DVD/Blu-ray de Noël (2) : LITTLE BIG MAN

Après Body Double, L’année du dragon et Panique à Needle Park, la collection des Coffrets Ultra Collector de Carlotta propose d’explorer l’univers d’un autre chef-d’œuvre du cinéma américain, dans un nouveau master restauré HD, et assorti comme il se doit de suppléments renversants.

« Les hommes blancs croient que tout est mort. Pierre, terre, animaux, et les gens, même ceux de leur propre race. Si les choses essaient de vivre, les Blancs les détruisent aussitôt. »

 

Little Big Man

Arthur Penn
1970
En Coffret Ultra Collector Limité et Numéroté (Blu-ray+DVD+Livre) chez Carlotta depuis le 19 octobre 2016

Agé de cent vingt et un ans, Jack Crabb (Dustin Hoffman), qui se dit le dernier survivant blanc de la bataille de Little Bighorn, reçoit à l’hospice un journaliste venu recueillir son témoignage sur le mode de vie des Indiens des plaines. Il entreprend de lui raconter son parcours extraordinaire, qui commence par le massacre de sa famille par les Indiens Pawnee, lorsqu’il avait dix ans…

Je dois l’avouer, Little Big Man n’a jamais été mon film préféré du réalisateur du Gaucher, Bonnie And Clyde ou La poursuite impitoyable. Son côté burlesque, parodique, ses personnages outrés voire grotesques et le jeu de Dustin Hoffman, constamment ahuri, m’ont toujours semblé un tantinet pénibles. Mais il émane malgré tout de ce conte philosophique déguisé en western un aspect crépusculaire remarquable, et c’est tout le talent d’Arthur Penn : avoir choisi l’absurde et le mélange des genres pour mieux exposer les injustices, les mensonges et finalement l’horreur du génocide indien. Contrairement au Soldat Bleu, d’une violence inouïe, projeté à la même époque, Little Big Man adopte le ton de la comédie picaresque pour mieux servir sa cause. Dans la lignée des grands films contestataires des 70’s, en pleine guerre du Vietnam, l’épopée d’Arthur Penn, adaptée de Mémoires d’un visage pâle, le livre politiquement incorrect de Thomas Berger publié en 1964, est non seulement une dénonciation de l’extermination du peuple indien, mais elle tourne en ridicule la mythologie de la conquête de l’Ouest, tout en pointant du doigt l’impérialisme américain. Jack Crabb est un authentique anti-héros, ballotté par l’histoire et qui, pour survivre, ne cesse de changer de camp et de culture, au gré des événements. Adopté par les Cheyennes, qui lui inculquent leurs valeurs humanistes, sa vie n’aura été qu’une succession de drames et d’échecs (il sera tour à tour guerrier indien, religieux, commerçant, roi de la gâchette, ermite…). Jamais il ne trouvera sa place, et n’aura le contrôle de son destin. Il croisera à plusieurs reprises les grandes figures de l’époque (Buffalo Bill, Custer…) et reviendra toujours à son grand-père indien adoptif, Old Lodge Skins (Peau de la Vieille Hutte) — campé par l’Indien Chief Dan George, qui décrochera la seule nomination à l’Oscar. Sous ses atours comiques, cette fresque de plus de deux heures est semée de moments cruels et tragiques (dès la première image du générique… ), et il s’en dégage une amertume profonde, celle de son héros, et probablement du cinéaste lui-même. A sa sortie, Little Big Man essuiera un échec aux Etats-Unis, mais sera acclamé en Europe. Réhabilitée depuis, cette démystification de l’Ouest américain, dont les images sont époustouflantes de beauté, s’impose comme une œuvre majeure du Nouvel Hollywood.
2 h 20 Et avec : Faye Dunaway, Richard Mulligan, Martin Balsam, Jeff Corey, Kelly Jean Peters, Cal Bellini…

BANDE-ANNONCE

 


Test Coffret Collector :  

Interactivité ****
Little Big Man est introduit par une préface pertinente de Philippe Rouyer. On retrouve ensuite le critique pour une analyse de 25 minutes, dans laquelle il évoque les différences entre le livre et le film. Dans un reportage exceptionnel réalisé sur le tournage, on voit Arthur Penn diriger ses comédiens. Le cinéaste revient également sur sa méthode de travail et ses partis pris artistiques (25 minutes). Dustin Hoffman parle quant à lui de la manière dont il a abordé son rôle dans un second document tout aussi rare (14 minutes). La bande-annonce d’époque figure au menu et témoigne de l’important travail de restauration. Enfin, le livre de 160 pages, intitulé Penser la spontanéité, et truffé de photos inédites, explore le travail d’Arthur Penn et les enjeux de Little Big Man. Il est introduit par une interview du cinéaste réalisée par Robin Wood en 1970-1971. Le visuel de ce somptueux coffret est signé Robert Hunt.

Image ****
Format : 2.35
La restauration HD est miraculeuse ! L’image est propre et conserve un beau grain. Les fourmillements sont rares. Les couleurs sont lumineuses, contrastées, et les noirs sont profonds.

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 en anglais sous-titré
DTS-HD Master Audio 1.0 en anglais sous-titré et français
Certes, ce nouveau mixage en 5.1 ne fera pas trembler vos murs, mais il reste harmonieux, et met en avant les passages musicaux. Les puristes pourront toujours se tourner vers le mono d’origine.

 

 

 

 

A noter que le film est également disponible en édition single Blu-ray, incluant la préface de Philippe Rouyer et les bandes-annonces.


LILITH/MICKEY ONE

SEXY COMME BEATTY

wb2

 

Le sex-symbol du Nouvel Hollywood est à l’honneur chez Wild Side Video, dans la collection bien nommée Les Introuvables. Situés dans la filmographie de l’acteur entre les mythiques La fièvre dans le sang et Bonnie And Clyde, Lilith de Robert Rossen (1964) et Mickey One, d’Arthur Penn (1965), profitent ici d’une restauration magnifique. Ils sont suivis d’une interview du spécialiste et implacable Peter Biskind, auteur du Nouvel Hollywood et de Star, la biographie de Beatty, sous-titrée How Warren Beatty Seduced America.

Lilith

warren-beatty-gallery

Robert Rossen
1964 (DVD paru le 5 février 2014 chez Wild Side Video, disponible dans les magasins Fnac et sur Fnac.com)

De retour dans sa ville natale en Nouvelle-Angleterre, le jeune vétéran Vincent Bruce (Warren Beatty) est embauché comme aide-rééducateur dans une clinique psychiatrique privée. Sans formation, mais plein de bonne volonté, le jeune homme parvient très vite à tisser des liens de confiance avec les patients, et notamment avec Lilith (Jean Seberg), la jeune et séduisante névrosée dont il a la charge. Vincent va peu à peu tomber sous le charme de cette jeune manipulatrice, au point de perdre pied…

Révélé en 1961 aux côtés de Nathalie Wood dans le chef-d’œuvre d’Elia Kazan, La fièvre dans le sang, Warren Beatty a, dès ses débuts, fait montre d’ambition, et s’est adjoint les plus brillants scénaristes et réalisateurs, tel Robert Rossen. En 1963, lorsqu’il entreprend de porter à l’écran le roman de J. R. Salamanca (l’écrivain s’est inspiré de son expérience d’aide-soignant dans une clinique psychiatrique), le cinéaste est auréolé du succès de L’arnaqueur, son film précédent paru deux ans auparavant. La psychanalyse freudienne et la névrose sont des thèmes en vogue dans l’Amérique des années 60. A la même époque, en 1963, John Cassavetes réalise Un enfant attend, son premier film de studio, consacré au traitement réservé aux attardés mentaux et à l’autisme. Comme celui de Cassavetes, le film de Rossen dépeint une équipe de soignants compatissants, en empathie avec les pensionnaires, et qui n’hésitent pas à leur accorder une relative liberté. Si les fenêtres de leurs chambres sont grillagées, les malades se promènent dans le parc, participent à des pique-niques et balades en bicyclette, et peuvent sortir de l’établissement sous surveillance. Les éléments de la nature, l’eau, le vent, les blés, magnifiquement photographiés, font écho aux tourments des protagonistes. Face à Jean Seberg, excellente en séductrice schizophrène, Warren Beatty, tête baissée et mutique, joue parfaitement l’ambiguïté. Mais si les images (en noir et blanc) sont souvent stupéfiantes de beauté, le film, mélange de sensualité, d’onirisme et de poésie, a tendance à abuser de la navigation en eaux troubles et souffre de quelques incohérences, dont une, particulièrement gênante : pourquoi la directrice (Kim Hunter) a-t-elle confié la surveillance d’une jeune et jolie nymphomane à un jeune homme sans expérience, visiblement mal dans sa peau, et particulièrement séduisant ? Ces flottements expliquent l’échec du film à sa sortie, en dépit de ses qualités manifestes. Réhabilité depuis par les critiques, Lilith est le dernier film de Robert Rossen, disparu en 1966.
Avec Peter Fonda, Kim Hunter et Gene Hackman

5586163252_a9bf4b0646

Test DVD :

 Unknown

 

 

 

 

 

 

Interactivité**
Belle initiative des éditeurs d’avoir enrichi le film d’une courte interview de Peter Biskind, expert du cinéma américain de cette période et de Warren Beatty en particulier (11 minutes). Le critique ne mâche pas ses mots en évoquant les faiblesses du film qu’il replace dans le contexte de l’époque. Il s’attarde aussi sur les conditions de tournage particulièrement pénibles, dues au comportement mégalomane et arrogant de Beatty, adepte de la Méthode, qui n’hésitait pas à harceler constamment son réalisateur sur ses intentions, allant jusqu’à saboter les scènes qui ne lui convenaient pas. Robert Rossen ne s’en serait jamais remis. Le fougueux Warren Beatty s’est également mis à dos ses partenaires (dont Peter Fonda qui a failli en venir plusieurs fois aux mains). Le programme comprend également une galerie de photos et la bande-annonce originale non restaurée, qui met en exergue la qualité de la récente restauration.

Image ***
Format : 1.85
La restauration, superbe, met en valeur le noir et blanc travaillé par le prestigieux chef-opérateur Eugen Schüfftan (Quai des brumes, Les yeux sans visage…). La luminosité, la définition et les contrastes sont plutôt réjouissants.

Son : **
DD 2.0 Mono d’origine, en anglais sous-titré français
Sous-titres français imposés
Equilibrée, l’unique piste en version originale sous-titrée se révèle satisfaisante. Les dialogues sont clairs et certains passages musicaux bénéficient d’un dynamisme inattendu.

lilith-1964-03-g 

 

Mickey One

1936750,CdppShZaZeFaXS2RFVZo+iJc6V+50zF5Rfy1Z9y4HetGAGm_VPTb7Yx+dwL7aJ8IkVJ73JFXVJBITH6Gr5I6Gw==

Arthur Penn
1965 (DVD paru le 5 février 2014 chez Wild Side Video, disponible dans les magasins Fnac et sur Fnac.com).

Une vedette de stand-up de Detroit (Warren Beatty) est obligée de fuir la mafia qui veut sa peau pour des raisons obscures. Arrivé à Chicago sans un sou en poche, le jeune homme tente de se faire oublier en acceptant, sous le nom de Mickey One, des jobs ingrats. Très vite, il revient à ce pour quoi il est doué, sur la scène d’un music-hall local. Mais son talent l’expose un peu trop et, à son grand dam, il ne tarde pas à être repéré par le propriétaire du club le plus prestigieux de la ville…

L’échec commercial de Lilith n’a nullement émoussé chez le jeune Warren Beatty le désir de sortir des sentiers battus. Ainsi, même si Mickey One, adaptation de la pièce homonyme d’Alan Surgal, que lui propose Arthur Penn, ne l’emballe pas outre mesure (il juge le scénario trop abscons), le petit frère de Shirley MacLaine s’enthousiasme à l’idée de collaborer avec le réalisateur du Gaucher et de Miracle en Alabama (couronné par deux Oscars), qui jouit d’une belle réputation auprès des critiques et de l’intelligentsia hollywoodienne. Arthur Penn, échaudé après son renvoi du tournage du Train (que John Frankenheimer a finalement mis en scène), est en quête de liberté et rejette plus que jamais le système des studios. Le petit budget alloué à Mickey One va lui permettre de concrétiser un projet ambitieux, à la manière des réalisateurs de la Nouvelle Vague française et du néoréalisme italien qu’il admire. Marchant sur les traces de John Cassavetes avec son révolutionnaire Shadows en 1959, Penn délaisse la structure narrative au profit d’une liberté visuelle teintée d’absurde et de surréalisme, et réalise un film jazz (les improvisations sont signées Stan Getz). La paranoïa et le sentiment anxiogène qui émanent de cette métaphore du Maccarthysme sont palpables. Le spectateur est propulsé en plein cauchemar, celui que vit le personnage incarné par Warren Beatty, obsédé par l’idée d’un complot qui se referme sur lui. Filmée en noir et blanc, cette fuite en avant du héros, qui traduit les névroses et angoisses de l’Amérique de l’époque, est une explosion de plans audacieux et d’images somptueuses (la photo est signée Ghislain Cloquet, auquel on doit, entre autres, celles des Demoiselles de Rochefort et de Peau d’Ane). Même si sa prestation, aussi confuse que le film, ne restera pas dans les annales, Beatty (beau à se damner) n’est pas la cause de l’échec du film à sa sortie. Trop expérimental et outré, Mickey One n’est pas parvenu à séduire le public de 1965. Arthur Penn et Warren Beatty se rattraperont deux ans plus tard avec une autre cavale infernale, le fameux Bonnie And Clyde, qui donnera le coup d’envoi du Nouvel Hollywood.
Avec Alexandra Stewart, Hurd Hatfield, Franchot Tone…

warren-beatty-portrait

Test DVD :

Unknown-1

 

 

 

 

 

 

 

Interactivité***
On retrouve le journaliste Peter Biskind qui éclaire sur les motivations de Penn et Beatty, et livre un état des lieux de l’industrie cinématographique hollywoodienne de l’époque (14 minutes). La galerie de photos comprend des photos de tournage intéressantes et des affiches du film. Enfin, surprise ! La bande-annonce d’époque recèle des images inédites.

Image ***
Format : 1.85
La restauration est, là encore, splendide. L’image est propre, lumineuse et contrastée. Les noirs sont profonds à souhait.

Son : **
DD 2.0 Mono d’origine en anglais sous-titré français
Sous-titres français imposés
Une piste dynamique et équilibrée. Les effluves de jazz sont parfaitement mis en valeur.

1936746,q+ZrVJLrDLW7LelyqFH65H0t9AjkjdkniiDdrh4QxO8hEO+_McS2eXtMUVBunzcHPPcc1waWe7CK38XzKHa2_A==

13seit600.1