais véritablement explorés. Quant à la scène finale post-générique, elle suscite davantage d’hilarité que d’effroi.
1 h 48. Et avec Skeet Ulrich, Finlay Wojtak-Hissong, June B. Wilde, Skylar Morgan Jones…

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COMPÉTITION

 OVER/UNDER

Sophia Silver
2022
Prochainement

Été 2022, Violet (Emajean Bullock) et Stella (Anastasia Veronica Lee) ont neuf ans et sont inséparables. Elles jouent dans les vagues, attrapent des papillons, adressent des vœux aux fées et espionnent les nudistes des plages voisines. Mais avec la rentrée, la réalité et ses petits désagréments les éloignent. Et les étés suivants, entre les garçons, les crises familiales et le désir de s’intégrer, les adolescentes vont voir leur belle amitié ébranlée…

Judicieux, le titre se rapporte au jeu des jeunes héroïnes dans les vagues. Ce récit initiatique, véritable ode aux amitiés d’enfance, est celui qu’a vécu la réalisatrice. Elle était d’ailleurs présente lors du débat qui a suivi le film, avec l’amie qui a inspiré le rôle de Stella. Ce film à la fois simple et subtil évoque la période délicate du passage à l’adolescence, où la magie de l’enfance s’efface peu à peu. Rien de spectaculaire, les filles sont issues de familles de la classe moyenne, et sont plutôt choyées. D’une grande délicatesse, Over/Under tire sa grâce de la présence de ses deux jeunes actrices sensationnelles, très justes.
1 h 28. Et avec Adam David Thompson, Madeline Wise, Brandon Keener, Christiane Seidel…

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COMPÉTITION

PEACE IN THE VALLEY

Tyler Riggs
2022
Prochainement dans les salles

Ashley Rhodes (Brit Shaw), son mari John (Michael Abbott Jr) et leur fils de dix ans font leurs courses dans un petit supermarché lorsqu’un homme armé fait irruption et tire à l’aveugle sur les clients. John, vétéran de l’armée devenu pompier, met sa femme et son fils à l’abri avant de revenir stopper le tireur. Il meurt dans l’assaut. Cette action héroïque ne donne que peu de réconfort à Ashley, qui se noie dans le chagrin et délaisse son fils, qui manifeste soudainement un intérêt pour les armes…

Contrairement à ce que son titre, emprunté à une chanson de Johnny Cash, suggère, Peace In The Valley n’aborde jamais frontalement la question de la violence ni du penchant de l’Amérique pour les armes à feu. Le premier film de l’acteur Tyler Riggs explore surtout les tourments d’une jeune veuve d’un héros qui ne parvient pas à faire son deuil. Submergée par la peine et la colère, Ashley va sombrer jusqu’à toucher le fond, négligeant le chagrin de son fils. La présence du frère jumeau de son époux apporte un trouble et une tension qui hélas ne font pas beaucoup évoluer l’intrigue. C’est pourtant dans le refus du spectaculaire que ce drame psychologique, plutôt juste, fait mouche. Il a aussi le mérite de révéler une actrice magnifique, Brit Shaw, bouleversante.
1 h 28 Et avec Michael Abbott Jr, William Samiri, Dendrie Taylor…

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COMPETITION

« I think you might be a bad influence on each other.»

THE SILENT TWINS

Agnieszka Smoceyńska
2022
Prochainement dans les salles

Au début des années 70, au Pays de Galles, les jeunes June et Jennifer Gibbons, deux jumelles monozygotes totalement fusionnelles, ont décidé de se murer dans le silence. Elles ont fait le pacte de rester muettes, qu’elles soient en famille, à l’école ou dans le monde extérieur. Il n’y a que dans leur chambre, à l’abri des regards, qu’elles s’expriment, et laissent libre cours à leur imagination foisonnante. Le temps passe et leur comportement de plus en plus incontrôlable rend la situation intolérable pour leur famille…

L’histoire vraie et étrange des sœurs Gibbons avait fait en 1986 l’objet d’un livre, Les jumelles du silence, écrit par Marjorie Wallace. L’auteur avait rencontré les protagonistes alors qu’elles étaient pensionnaires du tristement célèbre hôpital psychiatrique de Broadmoor, près de Londres, et avait été émue par leur sort. Dans cette adaptation réalisée par la cinéaste polonaise Agnieszka Smoceyńska, Marjorie Wallace est campée par la toujours excellente Jodhi May. Véritablement tragique, le récit de The Silent Twinsn’est pas une partie de plaisir. Et pour le spectateur, le film a parfois des allures de chemin de croix. Les jumelles enfants sont aussi flippantes que les gamines de Shining et, devenues adolescentes, elles dérangent tout autant. La prestation hallucinée de Tamara Lawrence et Leticia Wright impressionne. Les sœurs s’aiment autant qu’elles se haïssent : leur complicité étant pervertie par la jalousie et la colère qui rongent Jennifer (Tamara Lawrence). Spécialiste de drames psychologiques voire horrifiques, Agnieszka Smoceyńska s’est attachée à juxtaposer le sordide de la réalité avec l’univers fantasmagorique de ces jeunes filles aux tendances psychopathes. Il en résulte des scènes visuellement magnifiques. Si elle charge parfois un peu la mule dans le pathos, la cinéaste ne tente jamais de rendre ses héroïnes « aimables ». Il est donc parfois difficile de ressentir de l’empathie pour ces sœurs tourmentées, qui auraient mérité davantage de considération de la part des institutions qui se sont contentées de leur couper les ailes.
1 h 53 Et avec Jack Bandeira, Nadine Marshall, Treva Etienne, Declan Joyce…

 

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LES DOCS DE L’ONCLE SAM

« Ever since I was sixteen, I was determined to have the greatest adventure any one person could ever have. » David Bowie

MOONAGE DAYDREAM

Brett Morgen
2022
Depuis le 21 septembre dans les salles françaises

Une odyssée cinématographique à travers l’œuvre créative et musicale de David Bowie, l’un des artistes les plus prolifiques et marquants de notre époque.

Présenté hors compétition au festival de Cannes dernier, le film de Brett Morgen s’est pris une volée de bois vert de la part d’une grande partie de la critique française, pour le moins divisée. Lors de la projection officielle à Deauville le réalisateur est monté sur scène pour préciser ses intentions : « Vous ne trouverez pas de faits, de dates, mais il y aura beaucoup de David Bowie dedans. » Le cinéaste n’est pas un débutant dans le domaine du documentaire. Il est, entre autres, le coréalisateur avec Nanette Burstein des acclamés The Kid Stay In The Picture, sur le producteur Robert Evans, et de Cobain : Montage Of Heck, portrait intime du leader de Nirvana. Moonage Daydream, dont le titre est inspiré de la chanson homonyme du musicien composée en 1971est une œuvre de commande, à l’initiative du David Bowie Estate (qui gère le patrimoine artistique du musicien). Morgen a eu (quasiment) carte blanche et accès à une montagne d’archives (sélectionnées au préalable quand même). Cinq années de travail auront été nécessaires pour mener à bien ce projet. Il en résulte un film à l’opposé d’un biopic, qui immerge dans l’univers et personnifie l’artiste plus qu’il ne l’analyse. Ceci explique les absences remarquées, à l’écran, de proches cruciaux du musicien (Iggy Pop, Tony Visconti, Ken Scott, Hermione, Angie) qui ont pourtant contribué grandement à son œuvre. Cinéaste intuitif, Brett Morgen propose « sa vision » de David Bowie. Il s’est attaché au génie créatif de l’artiste et à ses obsessions pour le vieillissement et la mortalité, dont découle probablement son besoin de changement continuel. La voix off du musicien est la seule de cette œuvre kaléidoscopique et envoûtante, où s’enchaînent interviews à travers les âges, extraits de films remis en musique (L’homme qui venait d’ailleurs, Furyo…) et de documentaires (et en particulier des fameux Ziggy Stardust And The Spiders From Mars The Motion Picture, de D. A. Pennebaker, ou Ricochet de Gerry Troyna). Finalement peu d’images inédites malgré la durée du film (on aurait souhaité voir davantage de ce que David Hemmings avait tourné en 1978), mais on ne boudera pas son plaisir tant le montage visuel et sonore (supervisé par Visconti) est magnifique.
2 h 14

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PREMIÈRE

« Marilyn n’existe pas. »

BLONDE

Andrew Dominik
2022
Depuis le 28 septembre sur Netflix

De l’enfance difficile de la petite Norma Jean à l’ascension vers la gloire, la vie mouvementée de Marilyn Monroe. Inspiré du best-seller de Joyce Carol Oates, le film brouille la frontière entre réalité et fiction pour explorer le décalage entre l’image publique et la véritable nature de l’icône…

 Je n’ai pas eu la chance de découvrir Blonde à Deauville, où il était présenté quelques semaines avant sa diffusion sur Netflix. C’était peut-être le film dont j’attendais le plus. Sur le papier, l’association du cinéaste néo-zélandais, — réalisateur en 2007 du magnifique L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford — avec l’exquise comédienne cubano-espagnole Ana de Armas et la figure légendaire de Marilyn Monroe, avait de quoi susciter l’enthousiasme. Tout l’été, on avait été bluffé par les photos de l’actrice métamorphosée en Marilyn parues dans la presse. La déception est d’autant plus grande. Le postulat d’Andrew Dominik — explorer la face sombre d’une icône pétrie de traumatismes – était louable. « Comment une enfant non désirée a-t-elle géré le fait de devenir la femme la plus désirée du monde ? » Mais il a beau avoir répété à l’envi qu’il s’agissait d’un anti-biopic, avec une part de fiction, il est impossible pour le spectateur de se détacher de la figure de Marilyn Monroe, actrice au talent sous-estimé, attachante et bouleversante, admirablement incarnée ici par Ana de Armas. Sa performance est tout simplement vertigineuse. La beauté de la photographie (signée Chayse Irvin), des images qui passent de la couleur au noir et blanc ou changent de format, et cette manière de redonner vie aux photos et séquences iconiques, enveloppées par la partition de Nick Cave et Warren Ellis, forcent l’admiration. Tout ça pour quoi ? Non pas pour illustrer la phrase de Madame de Staël : « La gloire est le deuil éclatant du bonheur », mais pour « un film d’horreur onirique » (dixit le réalisateur) dont l’aspect racoleur dérange au plus haut point. Marilyn Monroe est réduite à l’état de victime, de martyr, quand ce n’est pas de traînée, et le film enchaîne les séquences sordides plus ou moins imaginées et assurément fantasmées (on a droit à la caméra placée dans le vagin pendant une IVG, à un dialogue de l’actrice avec son fœtus, à une fellation de JFK d’un glauque absolu…). Triste et morbide d’un bout à l’autre, Blonde s’apparente à un long calvaire (2 h 46 tout de même…), redondant, cauchemardesque et extrêmement pénible, tant on ressent une volonté d’avilir l’icône, comme si elle n’avait pas déjà assez morflé de son vivant. Dans une interview (à Télérama), Andrew Dominik a déclaré qu’avant avoir lu l’ouvrage de Joyce Carol Oates, Marilyn ne l’intéressait pas du tout. Ceci explique peut-être cela.
2 h 46 Et avec Bobby Cannavale, Adrien Brody, Julianne Nicholson, Evan Williams, Xavier Samuel, Tygh Runyan, Lily Fisher…

 

FESTIVAL DU FILM AMÉRICAIN DE DEAUVILLE

Lucy Boynton et Élodie Bouchez, Thandiwe Newton, Brett Morgen, Lucy Boynton (photos Olivier Vigerie)

Merci au groupe Barrière et à la team de Havre de Cinéma (Hélène, Vicky et Ludovic) ❤️

 

DEAUVILLE 2021 Stillwater/City Of Lies/The Card Counter etc.

Côté stars, ce n’était pas l’affluence des grandes années, mais les cinéphiles sont malgré tout venus en nombre découvrir nouveautés et premières de la sélection de Bruno Barde. En cette deuxième année de pandémie, soumise au passe sanitaire et au port du masque, cinquante-trois films étaient proposés, dont treize en compétition. La sélection L’heure de la Croisette, sous l’égide de Thierry Frémaux, a repris quelques œuvres déjà présentées à Cannes, et Fenêtre sur le Cinéma Français a dévoilé, en avant-premières, les productions attendues dans les mois à venir, tel L’amour, c’est mieux que la vie, de Claude Lelouch, annoncé en salle pour le début de l’année prochaine. Le jury de cette 47ème édition était présidé par Charlotte Gainsbourg. Johnny Depp était l’invité d’honneur. Michael Shannon, Oliver Stone et Dylan Penn (fille de Sean et Robin Wright) ont été distingués, et le ciel s’est assombri une seule fois, à l’annonce, le lundi 6 septembre, de la disparition de Jean-Paul Belmondo.

(Click on the planet above to switch language.) 

 

FILM D’OUVERTURE 
PREMIÈRE

 

« You sound very American right now !
– Good ! I am ! »

 

STILLWATER ****


Tom McCarthy
2021
En salles le 22 septembre 2021

Bill Baker (Matt Damon) est foreur de pétrole à Stillwater, Oklahoma. Entre deux contrats, il décide d’aller rendre visite à sa fille, Allison (Abigail Breslin, l’inoubliable héroïne de Little Miss Sunshine), incarcérée au Baumettes à Marseille pour le meurtre de sa colocataire étudiante, avec qui elle entretenait une liaison. Au parloir, la jeune fille, qui clame son innocence, lui donne une lettre en le suppliant de la remettre à son avocate. Bill, qui ne comprend ni ne parle le français, trouve de l’aide auprès de sa voisine de chambre (Camille Cottin) à l’hôtel où il est descendu, une comédienne qui élève seule sa petite fille (Lilou Siauvaud)…

On doit à Tom McCarthy le formidable Spotlight, Oscar du Meilleur film et Meilleur scénario en 2016. L’idée de Stillwater lui traînait alors déjà dans la tête. L’arrivée au pouvoir de Trump et la rencontre de deux scénaristes français lui ont donné l’impulsion qui lui manquait. Si, au départ, Stillwater s’inspire très librement de l’affaire Amanda Knox, survenue à Pérouse en 2007 (l’étudiante américaine avait été accusée du meurtre sauvage de sa colocataire, l’Anglaise Meredith Kercher), qui avait tourné en une incroyable saga judiciaire, le film va bien au-delà du film d’enquête. Mélodrame, thriller, choc des cultures, romance… le mélange des genres fonctionne plutôt bien grâce au scénario très abouti coécrit par TomMcCarthy, Marcus Hinchey et les Français Thomas Bidegain et Noé Debré (collaborateurs de Jacques Audiard). Deux pays, deux visions. Ainsi, si on peut trouver que le personnage du roughneck (à ne pas confondre avec redneck) incarné par Matt Damon, casquette vissée sur les yeux, qui écoute de la musique country et qui donne du « Yes Ma’am » en veux-tu en voilà, sonne un peu cliché, il correspond à une réalité et résulte d’une enquête de terrain réalisée par le cinéaste. Plonger cet homme taciturne dans l’effervescence de la cité phocéenne a forcément quelque chose de savoureux. Camille Cottin, en improbable comédienne de théâtre, bohème et généreuse, est excellente, et la petite Lilou Siauvaud est craquante à souhait. Superbement photographié par Masanobu Takayanagi (Hostiles, Les brasiers de la colère…), Stillwater s’inscrit dans la tradition du grand film populaire. On rit, on s’émeut… Quant à la séquence tournée au stade Vélodrome de Marseille, durant un affrontement OM-Saint-Étienne, rarement ambiance de match de foot n’aura été si aussi spectaculaire au cinéma.
2 h 19 Et avec Moussa Maaskri, Idir Azougli, Anne Le Ny, Deanna Dunagan, Bastien d’Asnières…

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PREMIÈRE 

CITY OF LIES **

Brad Furman
2018
En salles aux États-Unis en mars 2021, paru en DVD en juin 2021 en France

En 2018, le journaliste du Los Angeles Times Jack Jackson (Forest Whitaker) est mandaté pour écrire un article sur le l’assassinat de la star du rap Christopher Wallace, alias The Notorious B.I.G., perpétré en 1997, quelques mois après celui du rappeur concurrent Tupak Shakur. Pour y voir plus clair, il entreprend de rencontrer Russell Poole (Johnny Depp), le policier désormais à la retraite qui a suivi l’affaire à l’époque, et qui, bien décidé à faire éclater la vérité, continue à enquêter officieusement…

Un vrai sac de nœuds ! Adapté de l’enquête du journaliste Randall Sullivan, The LAbyrinth, nominé en 2002 pour le Prix Pulitzer, City Of Lies a vu sa date de sortie repoussée à plusieurs reprises, vraisemblablement à cause des ennuis judiciaires de Johnny Depp. Le film met surtout en évidence les liens pernicieux entre le monde du rap (via le fameux label Death Row Records et son cofondateur Suge Knight) et la police de Los Angeles, alors corrompue jusqu’à l’os. Influencé par le Zodiac de David Fincher, le thriller est ponctué de séquences fortes, comme la reconstitution du meurtre de Biggie, mais les nombreux allers et retours dans le passé, l’incursion de séquences d’archives et la multiplicité des personnages impliqués (on ne sait plus à la fin qui est corrompu ou pas…) finissent par nous laisser au bord du chemin. Le réalisateur Brad Furman a su être bien plus efficace dans La défense Lincoln ou Infiltrator. C’est d’autant plus dommage que Johnny Depp, sobre et excellent, trouve là son meilleur rôle depuis longtemps.
1 h 52 Et avec Toby Huss, Dayton Callie, Shea Whigham, Michael Paré, Xander Berkeley, Peter Greene, Neil Brown Jr, Voletta Wallace…

 

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PREMIÈRE 


« You have to be the stranger poker player I never met.
– Oh you have no idea… »

 

THE CARD COUNTER ****

Paul Schrader
2021
Attendu dans les salles françaises en décembre 2021

Ex-interrogateur militaire à Abou Ghraib, William (Oscar Isaac) a purgé dix ans de prison pour actes de torture. Il y a trouvé une sorte d’apaisement et a appris à compter les cartes. Depuis sa sortie, il va de casino en casino et fait usage de son nouveau savoir-faire au poker, remportant des sommes modestes pour ne pas attirer l’attention. Un jour, un jeune homme (Tye Sheridan) l’aborde et lui demande de l’aide pour se venger du militaire qui a provoqué le suicide de son père. L’instructeur en question (Willem Dafoe) est aussi celui qui a valu à William ses années de prison…

Du Paul Schrader pur jus. Spécialiste des êtres fracassés, hantés par un passé douloureux, en quête de rédemption, le cinéaste habité par la religion, réalisateur, entre autres, d’American Gigolo, Light Sleeper et scénariste de Taxi Driver, brosse à nouveau le portrait d’un homme abîmé. William s’impose au quotidien une routine et une discipline de fer pour ne pas sombrer. Coproduit par Martin Scorsese, le film, presque clinique, épouse totalement l’attitude de son héros, jouant sur la monotonie des décors de casinos interchangeables, des chambres de motels, des routes de nuit. La figure du jeune Cirk comme celle de La Linda (excellente Tiffany Haddish), directrice d’une agence de joueurs de poker avec laquelle William tisse un vrai lien d’amitié, sortent par endroits le film de sa léthargie. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cette lancinance, est, dans la forme, magnifique. La musique hypnotique de Robert Levon Been et la photo d’Alexander Dynan y contribuent grandement. Quant à Oscar Isaac, il campe à merveille cet homme solitaire et impénétrable, qui ne dévoile son jeu qu’à la toute fin, inattendue et implacable.
1 h 51 Et avec Bobby C. King, Alexander Babara, Ekaterina Baker…

 

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COMPÉTITION

THE LAST SON **

Tim Sutton
2021
Prochainement

À la fin du XIXe siècle, dans le Montana, Isaac Lemay (Sam Worthington), hors-la-loi vieillissant, réputé pour être l’un des plus grands tueurs d’Indiens et convaincu que le mal coule dans ses veines, est l’objet d’une terrible prophétie de la part d’un chef Cheyenne : il mourra de la main d’un de ses enfants. Pour déjouer le sort, il part à la recherche de ses descendants, avec l’intention de les éliminer, un par un…

Une grosse déception. Tim Sutton (Donnybrook) avait déclaré dans son petit discours de présentation ne pas être particulièrement fan de western. Son envie de filmer des grands espaces lui est venue durant le confinement et à la lecture du scénario de Greg Johnson, sorte de condensé de tous les ingrédients du genre autour du mythe de Cronos. De fait, tous les clichés sont réunis dans The Last Son, sombre, ultra-violent, mais un tantinet inepte. Le suspense autour de la prophétie funeste est désamorcé très vite. Les personnages sont mal exploités (peu de dialogues), et la manière dont le réalisateur filme les scènes clés donne l’impression qu’il n’a jamais vu un western de sa vie (Rio Bravo, au hasard…). Formellement, en revanche, cette chasse à l’homme impressionne. On frissonne devant le spectacle des montagnes enneigées et des paysages glacés. Heather Graham en prostituée au grand cœur, le rappeur Machine Gun Kelly en tueur détraqué et Thomas Jane, en shérif intègre, occupent indéniablement l’écran. Le montage très cut, le rythme dynamique et l’utilisation de la musique, anachronique, accentuent la modernité de ce néowestern cruel, intense, mais qui reste trop maladroit.
1 h 36 Et avec Alex Meraz, Bates Wilder, David Silverman, Kim DeLonghi, Emily Marie Palmer, James Landry Hébert…

 

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COMPÉTITION


« I think there is something in my house. »

 

LA PROIE D’UNE OMBRE (The Night House) ***

David Bruckner
2020
Dans les salles françaises le 15 septembre 2021

Beth (Rebecca Hall) vient de perdre brutalement son mari, dont elle était très amoureuse. Elle se retrouve seule dans la maison isolée qu’il avait construite pour elle, au bord d’un lac entouré de forêts. Une nuit, elle est réveillée par un bruit épouvantable, et sent une présence diffuse dans la maison. Alors que ses amis l’exhortent à ne pas rester seule, Beth commence à fouiller dans les affaires de son défunt époux, résolue à percer le secret de toutes ces manifestations et visions étranges qui l’assaillent…

J’adore mon mari. Malgré tout, s’il prenait l’envie à son fantôme, pour m’interpeller, de mettre sur la platine un morceau de Deep Purple à plein volume à quatre heures du matin, j’apprécierais moyennement la plaisanterie. Pas l’héroïne de ce film, qui persiste à subir la nuit des assauts venus de l’au-delà, pour se rapprocher de l’homme dont elle ne parvient pas à faire le deuil, quitte à prendre des risques inconsidérés. Curiosity kills the cat. La proie d’une ombre, bien mieux servi par son titre original, est le troisième long-métrage de David Bruckner après les horrifiques The Signal et Le Rituel. Son talent pour faire grimper la tension et susciter l’effroi est manifeste. Bien qu’un peu trop tiré par les cheveux (au propre comme au figuré) et particulièrement alambiqué, ce thriller psychologique, truffé de surprises et de chausse-trappes, joue adroitement avec les névroses de l’héroïne, le surnaturel et les codes du film d’épouvante. Rebecca Hall, quasiment de tous les plans, fait une sacrée performance. Il est malgré tout déconseillé de le visionner avant de dormir.
1 h 47 Et avec Sarah Goldberg, Stacy Martin, Evan Jonigkeit, Vondie Curtis-Hall

 

PALMARÈS

Jury présidé par Charlotte Gainsbourg, de gauche à droite : SebastiAn, Marcia Romano,, Delphine de Vigan, Garance Marillier, Charlotte Gainsbourg, Bertrand Bonello, Denis Poldalydès, Fatou N’Diaye , Mikhaël Hers (Photo J.Basile)

GRAND PRIX

Down With The King de Diego Ongaro, avec Freddie Gibbs
Un célèbre rappeur qui a loué une maison isolée pour composer un nouvel album se découvre un goût inattendu pour la vie de fermier. (prochainement)

PRIX DU JURY EX-AEQUO

Pleasure de Ninja Thyberg, avec Sofia Kappel L’histoire d’une jeune Suédoise de vingt ans qui débarque à Los Angeles dans le but de devenir une star du porno. (en salles en octobre 2021)

Red Rocket de Sean Baker, avec Simon Rex Les déboires d’une ex-pornstar désormais désargentée qui revient vivre dans sa ville natale, au Texas (en salles en février 2022) Le film a également reçu le Prix de la Critique

 

Jury de la Révélation présidé par Clémence Poésy. De gauche à droite : Céleste Brunnquell Lomepal, Clémence Poésy, Kacey Mottet-Klein, India Hair (Photo J.Basile)

 

PRIX DU JURY DE LA RÉVÉLATION

John And The Hole de Pascal Sisto avec Charlie Shotwell, Michael C. Hall et Jennifer Ehle

Un gamin de treize ans qui a découvert les restes d’un bunker y tient en captivité ses parents et sa sœur. (prochainement)

 

PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE

Blue Bayou de Justin Chon avec Justin Chon et Alicia Vikander
Un homme d’origine américano-coréenne, élevé dans une famille d’adoption en Louisiane et désormais marié, apprend qu’il risque d’être expulsé. (en salles le 15 septembre 2021)

 

PRIX D’ORNANO-VALENTI

Les magnétiques de Vincent Maël Cardona, avec Thimotée Robart, Marie colomb…
Chronique rock’n’roll de la vie d’une bande de jeunes dans les années 80 (en salles le 17 novembre)

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Photo Julien Reynaud/ABACA


Photo AFP

Dylan Penn, Prix du Nouvel Hollywood (Photo Julien Reynaud)

Michael Shannon Photo Le Pays d’Auge/M.-M.Remoleur

Merci au groupe Barrière et à Havre de Cinéma

https://www.havredecinema.fr
https://www.festival-deauville.com