Certes, Sylvester Stallone n’avait pas vraiment disparu, mais ses deux dernières performances, dans les dispensables Rambo : Last Blood, en 2019, et Le Samaritain, en 2022, n’avaient rien d’enthousiasmant. Le créateur de Rocky et de John Rambo, dont le premier opus, faut-il le rappeler, est un chef-d’œuvre, reste malgré tout l’une des plus attachantes icônes américaines, capable du meilleur comme du pire, un outsider au regard de cocker auquel il est difficile de ne pas succomber. Grâce au plus en vue des scénaristes du moment, il fait un retour en beauté, et on s’en réjouit.
« This is why people break the law : because they make everything legitimate so freaking complicated. » (C’est pour ça que les gens enfreignent la loi : parce que tout ce qui est légal est un vrai casse-tête.)
TULSA KING Saison 1
2022 Série créée par Taylor Sheridan diffusée en France sur Paramount+ depuis le 12 février 2023
Surnommé « le Général », Dwight Manfredi (Sylvester Stallone), capo (parrain) de la mafia new-yorkaise, vient de purger une peine de vingt-cinq ans dans une prison de Pennsylvanie. À sa sortie, cet homme d’honneur, qui a refusé de balancer son boss et ses associés, pouvait s’attendre à un accueil chaleureux de la part des siens. Mais entre-temps, le fils du boss (Domenick Lombardozzi) a pris les commandes, et le respect n’est pas son fort. Pour toute récompense, Dwight est donc envoyé à Tulsa, en Oklahoma, autant dire au milieu de nulle part, avec la tâche d’y développer un empire criminel…
Tulsa King reprend peu ou prou la trame de l’excellente série Lilyhammer (voir ma critique), dans laquelle un parrain new-yorkais — campé par Steven Van Zandt — pris en charge par le programme de protection des témoins, se mettait au vert au fin fond de la Norvège. Le choc des cultures engendrait des scènes désopilantes. Tout cela fonctionne également ici. Le septuagénaire new-yorkais parachuté dans le Midwest va devoir s’acclimater et se lier avec les autochtones pour monter son business. Ni la chirurgie esthétique, ni sa carrure surdimensionnée (des épaules si larges dans des costumes si cintrés…), ni ses expressions monolithiques (une désinvolture qui s’accorde avec ses sourcils froncés et ses moues dubitatives) n’empêchent Stallone d’être impérial dans ce show jubilatoire. L’acteur voulait depuis longtemps jouer un gangster : il s’en donne donc à cœur joie dans la peau de ce personnage anachronique et cousu sur mesure par, entre autres, deux pointures de la télévision. À ma droite : Taylor Sheridan, réalisateur de Wind River, scénariste de Sicario et Comancheria, et déjà créateur des séries plébiscitées Yellowstone et 1923, avec les vétérans Kevin Costner et Harrison Ford. À ma gauche, Terence Winter, rien moins que le scénariste des Sopranos, de Boardwalk Empire ou de Vinyl. Mêlant film de gangster et western, Tulsa King est également portée par une savoureuse brochette de seconds couteaux. Andrea Savage est piquante en agent de l’ATF amoureuse sur les bords ; Martin Starr fait un truculent gérant d’une boutique de CBD ; Jay Will, un jeune chauffeur de taxi et apprenti mafieux aussi fougueux qu’inconscient ; Max Casella est tordant en truand reconverti en éleveur de chevaux, et le beau Garrett Hedlund est plus vrai que nature en propriétaire de saloon et chanteur de country à l’occasion. Flanqué de ces pieds nickelés, Dwight va tenter de faire son trou dans le business du crime local, mais les gangs implantés, le FBI et ses anciens associés vont lui mettre des bâtons dans les roues. Stallone semble se délecter à composer ce personnage sûr de lui, réac, un brin ringard et toujours à deux doigts du ridicule, s’autorisant même des répliques truffées d’autodérision (« On ne m’appelle pas “l’Étalon italien” pour rien » rétorque-t-il à la fille qu’il drague.) On adore l’ambiance un brin loufoque, les dialogues aux petits oignons et le générique dont la musique est signée par le duo Danny Bensi et Saunder Jurriaans, déjà à l’œuvre sur Ozark et Tokyo Vice. Par les temps qui courent, c’est une récréation.
La série a été reconduite pour une saison 2. 9 épisodes d’environ 40 minutes. Et avec Dana Delany, Tatiana Zappardino, Ritchie Coster, Vincent Piazza, Chris Caldovino, Emily Davis…
Qualifier Ryuichi Sakamoto ne peut se faire qu’à grand renfort de superlatifs. Musicien génial, esthète absolu, ce « citoyen du monde » et donc fervent militant écologiste, n’a cessé de nous éblouir depuis qu’on l’a découvert à la fin des années 70, en solo et avec son groupe légendaire Yellow Magic Orchestra, l’un des pionniers, en Asie, de la pop électronique. Pour ce Japonais amoureux de Debussy depuis son plus jeune âge (il est né en 1952), la musique n’a pas de frontières. Explorateur audacieux, il excelle dans l’art de jongler avec les cultures et les styles, de trouver des combinaisons magiques entre l’ancien et le moderne, entre la musique classique, les sonorités ethniques, les chants traditionnels, le jazz, l’electro, la pop, la bossa-nova, la techno… (un de ses chefs-d’œuvre s’intitule d’ailleurs Illustrated Musical Encyclopedia).
Ses concerts sont des enchantements, et ceux qui ont eu la chance d’assister à ceux de la tournée qui a suivi la publication de son album Beauty en 1990, ne s’en sont jamais vraiment remis. Ryuichi Sakamoto s’est également distingué en tant que compositeur de musique de film. D’ailleurs, le grand public le connaît surtout grâce à l’inoubliable thème de Furyo (Merry Christmas Mr. Lawrence), de Nagisa Oshima, dans lequel il y campait également l’officier japonais amoureux transi du soldat anglais incarné par David Bowie. La bande originale du Dernier empereur lui a valu l’Oscar en 1988. Celle d’Un thé au Sahara, un Golden Globe trois ans plus tard.
Quand il n’est pas en train de défendre la cause environnementale (il a notamment été à l’initiative du No Nukes Festival, premier concert antinucléaire organisé en 2012 au Japon, seize mois après la catastrophe de Fukushima), le musicien prolifique, toujours à l’affût, continue à faire montre d’ambition artistique dans des albums avant-garde parmi lesquels cet Out Of Noise de 2009, élaboré à partir de sons enregistrés sous la surface de la Mer arctique. Remis du cancer diagnostiqué en 2014 qui l’avait contraint à suspendre ses activités, Ryuichi Sakamoto a fait un retour remarqué en 2015 en signant avec son complice Alva Noto — alias Carsten Nicolai, jeune musicien conceptuel allemand, créateur de performances sonores, avec lequel il collabore fréquemment — la bande originale de The Revenant, rien de moins que le film événement de l’année. Et comme en plus d’être une légende vivante, Ryuichi Sakamoto est un artiste d’une humilité et d’une gentillesse rares, il m’a fait l’honneur de répondre à quelques questions.
Another Film Another Planet : Aimiez-vous le cinéma d’Alejandro González Iñárritu avant d’accepter de travailler avec lui sur The revenant ? Un film en particulier ?
Ryuichi Sakamoto : Je suis un énorme fan de ses films depuis son premier, Amours chiennes. Je les aime tous et j’ai été réellement bluffé par Birdman.
AFAP : Est-ce le sujet du Revenant — la relation entre l’homme et la nature abordée de manière brutale et radicale — qui vous a particulièrement inspiré, et vous a poussé à accepter le projet ?
RS: J’ai vu le film après avoir donné mon accord pour la musique. Après avoir vu les premiers montages, j’ai estimé que le rôle principal en était la nature. Certes le film soulève un problème humain, mais dans mon esprit, il repose davantage sur la nature.
AFAP : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu la version définitive du film ?
RS: Je ne l’ai vue que plus d’un mois après avoir livré la musique. Ce que j’en pense ? Elle est mixée très fort (rires). Ce qui m’a également relativement surpris, c’est le placement de certains éléments sonores qui, à l’origine n’avaient, pas été composés pour ces moments-là. C’est quelque chose qui arrive fréquemment aux compositeurs de musique de films et parfois de manière encore plus drastique. C’est la raison pour laquelle j’hésite généralement à me rendre aux premières des films sur lesquels j’ai travaillé, c’est un coup à avoir une crise cardiaque !
AFAP : Le réalisateur et les acteurs ont évoqué un tournage difficile, qui virait même parfois au cauchemar. Est-ce que Nicolai et vous avez été également confrontés à des problèmes ? Avez-vous eu toute liberté artistique ou reçu des consignes précises ? Vous avez déclaré dans une récente interview, qu’ Iñárritune souhaitait pas de mélodies, il voulait des « sons » ! N’était-ce pas frustrant pour le mélodiste que vous êtes ou avez-vous été emballé par ce challenge ?
RS : En comparaison avec les acteurs et l’équipe, nos difficultés ont été insignifiantes. Pourtant, composer la musique de ce film est certainement le défi le plus grand, le plus complexe de ma carrière, et également le plus stressant. D’abord, parce que The Revenant faisant plus de deux heures trente, nous avons dû pratiquement livrer autant de musique. De plus, Alejandro, dès le départ, nous a demandé de surimpressionner des couches à bases de sonorités complexes et, effectivement, sans mélodies. Et il n’était pas évident de le satisfaire car il est doté d’une oreille extraordinaire et d’une incroyable mémoire pour les sons et la musique. Il a énormément insisté pour que cette BO ne ressemble à aucune autre, et soit tout sauf conventionnelle. C’était comme s’il nous avait fallu peindre un tableau particulièrement émouvant avec certaines couleurs seulement. C’est à la fois un challenge artistique et abstrait.
AFAP : Grâce à cette partition, vous avez été nommé aux Golden Globes en janvier dernier (tout le monde s’est demandé pourquoi elle n’avait pas été retenue pour les Oscars, avez-vous une réponse à cette question ?) — Quoi qu’il en soit, il semble que cette année était celle d’Ennio Morricone, qui n’avait jamais encore reçu d’Oscar pour une bande originale. Est-il l’un de vos compositeurs de musique de film favori ?
RS : Oui, absolument. J’admire aussi le travail de Maurice Jaubert(pionnier de la musique de films, il a composé, entre autres, celles de L’Atalante, Hôtel du Nord et Drôle de drame NdA), Bernard Herrmann, Alex North(Un tramway nommé désir, Spartacus, Cléopâtre… NdA), Nino Rota, Leonard Rosenman(La fureur de vivre, A l’Est d’Eden… NdA), George Delerue, Antoine Duhamel(La sirène du Mississipi, Domicile conjugal… NdA), François de Roubaix, Edouard Artemev(Solaris, Stalker… NdA), Thomas Newman(Wall-E, Skyfall… NdA), Cliff Martinez(Drive, A l’origine… NdA) et Toru Takemitsu(La femme des dunes, L’empire de la passion, Ran… NdA). Nous n’avons pas été en lice pour les Oscars car l’Académie a probablement estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de musique originale conventionnelle écrite pour le film.
AFAP : Que pensez-vous d’un compositeur comme Alexandre Desplat, omniprésent dans la musique de films aujourd’hui, ce qui aurait peut-être tendance à uniformiser la création dans ce domaine ?
RS: Je ne connais pas bien son travail.
AFAP : Je sais que vous adoreriez travailler avec Jean-Luc Godard. Y a-t-il d’autres réalisateurs qui vous inspirent ?
RS : Il y en a beaucoup que j’admire bien sûr, mais en réalité, dans les films récents que j’ai aimés, la musique n’est pas du tout conventionnelle. Et je trouve qu’ils fonctionnent très bien comme ça.
AFAP : En 2015, vous avez également composé la musique, dans un style plus classique, de Nagasaki, Memories Of My Son, du fameux réalisateur japonais Jôji Yamada. Le cinéma japonais semble dynamique. Les récents Miss Hokusai, de Keiichi Hara, Notre petite sœur, de Hirokazu Kore-eda ou Les délices de Tokyo, de Naomi Kawaze ont obtenu de jolis succès internationaux. Vous qui vivez une grande partie de l’année à New York depuis plusieurs décennies, quel regard portez-vous sur le cinéma japonais moderne ?
RS : Je suis un fan invétéré de Ozu, depuis très longtemps. J’admire aussi Mizoguchi, Naruse, et Kurosawa. Et bien sûr, Oshima est mon héros. Ça peut paraître absurde de comparer le cinéma japonais actuel à ces cinéastes classiques. C’est un peu comme si on comparait les frères Coen à John Ford. C’est peut-être un peu cruel, mais, pour moi, la majorité des films japonais d’aujourd’hui ressemblent de plus en plus à des téléfilms.
AFAP : Quels sont vos prochains projets, en solo ou en collaboration ? Dans la musique de film ou la musique en général ?
RS : Après The Revenant, j’ai achevé une musique pour un film japonais, dont je ne suis pas encore autorisé à donner le titre. Cette année, je vais me consacrer à l’album solo que j’avais entamé en 2014, et dû interrompre lorsqu’on m’a diagnostiqué un cancer.
AFAP : Et enfin, vous avez eu la chance de travailler avec David Bowie sur Furyo (Merry Christmas Mr Laurence), un artiste avec lequel vous aviez beaucoup en commun. Maintenant qu’il est parti, trop tôt, regrettez-vous ne pas avoir travaillé davantage avec lui ?
RS : Nos vies se sont croisées sur le tournage de Furyo et au cours des quelques années qui ont suivi, et puis j’ai perdu le contact alors même que nous vivions dans la même ville. Je m’étais souvent dit que je devrais le contacter pour lui parler. Maintenant je m’en veux de ne pas l’avoir fait, parce que c’était à la fois un génie créatif et quelqu’un de fascinant.
L’équipe de Furyo en 1983 : David Bowie, Jack Thompson, Ryuichi Sakamoto et le réalisateur Nagisa Oshima (Associated Press)
Steven Spielberg revisite son enfance et son adolescence dans cette fable humaniste à la fois intime et universelle. Déclaration d’amour à la famille et au cinéma, le film a fait un four aux États-Unis (comme Babylon), mais a suscité des critiques dithyrambiques en France. Ce n’est peut-être pas le chef-d’œuvre escompté, mais on en sort émerveillé.
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« Movies are dreams that you never forget. »
THE FABELMANS
Steven Spielberg 2002
Dans les salles françaises depuis le 22 février 2023 Golden Globes 2023 du Meilleur film et du Meilleur réalisateur
Le 10 janvier 1952, à Philadelphie, Burt (Paul Dano) et Mitzi (Michelle Williams), les parents du jeune Sam Fabelman (Mateo Zoryon) l’emmènent pour la première fois voir un film au cinéma. Il s’agit de Sous le plus grand chapiteau du monde (The Greatest Show On Earth), de Cecil B. DeMille. L’enfant de six ans, qui appréhende de se retrouver dans une salle obscure, ignore à quel point cet événement va bouleverser sa vie…
« Beaucoup de mes films s’inspirent d’expériences que j’ai vécues. Mais dans The Fabelmans, il ne s’agit plus seulement de métaphores, mais de souvenirs » a déclaré Steven Spielberg en amorce d’une des bandes-annonces de cette autobiographie sur grand écran. L’un des plus importants cinéastes de son temps — cinq de ses œuvres figurent dans la liste de l’American Film Institute des cent meilleurs films américains de l’histoire — revient ici pour la première fois explicitement sur son enfance et son adolescence, et dévoile, dans le même temps, les fondements de son cinéma. Ce projet le taraudait depuis longtemps. Il s’est imposé d’attendre la disparition de ses parents pour s’autoriser à mettre en scène l’histoire intime de sa famille, rebaptisée Fabelman, un nom symbolique pour un récit à valeur de thérapie. Il a écrit le scénario pendant le confinement avec Tony Kushner, auteur de la célèbre pièce Angels In America avec lequel il collabore depuis Munich. Tout commence par une scène grandiose, en quelque sorte la pierre angulaire de l’œuvre du cinéaste. Et puis, on pénètre dans le quotidien de la famille Fabelman. On découvre que si le père est un génie de l’informatique, un geek avant l’heure, c’est la mère qui vampirise le clan. John Cassavetes ferait dire d’elle à Peter Falk qu’elle est « spéciale ». Car Mitzi a beaucoup de points communs avec la Mabel campée par Gena Rowlands dans Une femme sous influence. Artiste contrainte d’abandonner une carrière de concertiste pour devenir femme au foyer et s’occuper de ses quatre enfants (lot de beaucoup de ses congénères à l’époque), elle évacue ses frustrations par un comportement fantasque qui confine à l’hystérie. Contrairement à son scientifique d’époux, Mitzi sera pourtant le soutien indéfectible de son fils et son premier public, celle qui, contre vents et marées, encouragera sa vocation de cinéaste et lui offrira sa première caméra. Certains ont reproché à Spielberg de faire ici l’autocélébration de sa vie (il y a effectivement des longueurs dans la première partie dédiée aux atermoiements de cette famille juive volubile), mais contre toute attente, le réalisateur n’est pas toujours tendre dans son évocation. Il n’élude pas les aspects les plus embarrassants de cette figure fantasque (également inspirée par la mère de Tony Kuschner). Elle est campée par Michelle Williams, ex-vilain petit canard de la série Dawson devenue actrice qui compte. Enlaidie pour le rôle faute à une coupe de cheveux ingrate, la comédienne ne lésine pas sur le côté exalté du personnage ni sur sa propension à susciter le malaise. Il est aisé de comprendre pourquoi le jeune Sam se réfugie dans l’imaginaire… Le cinéma est le moyen d’exorciser ses angoisses face à une situation familiale souvent explosive. L’émerveillement lorsqu’il découvre les classiques du 7ème art va de pair avec son envie de réinventer le monde, comme une façon de contrôler ce qui lui échappe dans le réel. C’est peut-être ce qu’il y a de plus beau dans The Fabelmans : le regard de l’enfant qui projette son film au creux de ses mains, puis de l’adolescent qui scrute la pellicule avec sa loupe, son travail méticuleux sur la table de montage, ou encore l’incrédulité lorsqu’il découvre, dans une scène façon Blow Up, l’infidélité de sa mère, à l’arrière-plan d’un film de pique-nique familial. Les dents de la mer, E. T.,Il faut sauver le soldat Ryan… tout est déjà là, dans les films amateurs de Sam. Le jeune Gabriel LaBelle est bouleversant dans la peau de cet adolescent sage, mais à l’imagination débordante, dévasté par la séparation de ses parents. À ses côtés, Paul Dano est touchant en père introverti et dépassé, incapable de comprendre sa femme et ses enfants qu’il déracine au gré de ses affectations — la famille se déplace ainsi du New Jersey en Arizona jusqu’en Californie, traçant sans le savoir la trajectoire de Sam/Steven vers Hollywood. En ami du clan, Seth Rogen est formidable, à l’instar de tous les jeunes interprètes. Force est de constater qu’à l’heure de Everything Everywhere All At Once, The Fabelmans détonne par son parti pris rétro (les fidèles John Williams et Janusz Kaminski sont respectivement à la musique et la photo). Spielberg ne sacrifie rien de son univers. Il est passé à côté de la révolution pop-rock de son époque et il l’assume. Sur la plage californienne, on n’entend pas les Beach Boys, mais James Darren, et à l’université, on chante plutôt du Burt Bacharach (la sublime « Walk On By »). Le film n’est pas exempt de défauts, mais la scène finale, tirée d’une anecdote vraie, emporte tout sur son passage. 2 h 31 Et avec Judd Hirsh, Jeannie Berlin, Keeley Karsten, Julia Butters, Chloe East, Isabelle Kusman, Sam Rechner, Oakes Fegley, David Lynch…