LE JUGE FAYARD, DIT « LE SHERIFF »

Le film choc d’Yves Boisset, inspiré de l’affaire de l’assassinat du juge Renaud, paraît pour la première fois en DVD. Illuminé par un Patrick Dewaere fougueux et intense, ce thriller judiciaire et politique de 1977, salué par le Prix Louis Delluc, est enrichi d’un long et passionnant entretien avec le réalisateur et le magistrat Eric de Montgolfier.

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 Le juge Fayard, dit « le Sheriff » 

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Yves Boisset
1977 (DVD Jupiter Film paru le 18 juin 2014)

Dans une ville de province, Jean-Marie Fayard (Patrick Dewaere), jeune juge fougueux et idéaliste, est rappelé à l’ordre par sa hiérarchie pour avoir fait incarcérer un patron coupable de négligence envers la sécurité de ses ouvriers, mais protégé en haut lieu. Il se voit alors confier une affaire de braquage et d’agression dans une station-service, sur laquelle enquête l’inspecteur Marec (Philippe Léotard). Le coupable, formellement reconnu par le pompiste agressé, est vite arrêté. Mais cet employé d’une société de gardiennage dispose d’un alibi, confirmé par son patron, lié au SAC. Fayard et Marec sont vite amenés à soupçonner des relations compromettantes entre le SAC et un réseau de grand banditisme, dans lesquelles sont impliquées des personnalités politiques en vue. Malgré les pressions et les menaces, le juge Fayard est bien décidé à faire éclater la vérité…

Deux ans après l’assassinat du juge Renaud à Lyon (le 3 juillet 1975), dont les commanditaires n’ont jamais été arrêtés, Yves Boisset met en scène ce film coup de poing directement inspiré de l’affaire, et pour lequel il s’est livré à une véritable enquête journalistique, (vraisemblablement plus poussée que celle effectuée par la police à l’époque). Cinéaste engagé, auquel on doit entre autres, Dupont Lajoie, L’attentat, et RAS, Boisset a régulièrement été décrié pour son manque de nuances et sa manière caricaturale de traiter des sujets sensibles. Pourtant, s’il chausse des gros sabots, le réalisateur fait souvent preuve d’une audace louable et plutôt rare, notamment dans le cinéma français. Dans Le juge Fayard, dit « le Sheriff » (« le sheriff » était le surnom donné au Juge Renaud), il appelle un chat un chat, et met les points sur les I d’entrée de jeu, lorsqu’un des protagonistes sort sa carte du SAC (Service d’Action Civique), le tristement célèbre service d’ordre créé à l’origine pour soutenir la politique du Général de Gaulle. Devenu une véritable police parallèle, anticommuniste, et partisane d’actions violentes, le SAC a été mêlé durant vingt ans à des affaires crapuleuses avant d’être dissous en 1982 par François Mitterrand (Yves Boisset sera agressé par des membres du SAC après la sortie du film). Si Le juge Fayard… dénonce les méthodes expéditives et punitives de l’organisation aux tendances racistes, il évoque aussi les difficultés auxquelles sont confrontés les hommes de justice, de loi et de bonne volonté, aux pouvoirs extrêmement limités, et lâchés par leur propre hiérarchie dès qu’ils touchent à une vérité qui dérange. Le tournage du film, sous haute surveillance des renseignements généraux, a été pavé d’embûches. Les autorités de Lyon ayant refusé d’accueillir l’équipe, Boisset a posé sa caméra à Saint-Etienne, profitant de la brouille entre les policiers stéphanois et leurs homologues lyonnais. La censure n’y a pas été de main morte en interdisant toutes les allusions au SAC, dont le terme a dû être remplacé par un « bip » encore plus explicite (la version d’origine a été rétablie depuis la dissolution du SAC). La mise en scène de Boisset, efficace et réaliste, fait mouche. Plus jeune que le juge Renaud au moment des faits, Patrick Dewaere prête à l’idéaliste Fayard son tempérament volcanique, intense et foutraque qui suscite aussitôt la sympathie. C’est d’ailleurs le caractère imprévisible voire incontrôlable de l’acteur, dont le personnage apparaît tantôt juvénile et naïf, tantôt bravache et agressif, qui évite au film de s’engluer dans la démonstration trop schématique. Quant au reste de la distribution, il regroupe tout bonnement le fleuron du cinéma français de l’époque, dont la liste a de quoi titiller la fibre nostalgique : Jean Bouise, Philippe Léotard, Jacques Spiesser, Aurore Clément, Marcel Bozzufi, Michel Auclair, Jean-Marc Bory, Roland Blanche, Henri Garcin etc. On y aperçoit même le jeune Bernard Giraudeau. Même s’il n’a obtenu que trois nominations aux César en 1978 (pour les performances de Patrick Dewaere, Philippe Léotard et Jean Bouise), le film a remporté un grand succès populaire, ainsi que le Prix Louis Delluc, qui récompense chaque année le Meilleur film français de l’année.

BANDE-ANNONCE

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Test Blu-ray :

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Interactivité***
Au cours d’un entretien de 72 minutes réalisé en 2014, Yves Boisset et le magistrat et ancien procureur Eric de Montgolfier, qui loue la justesse de la représentation judiciaire de l’époque dans le film, évoquent les thèmes cruciaux qu’il aborde. Le cinéaste parle du courage de certains juges là où Eric de Mongolfier n’y voit que le sens du devoir mêlé à une certaine dose d’inconscience. Yves Boisset revient longuement sur les difficultés du tournage, dont celle de gérer Patrick Dewaere, que sa récente rupture avec Miou-Miou rendait encore plus imprévisible Le réalisateur, aujourd’hui cantonné à travailler pour la télévision, dit regretter le manque d’audace et de prise de risques du cinéma français d’aujourd’hui.

Image **
Format : 1.66
La propreté de l’image témoigne de la récente restauration. Les couleurs sont un peu explosives et tirent un peu trop vers le rouge, mais l’ensemble est plutôt satisfaisant. La vitesse de l’image, parfois un peu saccadée, s’avère toutefois un peu gênante, notamment au début du film.

Son ***
DD 2.0 en français
L’unique piste, en mono d’origine, est claire et confortable.

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THE RYAN INITIATIVE

Contre toute attente, c’est l’Irlandais et très shakespearien Kenneth Branagh qui a réveillé en 2014 la célèbre saga d’espionnage de Tom Clancy, emblématique du début des années 90. Ce thriller d’action à suspense qui allie modernité et élégance old school remonte avec brio aux sources du personnage de Jack Ryan, campé par un Chris Pine très convaincant en boy-scout intelligent. Kevin Costner joue au mentor, Keira Knightley à la fiancée de rêve et Kenneth Branagh au vilain terroriste. Mission accomplie, en Blu-ray et DVD !

 

The Ryan Initiative (Jack Ryan : Shadow Recruit)

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Kenneth Branagh
2014 (en DVD et Combo Blu-ray/DVD chez Paramount Home Entertainment depuis le 4 juin 2014)

Le 11 septembre 2001, Jack Ryan (Chris Pine), brillant étudiant en économie, assiste à la télévision à l’attentat du World Trade Center et décide d’interrompre ses études pour s’engager dans les US Marines. Soldat courageux, il frôle la mort dans un accident d’hélicoptère en Afghanistan et écope d’une grave blessure au dos. Durant sa rééducation, il est approché par Thomas Harper (Kevin Costner), une pointure de la CIA, qui le recrute en tant qu’analyste moyennant qu’il achève son doctorat. C’est aussi à ce moment-là que Jack rencontre la femme de sa vie (Keira Knightley)…

A trente-trois ans, Chris Pine peut voir l’avenir en rose. Ce Californien issu d’une famille de comédiens hollywoodiens – sa grand-mère, Anne Gwynne, était une star des films d’horreur Universal et son père, Robert Pine, est un acteur de télévision populaire, bien connu, entre autres, des fans de la série Chips – a fait un joli petit bout de chemin depuis ses débuts dans la comédie pour ado (il donnait notamment la réplique à Lindsay Lohan dans le sympathique Lucky Girl en 2006). Charismatique, intelligent, aussi à l’aise dans l’action (Unstoppable), le film de genre (Infectés, Mi$e à prix) ou dans la comédie romantique (Target), Chris Pine a l’étoffe des héros. Après avoir donné un coup de jeune au Capitaine Kirk de Star Trek, il endosse ici le costume de Jack Ryan, le célèbre héros de la série de romans d’espionnage de Tom Clancy, et succède à Alec Baldwin (A la poursuite d’Octobre Rouge, 1990), Harrison Ford (Jeux de guerre, 1992, Danger immédiat, 1994) et Ben Affleck (La somme de toutes les peurs, 2002). L’écrivain, disparu en octobre 2013, avait donné son aval à ce projet de prequel, supervisé par le producteur Lorenzo di Bonaventura et imaginé par les scénaristes Adam Cozad et David Koepp (Jurassic Park, Mission Impossible, La guerre des mondes…). Même s’il n’est pas adapté d’un roman, le film, qui remonte aux sources du personnage, reprend de nombreux éléments de la saga. On découvre un Jack Ryan jeune et novice en matière d’espionnage. Fonctionnaire boy-scout propulsé sur le terrain par des circonstances extraordinaires, cet apprenti espion brille par son authenticité, son humanité et son ingéniosité. Le scénario ancre l’intrigue dans un contexte contemporain (Jack doit enquêter sur une organisation financière terroriste) et revigore la vieille rivalité américano-russe. Après avoir signé un Thor honorable, Kenneth Branagh, plus connu pour ses envolées shakespeariennes (Henry V, Beaucoup de bruit pour rien, Hamlet, Peines d’amour perdues, Comme il vous plaira), réalise ici un film d’espionnage high-tech de toute beauté. Non content de s’acquitter de sa mission avec brio (mention spéciale à Chris Pine, dont la fougue pimente des scènes d’action moins consensuelles que la moyenne), il réussit des séquences de pure comédie, notamment dès qu’apparaît Keira Knightley, fiancée futée et transie d’amour. Sans être original, ce thriller palpitant qui balade de New York à Moscou profite intelligemment de ses atouts. Les deux acteurs principaux sont attachants, Kevin Costner, tout en sourires narquois, est comme il faut, et Kenneth Branagh, en vilain, n’en fait même pas trop. Beau travail !

BANDE-ANNONCE

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JACK RYAN: SHADOW RECRUIT

JACK RYAN: SHADOW RECRUIT
Test Blu-ray :

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Interactivité***
On profite d’un intéressant commentaire audio de Kenneth Branagh accompagné du producteur Lorenzo di Bonaventura. Les deux hommes confient avoir souhaité faire de Jack Ryan un personnage authentique et presque ordinaire, et non une machine de guerre à la Jason Bourne. Un making of de 13 minutes, astucieusement intitulé The Smartest Guy In The Room, revient sur la genèse du projet et le choix de l’interprète de Jack Ryan. Une featurette est consacrée à Kenneth Branagh, réalisateur qui aime jouer collectif, et une autre à Vic Armstrong, roi des cascadeurs. Un reportage étayé d’interviews de spécialistes se penche sur la légendaire rivalité Russie-Amérique (22 minutes). Le programme s’achève sur 5 minutes de scènes inédites ou rallongées, avec option de commentaires du cinéaste et du producteur.

Image ****
Format : 1.85
La photo signée Haris Zambarloukos joue à fond la carte de l’élégance et du glamour. Les noirs profonds, les contrastes appuyés et les couleurs explosives sont magnifiquement restitués par cette image Blu-ray quasi-irréprochable.

Son : ****
DTS-HD Master Audio 7.1 en anglais
DD 5.1 en français
Sous-titres français non imposés
La piste anglaise, détaillée, ample et très efficace, fait un sans-faute, et sert admirablement la musique de Patrick Doyle, compositeur fétiche de Branagh. En comparaison, le DD 5.1 français est sensiblement moins puissant.

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JACK RYAN

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JACK RYAN

 

VELVET GOLDMINE

Le poème d’amour au glam rock, signé Todd Haynes en 1998, s’offre la Haute Définition. Inspirée des véritables héros de la légende — David Bowie, Iggy Pop et Bryan Ferry en tête — cette fantaisie pailletée, culte et magique, est à savourer d’urgence en Blu-ray, DVD et VOD.

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« Il était une fois une époque absolument fabuleuse.
Nous vivions nos rêves.
Mais tout cela s’est envolé. »

 

Velvet Goldmine

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Todd Haynes
1998 (en version remasterisée Blu-ray, DVD, VOD chez Carlotta depuis le 28 mai 2014)

En 1984, le jeune journaliste anglais Arthur Stuart (Christian Bale) est chargé d’écrire un article sur l’ex-icône de la pop Brian Slade (Jonathan Rhys Meyers), l’idole de son adolescence. La star flamboyante avait mystérieusement disparu il y a dix ans, après avoir mis en scène son propre assassinat, devant des millions de fans…

Le cinéaste américain Todd Haynes, auteur des remarquables Safe et Loin du paradis, a accompli un tour de force en 1998, en parvenant à capturer l’essence même du glam rock. S’inspirant des véritables héros de l’époque (Brian Slade est une émanation de David Bowie, Mandy Slade d’Angela Bowie, Curt Wild d’Iggy Pop etc.), le cinéaste a orchestré un conte de fées surréaliste, une célébration de l’esprit d’Oscar Wilde dans le contexte de la pop. La quête du jeune Arthur Stuart, qui le ramène une décennie en arrière, propulse le spectateur dans la période la plus excitante des seventies à Londres, où la pop rimait avec paillettes, maquillage outrancier et ambivalence sexuelle. Mettant à nu certaines vérités cruelles, le film kaléidoscope de Todd Haynes propose plusieurs niveaux de lecture, et nul besoin d’être un initié pour se laisser séduire par ce fantastic voyage, empreint de mélancolie et d’une réelle nostalgie. « On voulait changer le monde, on a juste changé, nous. » dit Curt Wilde. Ode à la jeunesse et aux libertés qu’elle s’autorise, Velvet Goldmine (titre emprunté à une chanson de David Bowie écrite en 1972) jouit en outre d’une distribution exceptionnelle (Jonathan Rhys Meyers, Toni Collette, Ewan McGregor, Christian Bale, Eddy Izzard…) et d’une bande originale réussie en dépit des obstacles de taille, David Bowie ayant refusé toute coopération, et notamment l’utilisation de sa chanson « All The Young Dudes » popularisée par Mott The Hoople, qui devait être l’hymne du film. Tout le mérite revient à Michael Stipe qui a supervisé ce mélange de titres originaux (« Satellite Of Love » de Lou Reed, « Virginia Plain » de Roxy Music), de reprises interprétées par des groupes formés pour l’occasion, tel The Venus In Furs (Bernard Butler, Andy Mackay, Thom Yorke), et Wylde Ratzz (Ron Asheton, Thurston Moore) ou encore du flamboyant Placebo, qui s’empare avec brio de « 20th Century Boy » de Marc Bolan (Brian Molko campe un des jeunes fans de glam dans une séquence au début du film). Enfin, quelques chansons originales ont été idéalement composées “dans l’esprit”, par le groupe Shudder To Think. A noter que Jonathan Rhys Meyer et Ewan McGregor interprètent eux-mêmes certains morceaux. Honteusement passé inaperçu en France à sa sortie, ce film, aujourd’hui culte, a reçu le Prix de la Meilleure contribution artistique à Cannes, ainsi qu’une nomination à l’Oscar en 1999 pour les costumes, remarquables, signés Sandy Powell.

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Ceux qui désireraient en savoir plus sur l’histoire du film se tourneront vers le livre – en anglais — de la productrice Christine Vachon, Shooting To Kill, sous-titré How independant producer blasts through the barriers to make movies that matter.
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Bien qu’épuisé (mais « trouvable” sur de nombreux sites de vente – eBay), le hors-série N° 40 de Rock&Folk, consacré au film et au glam, et paru fin 1998, est une mine d’or d’informations sur le sujet. On y trouve notamment, en exclusivité mondiale, la seule interview jamais accordée par David Bowie à propos du film. 
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Test Blu-ray :

 

Interactivité**
Le Blu-ray reprend le making of de 25 minutes, un peu foutraque, déjà présent sur la précédente édition DVD, réalisé durant le tournage et ponctués des interventions souvent pertinentes des acteurs et du réalisateur. Michael Stipe parle d’une époque « qui avait de la classe et de l’humour, et qui savait se moquer d’elle-même. » Todd Haynes confie « avoir voulu créer une nostalgie d’un passé oublié, mais aussi un sentiment de danger et d’excitation, comme dans un voyage dans l’inconnu. » La bande-annonce originale complète le programme. Le commentaire audio de Todd Haynes qui figure sur l’édition américaine n’est pas repris ici.

Image ***
Format : 1.85
Cette image remasterisée Haute Définition ne surclasse pas vraiment celle du DVD paru en 2003, même si elle est plus précise et plus propre. Les contrastes et la profondeur des noirs sont dans l’ensemble bien gérés, mais certains plans sont un peu doux et manquent de précision, et paraissent même un peu neigeux (sachant que les couleurs un peu délavées de certaines périodes sont aussi un parti pris de la photographie).

Son : ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en anglais
DTS-HD Master Audio 2.0 en français
Sous-titres français non imposés
On se réjouit de la présence d’une piste 5.1 qui faisait défaut sur la précédente édition. Cependant, ce 5.1 se contente de gonfler la piste d’origine, afin de donner plus d’ampleur et de tonus aux passages musicaux. Ce n’est pas la panacée, mais c’est mieux qu’un 2.0 riquiqui.

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