LES AMANTS DU TEXAS

Repéré au festival de Sundance 2013 où il a raflé le Prix de la photo, le deuxième film de David Lowery, tragique, contemplatif et romantique, revisite avec humilité la mythologie de l’Ouest américain.

 

Les amants du Texas (Ain’t Them Bodies Saints)

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David Lowery
2013 (DVD paru le 12 février 2014 chez Diaphana Vidéo)

Dans une petite ville rurale du Texas, Bob (Casey Affleck) et Ruth (Rooney Mara) s’aiment follement depuis l’enfance mais font les quatre cents coups. Un jour, un braquage tourne mal et ils sont arrêtés. Pour éviter la prison à Ruth, enceinte, Bob déclare qu’il est le seul coupable. Ruth promet de l’attendre. Quatre années passent. Ruth et sa fille vivent sous la protection de Skerritt (Keith Carradine), le père du défunt complice de Bob, et de celle d’un flic timide (Ben Foster) secrètement amoureux d’elle. Bob, lui, ne pense qu’à s’évader pour rejoindre sa bien-aimée et sa fille qu’il n’a encore jamais vue…

Bob et Ruth n’ont pas eu le temps de devenir Bonnie and Clyde. Le film de David Lowery commence là où les grands mythes de l’Ouest s’achèvent. Pas d’épopée façon Gun Crazy ni de Balade sauvage pour ces amants-là, condamnés à s’aimer à distance, via des confidences épistolaires soumises au crible du système pénitentiaire. Tout doucement, le temps va jouer contre eux. Tandis que Bob ne vit qu’en pensant à rejoindre sa femme et son enfant, Ruth change. Quatre ans après, la jeune rebelle d’autrefois est désormais une mère attentive et solitaire. A la nouvelle de l’évasion de Bob, tous les regards se braquent sur elle. Mais le sien reste impénétrable. Espère-t-elle que Bob viendra la chercher, où le craint-elle ? Rooney Mara prête sa grâce à cette beauté frêle et grave, femme fatale malgré elle, et David Lowery la filme avec une infinie tendresse. Autour d’elle gravitent les excellents Keith Carradine, Casey Affleck, tout en fougue, et l’inattendu et touchant Ben Foster. Certains garderont leur mystère jusqu’au bout. Sublimée par la photo signée Bradford Young, qui a valu au film le Prix de la photographie au festival de Sundance 2013, cette histoire d’amour et de destins contrariés n’est pas sans similitudes avec le chef-d’œuvre de Terrence Malick, Les moissons du ciel. Comme son illustre aîné, David Lowery prise les non-dits et aime s’attarder sur des paysages bucoliques au soleil couchant. Mais le film, qui a divisé la critique et essuyé un échec en salles, est davantage qu’une jolie carte postale du Far West. Il raconte une histoire intemporelle d’hommes et de femme qui tentent d’échapper à leur destinée. Tout le monde ne sera pas forcément envouté par la magie qui émane de ce néo-western singulièrement délicat. Le cinéaste de trente-trois ans, dont il s’agit du deuxième long-métrage (après St Nick en 2009, inédit en France), se plaît à le comparer à une vieille chanson folk. Il en a tout le charme.

BANDE-ANNONCE

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Test DVD :

Interactivité*
Pas grand-chose à se mettre sous la dent si ce n’est cet entretien écrit avec David Lowery, au demeurant intéressant. La bande-annonce figure également au programme.

Image ***
Format : 2.35
Elément important du film, la photo est fidèlement retranscrite. On notera que le grain et l’aspect un peu crasseux de l’image sont intentionnels.

Son ***
DD 2.0 en anglais sous-titré
Le DVD ne propose qu’une seule piste, heureusement, en VOST. Pas de DD 5.1 donc, mais ce DD 2.0 convient à l’atmosphère intimiste du film.

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THE EAST/HIJACKING

Les faits divers regorgent de bonnes histoires et les faits de société font parfois de bons films. Parce qu’ils parlent du monde actuel avec singularité et intelligence, The East et Hijacking, deux thrillers indépendants parus en vidéo fin 2013 en sont la parfaite illustration.

680x478« Lie to us, we’ll lie to you
Spy on us, we’ll spy on you
Poison us, we’ll poison you »

 

The East
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Zal Batmanglij
2013 (Blu-ray Fox Pathé Europa)
Etats-Unis

Ex agent du FBI, Sarah Moss (Brit Marling) travaille désormais pour une société de renseignement privée qui protège les secrets de puissants lobbys. La jeune femme est choisie pour mener une mission délicate : infiltrer The East, un groupuscule éco-terroriste qui s’attaque aux multinationales aux agissements criminels. Grâce à sa détermination et son endurance, Sarah parvient à déjouer la méfiance des membres du groupe d’activistes mené par le charismatique Benji (Alexander Skarsgard) et à l’intégrer. Au point de se sentir bientôt écartelée entre sa mission et la leur…

Depuis Another Earth, en 2011, on est systématiquement interpellé par la présence de Brit Marling dans un générique. Cette jeune américaine originaire de Chicago, au physique et prénom nordiques (qu’elle tient d’une arrière-grand-mère norvégienne) est une véritable surdouée et une actrice impliquée. Avec son ami Mike Cahill (metteur en scène de Another Earth dont elle a cosigné le scénario), elle a réalisé en 2004 le documentaire remarqué Boxers and Ballerinas. Et après avoir coécrit avec l’Américain Zal Batmanglij le scénario de Sound Of My Voice, elle signe avec lui celui de ce film à mi-chemin entre fable sociale et thriller d’espionnage, empreint d’un romantisme manifeste. The East, dont le titre fait référence au Magicien d’Oz (la sorcière de l’Est), confronte nature et urbanisme et pointe du doigt les dérives de la surconsommation. Coproduit, entre autres, par Ridley et Tony Scott, il est né de l’expérience des deux jeunes auteurs, frustrés face au consumérisme d’une société qui préfère fermer les yeux sur le gaspillage, la pollution et la destruction de la planète. Zal Batmanglij et Brit Marling sont en effet partis sac à dos durant des mois en 2009 à la rencontre d’anarchistes, de déchétariens et de groupes d’activistes. Les membres de The East font cependant davantage qu’explorer des modes de vie alternatifs et remettre en question les acquis : ils agissent pour tenter de changer les choses, à la manière de l’organisation écologiste Sea Shepherd (on imagine cependant mal Paul Watson adhérer aux rites hippies des membres de The East). Sans sensationnalisme, le film s’intéresse autant aux actions du groupe qu’à l’impact de cet engagement sur ses membres qui vivent à l’écart du monde civilisé, ainsi qu’à l’éveil de Sarah dont les certitudes vacillent peu à peu. L’étrangeté de Brit Marling, la musique envoûtante de Harry Gregson-Williams (à noter que Rostam Batmanglij, du groupe Vampire Weekend et frère du réalisateur, a signé l’un des thèmes) et la photo inspirée signée du Russe Roman Vasyanov concourent à la singularité de ce thriller poétique et très actuel, pas tout à fait abouti, mais séduisant.
Et avec Ellen Page, Patricia Clarkson, Shiloh Fernandez, Toby Kebbell, Julia Ormond

BANDE-ANNONCE

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Test Blu-ray :

Interactivité **
Un making of promotionnel divisé en plusieurs chapitres de moins de 5 minutes chacun, permet d’en savoir plus sur les ambitions des auteurs. On y découvre aussi comment le cinéaste et son frère musicien s’influencent mutuellement et un extrait d’une masterclass des auteurs. La bande-annonce et des scènes inédites dont une fin alternative un peu sommaire complètent le programme.

Image ***
Format : 1.85
La photo est joliment retranscrite. Hormis un manque de précision notable dans les scènes d’intérieur, l’image est généralement bien définie, lumineuse. Les noirs sont profonds à souhait.

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 en anglais
DTS.5.1 en français
Sous-titres français non imposés
Sans faire d’esbroufe, la piste non-compressée de la version originale est plus dynamique et plus équilibrée, et sert davantage les passages musicaux.

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Hijacking (Kapringen)

 « La réalité est si bien conçue qu’elle nous surprend toujours… La vraie violence est crue, affreuse et maladroite. »Tobias Lindholm

 Hijacking

Tobias Lindholm
Danemark
2012 (DVD Ad Vitam)

Dans l’océan Indien, un cargo danois et ses sept hommes d’équipage sont pris en otage par des pirates somaliens. Tandis qu’à bord, Mikkel (Pilou Asbæk), le cuisinier, est désigné pour dialoguer avec leur interprète, à Copenhague, Peter Ludvigsen (Søren Malling), l’armateur du cargo et homme d’affaires redoutable, fait appel à un expert de ce genre de crise. Malgré les recommandations de ce dernier, qui préconise l’intervention d’une personne extérieure moins impliquée émotionnellement pour communiquer avec les pirates, le PDG décide de mener les négociations lui-même…

La première apparition de Ludvigsen n’est pas anodine. Il conclut un contrat mal engagé par un subalterne, en faisant preuve d’un sang froid impressionnant. Nul doute pour lui, dès l’annonce de la prise d’otages, qu’il sera l’homme de la situation, et il n’a que faire de la mise en garde de l’expert qui l’avertit que l’émotion est la pire ennemie du négociateur. Distingué en France par le Prix Spécial Police au Festival International du Film Policier de Beaune en 2013, Hijacking, deuxième long-métrage de Tobias Lindholm, scénariste remarqué de la série Borgen et du récent La chasse, de Thomas Vinterberg, met habilement en parallèle la gestion d’une prise d’otage et celle d’un contrat d’affaires. Moins spectaculaire que le récent Capitaine Phillips, de Paul Greengrass, le film, d’un réalisme proche du documentaire, n’en est pas moins palpitant. La caméra alterne les séquences sur le navire, où règnent incompréhension et chaos, et les scènes dans la cellule de crise à Copenhague, lors desquelles Ludvigsen tente de maîtriser une situation qui le dépasse. Au sensationnel, le cinéaste privilégie les réactions et la psychologie des protagonistes (la plupart des scènes d’action, dont l’arrivée des pirates sur le navire, se déroulent hors-champ). Le souci d’authenticité et d’honnêteté prévaut, et l’immersion est totale, jusqu’au final qui fait froid dans le dos.

BANDE-ANNONCE

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Test DVD :

Interactivité*
Seule la bande-annonce figure au programme.

Image ****
Format : 1.85
Belle surprise de ce côté ! La photo brute qui privilégie les éclairages naturels est soutenue par une image lumineuse et superbement définie.

Son : ***
DD 5.1 en danois
DD 2.0 en français
Sous-titres français non imposés
Aussi sobre que la mise en scène, la bande sonore est davantage mise en valeur par la version originale. Cette piste DD 5.1, plus harmonieuse, est aussi plus immersive.

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NO PAIN NO GAIN

 

« My name is Daniel Lugo, and I believe in fitness. »

No Pain No Gain (Pain & Gain)

Michael Bay
2013 (DVD/Blu-ray Paramount Home Entertainment)

En 1994, à Miami, Daniel Lugo (Mark Wahlberg) est coach dans un club de fitness et s’adonne à plein temps à la culture physique et au modelage de son corps, sa passion. Mais à force de côtoyer les clients milliardaires du club, il se met à cogiter en se demandant s’il n’a pas mérité lui aussi sa part du gâteau, tel Tony Montana dans Scarface. Il décide alors d’enlever l’un d’entre eux pour lui voler sa fortune, et entraîne dans l’aventure deux autres adeptes de la gonflette (Dwayne Johnson et Anthony Mackie). Le hic, c’est que ces derniers sont encore plus décérébrés que lui. L’opération va donc tourner à la catastrophe…

L’introduction ne dit rien qui vaille. En découvrant l’avalanche de ralentis sur les gros plans du visage grimaçant de Mark Wahlberg, on se demande même si Michael Bay n’a pas perdu les pédales et le vélo avec. Mais après des préliminaires brouillons et bavards, le film se précise et s’installe franchement dans la comédie noire, trash, loufoque et désopilante, sous influence Fargo et Pulp Fiction (références avouées du réalisateur). Mark Wahlberg et Dwayne Johnson jouent les abrutis avec une maestria qui force le respect, et la mise en scène fougueuse accompagne leurs tribulations de manière dantesque. Ici, le fond et la forme sont en parfaite symbiose. Car même si No Pain No Gain est un film à « petit budget » (24 millions au lieu des 200 habituels que réclament les productions du cinéaste), le réalisateur de Transformers fait toujours dans la destruction massive. Ici, celle du rêve américain, et des excès et perversions d’une société gangrenée par des valeurs obscènes. Le culte du corps est tourné en ridicule et la vulgarité des parvenus explose dans un feu d’artifice de mauvais goût. La bêtise de ces pieds nickelés du crime n’a d’égale que la violence et la sauvagerie de leurs actes, et, fidèle à sa réputation, Michael Bay a rivalisé d’inventivité pour filmer cette spirale infernale, multipliant les angles, la vitesse des images et les plans vertigineux (les Go Pro sont à la fête). Aux côtés de l’épatant trio vedette, Rebel Wilson en infirmière perverse, Tony Shalhoub en victime insupportable, et surtout Ed Harris, en détective privé retors, sont truculents. Comble de l’ironie, le film s’inspire librement d’un fait divers qui avait suscité l’horreur à Miami entre 1995 et 1997, dont les détails seraient encore plus invraisemblables que ceux qui sont exposés dans cette comédie décomplexée, exubérante… et totalement jubilatoire.

 

Test DVD :

Interactivité**
Un making of promotionnel mais instructif revient sur la genèse du film, et sur l’histoire vraie et édifiante qui l’a inspiré (11 minutes). On peut y entendre le témoignage et les impressions du journaliste Pete Collins qui a écrit l’article dans le Miami New Times à l’époque. Un second reportage de 9 minutes, entrecoupé d’aperçus du tournage, est consacré au retour aux sources de Michael Bay, qui a optimisé son « petit » budget en se souvenant de ses débuts de jeune cinéaste. D’autres reportages du même acabit sont disponibles sur le Blu-ray.

Image ****
Format : 2.40
Forcément moins impressionnante que celle du Blu-ray, l’image en HD présentée ici fait malgré tout un sans-faute. Les couleurs de la photo signée Ben Seresin sont rutilantes, les ciels de Floride d’un bleu éclatant. Contrastes et définition sont impeccables.

Son : ****
DD 5.1 en anglais et français
Sous-titres français non imposés
Une piste DD 5.1 à la hauteur de l’enjeu, ample et efficace. Les enceintes arrière assurent parfaitement leur mission tant pour les bruits d’ambiance que les passages musicaux ou les scènes d’action.

 

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No pain 2

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