LAURA ANTONELLI N’EXISTE PLUS

Ce n’est pas un scoop, L’Équipe a longtemps été l’un des journaux les mieux écrits de France. Il ne s’agit pas seulement pour ces rédacteurs de décrire le beau geste ou la liesse des supporters. Ce métier nécessite une connaissance aiguë de la nature humaine. Le sport est un mélange de passion, de discipline, de dépassement de soi, de courage mais aussi de douleur et d’amertume. Il y a du romantisme là-dedans. Tout comme son aîné feu Antoine Blondin, et son collègue Vincent Duluc — spécialiste du foot qui vient de publier une biographie romancée de Carole Lombard et Clark Gable, Philippe Brunel, était, jusqu’à l’été 2020, une plume de L’Équipe. Il a quitté le journal après quatre décennies de bons et loyaux services consacrées à ennoblir le cyclisme, sa passion. L’homme sait raconter les histoires, qui, souvent, finissent mal. Il a signé les essais Vie et mort de Marco Pantani (Grasset, 2009) et Rouler plus vite que la mort (Grasset, 2018). Côté romans, on lui doit déjà La nuit de San Remo (Grasset, 2012), qui revenait sur le suicide présumé du jeune Luigi Tenco, beau chanteur italien et amant de Dalida, retrouvé mystérieusement mort d’une balle dans la tête dans sa chambre d’hôtel en 1967, lors du festival de San Remo. Avec Laura Antonelli n’existe plus, Philippe Brunel explore à nouveau un mythe de l’Italie, sa seconde patrie, et rend un hommage poétique à celle qui fut un sex-symbol des seventies, et dont la destinée fut aussi cruelle que tragique.

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Passion d’amour (Passione D’Amore) d’Ettore Scola (1981)

« On n’est jamais à l’abri de rater sa vie. L’abîme est toujours proche. Un jour, tout se désagrège, s’anéantit dans le vide sans qu’on n’y puisse rien. »

 

 

LAURA ANTONELLI N’EXISTE PLUS

Roman de Philippe Brunel
Publié chez Grasset le 3 février 2021

 

À la suite du coup de fil énigmatique d’un producteur, le narrateur embarque pour Rome investi d’une obscure mission : retrouver Laura Antonelli, l’actrice solaire, oubliée, dont Visconti disait qu’elle était « la plus belle femme du monde »…

Il Maestro, qui lui avait offert en 1976 sont plus beau rôle, dans L’Innocent, disait aussi qu’elle avait « un visage d’ange sur un corps de pécheresse ». Et cela pour son malheur. L’un des films dans lesquels elle a tourné, signé Luigi Comencini, s’intitule Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? Un titre prémonitoire… Laura Antonelli était née Laura Antonaz en 1941 à Pola, en Istrie alors italienne, (aujourd’hui croate). Sa famille, comme bon nombre de familles italiennes d’Istrie après la Seconde Guerre mondiale, est condamnée à l’exil. En 1962, après des études supérieures à Naples et avec un diplôme de professeur d’éducation physique en poche, Laura s’installe à Rome. Elle passe moins de temps à enseigner qu’à tourner des spots publicitaires qui vont bientôt attirer l’attention des producteurs de cinéma. Son nom d’actrice apparaît pour la première fois, en 1964, au générique de L’espion qui venait du surgelé, de Mario Bava. Ce sera la première d’une longue série de ce que Philippe Brunel décrit comme « des comédies osées, frivoles, des pochades sans prétention ». Car la puissance érotique qui émane de ses courbes et postures va faire de Laura Antonelli un sex-symbol, un fantasme, et lui valoir le surnom de « la Bardot italienne. »

Divine créature, de Giuseppe Patroni Griffi (1975)

« Laura n’a pas la splendeur sculpturale d’Anita Ekberg, la déesse païenne, phosphorescente de la Dolce Vita, ni les pâleurs diaphanes d’une Monica Vitti insatisfaite, existentialisée par Antonioni, mais elle incarnait quelque chose de plus rare, la femme du peuple « pasta e fagioli » accessible et désirable, à la beauté embarrassante, qui vous remuait les sangs. »

 

Malicia (Malizia)

 

En 1973, Malicia, de Salvatore Samperi, va même l’ériger en icône du cinéma érotique. Elle y campe une domestique fraîchement engagée par un veuf, et dont la sensualité ne tarde pas à mettre en émoi toute la maisonnée, dont un adolescent de quatorze ans. Le succès, phénoménal, va aussi cantonner la comédienne, excellente au demeurant, à ce genre de rôle. Rares sont les films qui en réchappent. On retient surtout Les mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau qu’elle tourne en 1971 aux côtés de Marlène Jobert et Jean-Paul Belmondo (qui sera son compagnon durant huit ans), Sans Mobile apparent de Philippe Labro, L’innocent, et Passion d’amour d’Ettore Scola. Après avoir connu l’ivresse de la gloire durant la décennie 70, Laura Antonelli va peu à peu basculer du côté obscur au cours de la suivante. La chute sera inexorable.

Les mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau (1971)

Avec Jean-Paul Belmondo au Festival de Cannes en 1974

L’innocent (L’innocente) de Luchino Visconti (1976)

Péché véniel (Peccato Veniale) de Salvatore Samperi (1974)

 « La mélancolie, c’est comme une maladie, on ne s’en débarrasse jamais… »

En 1991, elle est arrêtée pour possession de cocaïne et fait la une de la presse à scandale. Cette exposition malsaine lui vaut d’être sollicitée pour reprendre son rôle de soubrette dans le piètre remake de Malicia, Malicia 2000, paresseusement réalisé par le même Salvatore Samperi. Sur le tournage, des injections de collagène destinées à atténuer ses rides vont lui provoquer une allergie si sévère qu’elle sera quasiment défigurée. Laura Antonelli, fragile, mal entourée, va dès lors entamer une lente descente aux enfers. Elle s’isole, se débarrasse de tous ses biens matériels et se tourne vers la religion. Jusqu’à sa mort, survenue en 2015 (à soixante-treize ans), elle vivra en ermite, méconnaissable, dans un modeste deux-pièces de Ladispoli, ville côtière à quarante kilomètres de Rome.

Voyage en Italie

Au moment où Philippe Brunel écrit le livre, Laura Antonelli est encore de ce monde. Au dernier journaliste qui avait souhaité la rencontrer elle avait répondu : « Laissez-moi. Laura Antonelli n’existe plus. » Le récit de cette quête fiévreuse transporte dans une Italie écrasée de soleil, des plages de Maccarese à Ladispoli en passant par la villa de Cerveteri, autrefois demeure de l’actrice et de tous les scandales. Les quartiers de Rome n’ont pas de secrets pour l’auteur. On y croise les fantômes de Luchino Visconti, Danilo Donati, Pier Paolo Pasolini, Alida Valli, Anna Magnani, mais aussi des amis de Laura Antonelli, tel Marco Risi, fils de Dino, ou l’acteur Lino Banfi. Toutes ces rencontres, ces rendez-vous dans des lieux insolites parfois, finissent par lever le voile sur le mystère Laura Antonelli. À l’expérience de journaliste viennent se mêler les souvenirs de jeunesse. La plume à la fois alerte et poétique de Philippe Brunel bouleverse et tient le lecteur en haleine. Jusqu’à la fin, le suspense est total.

 

« Je n’ai toujours pas résolu ce qui m’attirait dans cette histoire, au-delà de cette fascination qu’on éprouve devant l’absurdité de notre présence au monde… »

Laura Antonelli

IT’S A SIN, la mini-série

La nouvelle mini-série choc du créateur de Years And Years et Queer As Folk se penche sur l’arrivée de l’épidémie du Sida en Angleterre. Cinq épisodes intenses, lumineux et bouleversants pour rendre hommage à toute une génération fauchée en pleine jeunesse et mise au ban de la société avec une cruauté inouïe.

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« When I look back upon my life
It’s always with a sense of shame
I’ve always been the one to blame… »
(Pet Shop Boys « It’s A Sin »)

 

IT’S A SIN

Mini-série britannique créée par Russell T. Davies
Diffusée pour la première fois sur Channel 4 en janvier 2021, disponible en France depuis mars 2021 sur Canal+

En 1981, Ritchie Tozer (Olly Alexander) quitte la maison familiale sur l’île de Wight pour aller étudier le droit à Londres, mais aspire, en secret, à devenir acteur. Roscoe Babatunde (Omari Douglas) s’échappe de justesse de chez lui, avant que son père, pasteur Nigérian rigoriste, effaré par les mœurs de son rejeton, ne le mette dans un avion pour aller se purifier au pays. Pendant ce temps, le doux Colin (Callum Scott Howells) débarque de son Pays de Galles dans la capitale britannique où il a été embauché comme apprenti chez un tailleur de Saville Row. Tous les trois vont se retrouver à cohabiter dans le même appartement, qui abrite également le bel étudiant Ash Mukherjee (Nathaniel Curtis) et Jill Baxter (Lydia West), aspirante comédienne. Déterminés à croquer la vie à pleines dents, après des années passées à refouler leur inclination, les garçons vont découvrir ensemble les joies de la liberté. Mais la rumeur, venue des États-Unis, de l’existence d’une maladie inconnue et mortelle qui ciblerait les gays, va bientôt jeter une ombre sur leur belle insouciance…

Longtemps, le scénariste Russell T. Davies, créateur du premier gay drama anglais (Queer As Folk) s’est défendu d’évoquer l’homosexualité à travers le prisme du sida. Il aura fallu trente ans pour qu’il parvienne à aborder de front la décennie tragique qu’il a traversé avec plus de chance que d’autres de ses amis, partis trop jeunes. Dans une récente interview au Guardian, il a même révélé s’être senti coupable d’avoir parfois détourné le regard et fui des proches, homosexuels comme lui, mais touchés par la maladie. It’s A Sin, qui emprunte son titre au splendide tube de Pet Shop Boys paru en 1987, est un hommage à ceux qui ont été emportés dans la tourmente, mais aussi à ceux qui leur ont tendu la main, comme le personnage de Jill Baxter, totalement autobiographique (l’auteur a offert à son amie, la vraie Jill, le rôle de la mère de cette dernière dans le show). Pilier du Pink Paradise, surnom de l’appartement de la bande, Jill — sa formidable interprète, Lydia West, figurait déjà au générique de Years And Years — est une figure solaire et humaniste, autant la bonne copine que l’infirmière, celle qui console et comprend tout des drames de ces garçons, pour la plupart rejetés par leur famille. Avec délicatesse et habileté, le scénariste a brossé des portraits intimes et attachants de ces jeunes aux aspirations différentes, formant une famille de cœur aux liens indestructibles. Ils sont campés par une brochette de jeunes comédiens fougueux, emmenés par Olly Alexander, chanteur du groupe pop Years & Years. La flamboyance des moments de bonheur contraste avec la noirceur du désastre qui s’annonce. Ni la sensiblerie, ni le pathos ne sont l’apanage de Russell T. Davies qui nuance toujours ses propos. Ainsi, les réactions des protagonistes face à l’épidémie qui se profile ne sont pas toutes héroïques. Les personnages pèchent parfois par ignorance, mais parfois par orgueil et égoïsme. De manière tout aussi implacable, It’s A Sin met en exergue la stigmatisation dont la population homosexuelle a été victime et la cruauté des traitements dont les institutions et la société thatchérienne de l’époque, très largement homophobe, ont fait preuve envers les malades (parfois enfermés de force dans leur chambre d’hôpital par peur de la contagion). La violence de certains propos (dans le cercle familial notamment) amenait certains gays à penser que le Sida était véritablement une punition divine de leur mode de vie hédoniste. Mais la série ne saurait être réduite à la tragédie. Remarquablement mise en scène, boostée par les tubes d’époque, de « Enola Gay » à « Call Me » en passant par « Sweet Dreams (Are Made Of This) » ou « Smalltown Boy » (la chanson de Pet Shop Boys est subtilement effleurée), cette reconstitution magnifique déborde d’humour et d’ironie. À la manière de ses héros qui refusent de baisser les bras et de n’être que des victimes, It’s A Sin est avant tout une ode à la vie, à l’amour et à l’ouverture d’esprit. Dans la série, tout cela est symbolisé par le talisman magique des locataires du Pink Paradise. Il consiste en un tout petit mot : « La ! »
5 épisodes de 45 minutes Et avec Keeley Hawes, Neil Patrick Harris, Stephen Fry, David Carlyle, Susan Brown, Shaun Dooley…

ARTICLE CONNEXE : YEARS AND YEARS

THE CROWN, LE VRAI DU FAUX

Tandis que dans la vie réelle, le Megxit fait les choux gras des médias, la quatrième saison The Crown a raflé quatre trophées aux derniers Golden Globes. Autant dire qu’en dépit des aigreurs de ses enfants rebelles, la famille royale n’a jamais été aussi populaire. Retour sur cette série remarquable, qui retrace plus ou moins librement la vie de Elizabeth II, ponctuée par tous les grands événements qui ont secoué le Royaume Uni au siècle dernier.

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« For better or worse, the crown has landed on my head. And I say, we go ! »

 

THE CROWN

Série Netflix créée par Peter Morgan en 2016
Quatre saisons de 10 épisodes d’environ 55 minutes (deux saisons à venir)

En 1947 à Londres, Elizabeth (Claire Foy), fille aînée du roi George VI (Jared Harris), a vingt et un an et s’apprête à épouser Philip (Matt Smith), prince de Grèce et du Danemark, dont elle est très amoureuse. Ce dernier, dont la réputation de fêtard est notoire, est dans l’obligation de se faire naturaliser sujet britannique. Il abandonne aussi ses titres pour devenir Philip Mountbatten (nom de jeune fille de sa mère). Le roi consent bon gré mal gré à cette union, mais il est malade, et commence déjà à préparer Elizabeth, héritière légitime du trône, à prendre sa succession…

Tout incongru qu’il puisse paraître, l’attachement des Britanniques à leur monarchie est inoxydable. Symbole au charme désuet, la reine est dotée de pouvoirs institutionnels, mais aussi de réels pouvoirs politiques, dont elle n’abuse jamais. Garante des institutions, des traditions et de la stabilité du Royaume-Uni et très au fait des affaires du pays, Elizabeth II préfère œuvrer en coulisse, en prodiguant conseils et mises en garde. En public, en revanche, elle a fait sienne la devise de son aïeule Victoria : « Never complain, never explain » (« ne pas se plaindre, ne pas expliquer ») — ce qui n’est visiblement pas le cas de ses descendants… Pour comprendre les motivations de la souveraine et celles de sa famille, le commun des mortels devait jusqu’ici se contenter de décrypter les sourires de façade des photos officielles et les rumeurs propagées par les tabloïds. C’est pourquoi The Crown déchaîne les passions. Grâce à la série, on a l’impression d’être une petite souris qui se serait introduite dans le palais. Alors certes, tout aussi remarquable qu’il puisse être, ce portrait intime de la reine et des membres de sa famille n’est pas infaillible, et le show s’écarte parfois du factuel. The Crown n’est pas un documentaire. La réalité nourrit une fiction qui se veut romanesque et palpitante. Et c’est le cas. Son créateur, Peter Morgan, est un spécialiste du genre. On lui doit les scénarios de The Queen, Le dernier roi d’Écosse, Deux sœurs pour un roi ou Frost/Nixon, l’heure de vérité… Certains dialogues ont été purement imaginés, des raccourcis ont été empruntés, mais tout cela reste plausible. Corentin Lamy, Joffrey Ricome et Pierre Trouvé, dans leur récent ouvrage fort enrichissant The Crown, le vrai du faux (publié chez Gründ) ont décrypté chaque épisode des trois premières saisons. Ils ont confronté la série à des archives historiques écrites, photographiques et filmées. Leur constat :

« Les arrangements avec l’Histoire, les manipulations de la chronologie et même des contre-vérités sont réguliers dans The Crown. »

Mais ils écrivent aussi :

« Nous avons dû convenir qu’à bien des égards, la série, truffée de détails plus vrais que nature et de clins d’œil pour les connaisseurs, arrive à dépeindre, si on accepte de prendre de la hauteur, des tableaux très justes de ses personnages. »

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : s’éloigner un peu pour approcher au plus près de ces figures énigmatiques et donner un sens à ce qui pourrait apparaître comme absurde. Quoi qu’elle en pense, la reine sort grandie de cette série (sauf en ce qui concerne ses rapports avec Diana, où sa froideur légendaire tend à la cruauté). Le show la montre assumant avec une dignité à toute épreuve le poids de la couronne, tenant à bout de bras une famille pétrie de névroses et de griefs. Sont mis en exergue son intelligence, son humour pince-sans-rire, son humanité et sa combativité. À ce titre les échanges avec Winston Churchill et Maggie Thatcher sont un régal, et ce n’est pas un hasard si ces scènes figurent parmi les plus réussies. La première inspiration de Peter Morgan est en effet la pièce à succès qu’il avait écrite en 2013, The Audience, dans laquelle il mettait en scène les entretiens hebdomadaires entre la reine (incarnée dans la production originale par Helen Mirren) et ses Premiers ministres successifs. On sait gré à Morgan et son équipe de ne jamais sombrer dans le manichéisme. Ainsi, Margaret, personnage préféré de beaucoup de fans de The Crown et brillamment campée par Vanessa Kirby puis Helena Bonham Carter, suscite une empathie immédiate. Mais elle est autant dépeinte comme une victime (d’un amour et d’un destin contrariés) que comme une enfant gâtée constamment insatisfaite.

 

Reconstitution flamboyante

 
On apprend une foule de choses sur l’histoire du Royaume-Uni et les secrets de la Couronne, et visuellement, la série impressionne. La reconstitution est flamboyante. On est constamment ébloui par les décors, les costumes (la robe du mariage de Elizabeth II a été reproduite avec un soin méticuleux), les chansons d’époque qui soulignent les changements de décennies (les standards du jazz cèdent la place à David Bowie, The Cure, Elton John…), mais aussi par les décors naturels (les séquences en Écosse donnent envie d’acheter un billet d’avion illico). La distribution est un sans-faute qui rappelle que l’Angleterre et l’Irlande sont un vivier d’acteurs extraordinaire (on reconnaît au fil des quatre dernières saisons Jeremy Northam, Matthew Goode, Matt Smith, Tobias Menzies, Ben Miles, Greg Wise, Charles Dance, Colin Morgan, Tom Burke, Derek Jacobi, Stephen Dillane, Harry Treadaway — frère jumeau de Luke — Pip Torrens…). OK ! John Lithgow, l’interprète de Winston Churchill, est américain, mais on lui pardonne tant il est bon. Quant à la reine, elle brille grâce à ses deux interprètes surdouées : Claire Foy puis l’oscarisée Olivia Colman qui excellent toutes deux à restituer la fameuse « retenue » de la souveraine. Dans son livre
L’Angleterre en séries (First Editions), Ioanis Deroide rapporte qu’Olivia Colman a changé d’opinion sur la reine depuis qu’elle l’a incarnée, et la considère même désormais comme « la féministe ultime ».

 

La BBC en question

Les aficionados de séries anglaises ont pu légitimement se demander pourquoi un tel programme avait atterri sur Netflix et non pas sur la vénérable BBC, un temps intéressée ? Le producteur exécutif Andy Harries s’en est expliqué dans une interview parue dans le magazine britannique Radio Times. Il s’avère que non seulement le budget (faramineux) aurait posé problème, mais la proximité entre la chaîne historique anglaise et le palais de Buckingham aurait peut-être fait obstacle à certains passages « sensibles » (les épisodes concernant la Princesse Diana notamment). Avec Netflix, pas de censure et donc davantage de liberté de création.

 

Le prestige de la Couronne

Nul doute que la série fera date. Depuis sa création en 2016, elle croule sous les récompenses (dix Emmy Awards, sept Golden Globes…). Le 28 février dernier, les impressionnants Josh O’Connor (le jeune prince Charles), Emma Corrin (Diana) et Gillian Anderson (Margaret Thatcher) et ont été couronnés pour leurs performances respectives dans la saison 4 et la série raflait pour la deuxième fois le Golden Globe de la Meilleure série dramatique.

 

La suite

The Crown devrait revenir pour deux saisons (couvrant les décennies 1990-2000 et 2000-2010) et ne devrait donc pas arrêter de surprendre. La cinquième, annoncée pour 2022, verra l’arrivée d’Imelda Staunton dans le rôle de la reine, et de Lesley Manville dans celui de Margaret. Le duc d’Édimbourg sera campé par Jonathan Pryce et la princesse Diana par Elizabeth Debicki. En attendant, les fans peuvent se plonger dans les deux ouvrages précités riches d’enseignements, des outils idéaux pour distinguer le vrai du faux.

 

Top 5

Chaque épisode de The Crown étant presque un film à part entière, voici mes cinq préférés jusqu’ici :

1 – Aberfan, réalisé par Benjamin Caron (Saison 3, épisode 3), qui retrace de manière bouleversante la catastrophe survenue au Pays de Galles en 1966. L’échange entre le Premier Ministre de l’époque, Harold Wilson (Jason Watkins), et la reine, accusée par l’opinion de manquer de compassion, est remarquable.

 

2 – Tywysog Cymru, réalisé par Christian Schwochow (saison 3, épisode 6), se penche sur le séjour forcé du Prince Charles à Aberystwyth, au Pays de Galles, où il est très fraîchement accueilli avant de se lier d’amitié avec son tuteur, campé par l’excellent Mark Lewis Jones, natif du cru.

 

3 – Assassins, réalisé par Benjamin Caron (saison 1, épisode 9), pour la performance de John Lithgow, impérial en Winston Churchill qui se fait peindre le portrait et n’apprécie guère ce qu’il voit.

 

4 – Act of God, réalisé par Julian Jarrold (saison 1, épisode 4), pour la reconstitution très impressionnante de ce qu’on a appelé « Le grand smog de Londres » en décembre 1952.

 

5 – War, réalisé par Jessica Hobs (saison 4, épisode 10), la dernière confrontation entre Maggie Thatcher et la reine est truculente. De leur côté, Diana et Charles tombent les masques, ce qui vaut de belles performances de la part d’Emma Corrin et Josh O’Connor.