LILITH/MICKEY ONE

SEXY COMME BEATTY

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Le sex-symbol du Nouvel Hollywood est à l’honneur chez Wild Side Video, dans la collection bien nommée Les Introuvables. Situés dans la filmographie de l’acteur entre les mythiques La fièvre dans le sang et Bonnie And Clyde, Lilith de Robert Rossen (1964) et Mickey One, d’Arthur Penn (1965), profitent ici d’une restauration magnifique. Ils sont suivis d’une interview du spécialiste et implacable Peter Biskind, auteur du Nouvel Hollywood et de Star, la biographie de Beatty, sous-titrée How Warren Beatty Seduced America.

Lilith

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Robert Rossen
1964 (DVD paru le 5 février 2014 chez Wild Side Video, disponible dans les magasins Fnac et sur Fnac.com)

De retour dans sa ville natale en Nouvelle-Angleterre, le jeune vétéran Vincent Bruce (Warren Beatty) est embauché comme aide-rééducateur dans une clinique psychiatrique privée. Sans formation, mais plein de bonne volonté, le jeune homme parvient très vite à tisser des liens de confiance avec les patients, et notamment avec Lilith (Jean Seberg), la jeune et séduisante névrosée dont il a la charge. Vincent va peu à peu tomber sous le charme de cette jeune manipulatrice, au point de perdre pied…

Révélé en 1961 aux côtés de Nathalie Wood dans le chef-d’œuvre d’Elia Kazan, La fièvre dans le sang, Warren Beatty a, dès ses débuts, fait montre d’ambition, et s’est adjoint les plus brillants scénaristes et réalisateurs, tel Robert Rossen. En 1963, lorsqu’il entreprend de porter à l’écran le roman de J. R. Salamanca (l’écrivain s’est inspiré de son expérience d’aide-soignant dans une clinique psychiatrique), le cinéaste est auréolé du succès de L’arnaqueur, son film précédent paru deux ans auparavant. La psychanalyse freudienne et la névrose sont des thèmes en vogue dans l’Amérique des années 60. A la même époque, en 1963, John Cassavetes réalise Un enfant attend, son premier film de studio, consacré au traitement réservé aux attardés mentaux et à l’autisme. Comme celui de Cassavetes, le film de Rossen dépeint une équipe de soignants compatissants, en empathie avec les pensionnaires, et qui n’hésitent pas à leur accorder une relative liberté. Si les fenêtres de leurs chambres sont grillagées, les malades se promènent dans le parc, participent à des pique-niques et balades en bicyclette, et peuvent sortir de l’établissement sous surveillance. Les éléments de la nature, l’eau, le vent, les blés, magnifiquement photographiés, font écho aux tourments des protagonistes. Face à Jean Seberg, excellente en séductrice schizophrène, Warren Beatty, tête baissée et mutique, joue parfaitement l’ambiguïté. Mais si les images (en noir et blanc) sont souvent stupéfiantes de beauté, le film, mélange de sensualité, d’onirisme et de poésie, a tendance à abuser de la navigation en eaux troubles et souffre de quelques incohérences, dont une, particulièrement gênante : pourquoi la directrice (Kim Hunter) a-t-elle confié la surveillance d’une jeune et jolie nymphomane à un jeune homme sans expérience, visiblement mal dans sa peau, et particulièrement séduisant ? Ces flottements expliquent l’échec du film à sa sortie, en dépit de ses qualités manifestes. Réhabilité depuis par les critiques, Lilith est le dernier film de Robert Rossen, disparu en 1966.
Avec Peter Fonda, Kim Hunter et Gene Hackman

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Test DVD :

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Interactivité**
Belle initiative des éditeurs d’avoir enrichi le film d’une courte interview de Peter Biskind, expert du cinéma américain de cette période et de Warren Beatty en particulier (11 minutes). Le critique ne mâche pas ses mots en évoquant les faiblesses du film qu’il replace dans le contexte de l’époque. Il s’attarde aussi sur les conditions de tournage particulièrement pénibles, dues au comportement mégalomane et arrogant de Beatty, adepte de la Méthode, qui n’hésitait pas à harceler constamment son réalisateur sur ses intentions, allant jusqu’à saboter les scènes qui ne lui convenaient pas. Robert Rossen ne s’en serait jamais remis. Le fougueux Warren Beatty s’est également mis à dos ses partenaires (dont Peter Fonda qui a failli en venir plusieurs fois aux mains). Le programme comprend également une galerie de photos et la bande-annonce originale non restaurée, qui met en exergue la qualité de la récente restauration.

Image ***
Format : 1.85
La restauration, superbe, met en valeur le noir et blanc travaillé par le prestigieux chef-opérateur Eugen Schüfftan (Quai des brumes, Les yeux sans visage…). La luminosité, la définition et les contrastes sont plutôt réjouissants.

Son : **
DD 2.0 Mono d’origine, en anglais sous-titré français
Sous-titres français imposés
Equilibrée, l’unique piste en version originale sous-titrée se révèle satisfaisante. Les dialogues sont clairs et certains passages musicaux bénéficient d’un dynamisme inattendu.

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Mickey One

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Arthur Penn
1965 (DVD paru le 5 février 2014 chez Wild Side Video, disponible dans les magasins Fnac et sur Fnac.com).

Une vedette de stand-up de Detroit (Warren Beatty) est obligée de fuir la mafia qui veut sa peau pour des raisons obscures. Arrivé à Chicago sans un sou en poche, le jeune homme tente de se faire oublier en acceptant, sous le nom de Mickey One, des jobs ingrats. Très vite, il revient à ce pour quoi il est doué, sur la scène d’un music-hall local. Mais son talent l’expose un peu trop et, à son grand dam, il ne tarde pas à être repéré par le propriétaire du club le plus prestigieux de la ville…

L’échec commercial de Lilith n’a nullement émoussé chez le jeune Warren Beatty le désir de sortir des sentiers battus. Ainsi, même si Mickey One, adaptation de la pièce homonyme d’Alan Surgal, que lui propose Arthur Penn, ne l’emballe pas outre mesure (il juge le scénario trop abscons), le petit frère de Shirley MacLaine s’enthousiasme à l’idée de collaborer avec le réalisateur du Gaucher et de Miracle en Alabama (couronné par deux Oscars), qui jouit d’une belle réputation auprès des critiques et de l’intelligentsia hollywoodienne. Arthur Penn, échaudé après son renvoi du tournage du Train (que John Frankenheimer a finalement mis en scène), est en quête de liberté et rejette plus que jamais le système des studios. Le petit budget alloué à Mickey One va lui permettre de concrétiser un projet ambitieux, à la manière des réalisateurs de la Nouvelle Vague française et du néoréalisme italien qu’il admire. Marchant sur les traces de John Cassavetes avec son révolutionnaire Shadows en 1959, Penn délaisse la structure narrative au profit d’une liberté visuelle teintée d’absurde et de surréalisme, et réalise un film jazz (les improvisations sont signées Stan Getz). La paranoïa et le sentiment anxiogène qui émanent de cette métaphore du Maccarthysme sont palpables. Le spectateur est propulsé en plein cauchemar, celui que vit le personnage incarné par Warren Beatty, obsédé par l’idée d’un complot qui se referme sur lui. Filmée en noir et blanc, cette fuite en avant du héros, qui traduit les névroses et angoisses de l’Amérique de l’époque, est une explosion de plans audacieux et d’images somptueuses (la photo est signée Ghislain Cloquet, auquel on doit, entre autres, celles des Demoiselles de Rochefort et de Peau d’Ane). Même si sa prestation, aussi confuse que le film, ne restera pas dans les annales, Beatty (beau à se damner) n’est pas la cause de l’échec du film à sa sortie. Trop expérimental et outré, Mickey One n’est pas parvenu à séduire le public de 1965. Arthur Penn et Warren Beatty se rattraperont deux ans plus tard avec une autre cavale infernale, le fameux Bonnie And Clyde, qui donnera le coup d’envoi du Nouvel Hollywood.
Avec Alexandra Stewart, Hurd Hatfield, Franchot Tone…

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Test DVD :

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Interactivité***
On retrouve le journaliste Peter Biskind qui éclaire sur les motivations de Penn et Beatty, et livre un état des lieux de l’industrie cinématographique hollywoodienne de l’époque (14 minutes). La galerie de photos comprend des photos de tournage intéressantes et des affiches du film. Enfin, surprise ! La bande-annonce d’époque recèle des images inédites.

Image ***
Format : 1.85
La restauration est, là encore, splendide. L’image est propre, lumineuse et contrastée. Les noirs sont profonds à souhait.

Son : **
DD 2.0 Mono d’origine en anglais sous-titré français
Sous-titres français imposés
Une piste dynamique et équilibrée. Les effluves de jazz sont parfaitement mis en valeur.

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BLUE JASMINE

Il faut remonter à Match Point pour retrouver un Woody Allen aussi cynique. Les ombres de Tennessee Williams et Dostoïevski planent sur cette satire de haute volée, portée par une Cate Blanchett en état de grâce.

Blue Jasmine 

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Woody Allen
2013 (DVD/Blu-ray TF1 Vidéo)

Jasmine French (Cate Blanchett) avait une existence de rêve, des vêtements de luxe, des bijoux, un appartement sur la 5ème Avenue, une maison de vacances dans les Hamptons, jusqu’à ce que son époux (Alec Baldwin), homme d’affaires, soit arrêté pour escroquerie. Fauchée, elle n’a pas d’autre alternative que de déposer ses valises Vuitton à San Francisco, dans le modeste appartement de sa sœur adoptive (Sally Hawkins), caissière. Histoire de reprendre ses marques, trouver un job et rebondir. Mais pour cette snob invétérée, portée sur l’alcool et les tranquillisants, la reconversion a tout du chemin de croix…

Le génial réalisateur de Manhattan semble être revenu à la raison après une longue période d’égarements, de laquelle on retiendra essentiellement Match Point et Whatever Works. En 2013, avec ce portrait de mondaine déchue, Woody Allen se fait subtil et signe une satire corrosive, drôle et cynique, mais aussi terriblement juste et cruelle, qui illustre avec brio sa connaissance aiguë de la nature humaine. A l’heure où ses confrères se passionnent pour les loups de la finance et les grands fraudeurs, lui préfère se pencher sur le cas des épouses, et leur moralité. A la fois victime et complice de son escroc de mari, Jasmine est surtout coupable d’avoir fermé les yeux, par pur égoïsme. Woody Allen explore les rouages et les obsessions de cette femme fragile, complexe et décalée, incapable de s’adapter à son nouvel environnement. Jasmine tente de sauver sa peau et perd les pédales en même temps que ses repères. Il émane une ironie jubilatoire des flash-backs révélateurs qui mettent habilement le personnage en perspective. Le retour à la réalité est brutal et le choc des cultures génère des situations désopilantes. Jasmine est, dans la vie ordinaire, aussi à l’aise qu’un poisson hors de l’eau. Les confrontations avec le petit ami pas très distingué de sa sœur, ou avec ses jeunes neveux prennent un tour surréaliste. La performance de Cate Blanchett force l’admiration, et lui a déjà valu, en attendant les Oscars, le Golden Globe 2014 de la Meilleure actrice. L’œil hagard, la moue dédaigneuse et le port de tête impeccable, l’actrice, véritablement habitée, parvient à rendre son personnage attachant et humain, même dans les moments les plus pathétiques. Car cette mondaine n’est pas une garce, et c’est ce qui la sauve. Sous ses remarques caustiques, sa tendresse pour sa sœur (épatante Sally Hawkins !) est manifeste. Jasmine est juste terriblement à côté de la plaque, et Woody Allen, impitoyable, ne lui épargne rien.

BANDE-ANNONCE

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Test DVD :

Interactivité*
Rien de rien, Woody Allen est allergique au concept de suppléments.

Image ***
Format : 2.40
L’image est un peu douce, conforme au souhait du réalisateur, mais manque souvent de précision. Rien de dommageable néanmoins.

Son ***
DD 5.1 et DD 2.0 en anglais sous-titré et français
Sous-titres français imposés
Sous-titres français pour sourds et malentendants
Audiodescription
Une piste DD 5.1 dynamique, qui ne fait pas de vagues dans les enceintes arrière et se resserre sur les dialogues. A noter que le phrasé de Cate Blanchett est bien plus probant en version originale, à privilégier absolument.

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LES AMANTS DU TEXAS

Repéré au festival de Sundance 2013 où il a raflé le Prix de la photo, le deuxième film de David Lowery, tragique, contemplatif et romantique, revisite avec humilité la mythologie de l’Ouest américain.

 

Les amants du Texas (Ain’t Them Bodies Saints)

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David Lowery
2013 (DVD paru le 12 février 2014 chez Diaphana Vidéo)

Dans une petite ville rurale du Texas, Bob (Casey Affleck) et Ruth (Rooney Mara) s’aiment follement depuis l’enfance mais font les quatre cents coups. Un jour, un braquage tourne mal et ils sont arrêtés. Pour éviter la prison à Ruth, enceinte, Bob déclare qu’il est le seul coupable. Ruth promet de l’attendre. Quatre années passent. Ruth et sa fille vivent sous la protection de Skerritt (Keith Carradine), le père du défunt complice de Bob, et de celle d’un flic timide (Ben Foster) secrètement amoureux d’elle. Bob, lui, ne pense qu’à s’évader pour rejoindre sa bien-aimée et sa fille qu’il n’a encore jamais vue…

Bob et Ruth n’ont pas eu le temps de devenir Bonnie and Clyde. Le film de David Lowery commence là où les grands mythes de l’Ouest s’achèvent. Pas d’épopée façon Gun Crazy ni de Balade sauvage pour ces amants-là, condamnés à s’aimer à distance, via des confidences épistolaires soumises au crible du système pénitentiaire. Tout doucement, le temps va jouer contre eux. Tandis que Bob ne vit qu’en pensant à rejoindre sa femme et son enfant, Ruth change. Quatre ans après, la jeune rebelle d’autrefois est désormais une mère attentive et solitaire. A la nouvelle de l’évasion de Bob, tous les regards se braquent sur elle. Mais le sien reste impénétrable. Espère-t-elle que Bob viendra la chercher, où le craint-elle ? Rooney Mara prête sa grâce à cette beauté frêle et grave, femme fatale malgré elle, et David Lowery la filme avec une infinie tendresse. Autour d’elle gravitent les excellents Keith Carradine, Casey Affleck, tout en fougue, et l’inattendu et touchant Ben Foster. Certains garderont leur mystère jusqu’au bout. Sublimée par la photo signée Bradford Young, qui a valu au film le Prix de la photographie au festival de Sundance 2013, cette histoire d’amour et de destins contrariés n’est pas sans similitudes avec le chef-d’œuvre de Terrence Malick, Les moissons du ciel. Comme son illustre aîné, David Lowery prise les non-dits et aime s’attarder sur des paysages bucoliques au soleil couchant. Mais le film, qui a divisé la critique et essuyé un échec en salles, est davantage qu’une jolie carte postale du Far West. Il raconte une histoire intemporelle d’hommes et de femme qui tentent d’échapper à leur destinée. Tout le monde ne sera pas forcément envouté par la magie qui émane de ce néo-western singulièrement délicat. Le cinéaste de trente-trois ans, dont il s’agit du deuxième long-métrage (après St Nick en 2009, inédit en France), se plaît à le comparer à une vieille chanson folk. Il en a tout le charme.

BANDE-ANNONCE

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Test DVD :

Interactivité*
Pas grand-chose à se mettre sous la dent si ce n’est cet entretien écrit avec David Lowery, au demeurant intéressant. La bande-annonce figure également au programme.

Image ***
Format : 2.35
Elément important du film, la photo est fidèlement retranscrite. On notera que le grain et l’aspect un peu crasseux de l’image sont intentionnels.

Son ***
DD 2.0 en anglais sous-titré
Le DVD ne propose qu’une seule piste, heureusement, en VOST. Pas de DD 5.1 donc, mais ce DD 2.0 convient à l’atmosphère intimiste du film.

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LES AMANTS DU TEXAS  2013 56

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