Qu’on l’ait loupé en vrai ou pas, il faut se ruer sur le DVD de Thomas VDB, disponible chez M6 Vidéo depuis le 6 novembre dernier. Tombant pile-poil pour Noël, Bon chienchien est bien plus qu’un cadeau, c’est un service à rendre aux potes. On le dit tout de bon : depuis 2017, c’est le spectacle d’humour de l’année !
« Ce n’est pas que je n’aime pas le sport… enfin si, je n’aime pas le sport… mais j’ai un problème psychologique avec le fait que les gens puissent me voir faire du sport. »
Mis en scène par Kader Aoun Spectacle enregistré à la Cigale en décembre 2018 DVD disponible depuis le 6 novembre 2019 chez M6 Vidéo En tournée jusqu’au 21 décembre 2019
Pas de danger que ses blagues aient été piquées à ses confrères américains. Tout sent le vécu. Ne pas s’attendre à de la satire politique, à des exposés sur le vivre ensemble, l’écologie, le mouvement #MeToo, les Gilets Jaunes… Non pas que Thomas VDB s’en moque comme de l’an quarante, mais en tout cas on ne trouvera rien de tout ça dans ce Bon chienchien qui fait autant référence à sa coiffure ébouriffée qu’à son amour indéfectible pour la race canine (« Je suis vraiment le copain des chiens, j’adore les chiens, j’ai un truc avec eux, et dès que je vois un chien dans la vie, il y a une question que je n’arrête pas de me poser, c’est : “c’est qui le pépère ?” ». Pour autant, en dépit de ce titre ubuesque, le spectacle ne repose en aucune façon sur les chiens. Thomas Vanderberghe (de son vrai nom) livre ses réflexions de jeune quadragénaire, papa récent et mélomane depuis toujours. Lui, qui a œuvré durant sept ans dans la presse musicale (son show précédent, Thomas VDB chante Daft Punk, était à se tordre de loufoquerie), avoue désormais s’ennuyer pendant les concerts. « Quand je commence à compter le nombre de projecteurs, il est temps que je m’en aille ! » Il ne comprend pas non plus cette mode qui consiste à mettre des DJ partout et surtout là où ils n’ont rien à y faire, et n’apprécie pas le vin sans sulfites (« Je ne sais pas si certains parmi vous ont déjà goûté un vin sans sulfites, parce que ça m’a donné à penser une chose : ce qu’on aime habituellement dans le vin, c’est les sulfites. ») Il se dit fou de culture (« Je suis un fou de lire »), mais surtout d’achat d’ouvrages qu’il ne lit jamais parce que son temps libre est surtout consacré à visionner des vidéos rigolotes (à base de chiens…) sur Internet. Les absurdités du monde moderne, celui des bobos en particulier, l’interpellent, et il livre avec force détails désopilants ses astuces pour prendre en défaut les internautes malveillants ou simplement lourdingues. Bref, on retrouve le personnage d’hurluberlu du tandem irrésistible qu’il formait avec Mathieu Madénian dans AcTualiTy sur France 2 et qui lui vaut, depuis 2017, une belle notoriété. C’est fatal : dès qu’il déboule sur scène, on rit. Son air d’être tombé de son lit, sa gestuelle de fou furieux, son phrasé bredouillant et ses petites expressions désuètes (« autant que faire se peut »…) sont hilarants. Thomas VDB, c’est le copain qu’on voudrait tous avoir, drôle, un peu branque, flemmard, espiègle et immensément attachant.
Dans le générique de fin de ce spectacle, Mathieu Madénian est, pour entre autres choses, remercié pour son accent rigolo et son amitié.
Sont également remerciés les disques de Sparks, Queen, Nada Surf, Spoon, des Walkmen, New Pornographers et de Weezer…
Le DVD, de belle facture, ne propose pas de suppléments, mais le spectacle, de 80 minutes, est introduit par un sketch inédit et plutôt amusant.
En ces temps moroses, hors de question de bouder la sortie, en DVD/Blu-ray, de ces deux feel-good movies venus d’Albion, qui quoi qu’on en dise, n’est pas toujours perfide. Yesterday,de Danny Boyle, est l’histoire d’un jeune musicien seul au monde à connaître les Beatles, et Wild Rose, de Tom Harper, porté par l’incandescente Jessie Buckley (une révélation), narre les tribulations d’une jeune mère de famille de la banlieue de Glasgow qui se rêve en Dolly Parton.
« Miracles happen all the time ! – Like what ? – Benedict Cumberbatch becoming a sex symbol ! »
YESTERDAY
Danny Boyle 2019
Dans les salles françaises en juillet 2019
Disponible en Blu-ray, Ultra-HD 4K + Blu-ray et DVD chez Universal depuis le 13 novembre 2019
Dans une petite ville côtière du Suffolk, Jack Malik (Himesh Patel) est un auteur-compositeur et musicien sans succès. Ses chansons ne séduisent que ses indéfectibles copains dont Ellie (Lily James), sa meilleure amie et manager. Une nuit, alors qu’il rentre chez lui à vélo après une déconvenue de plus, Jack percute un bus qu’il n’avait pas vu venir, à cause d’une étrange panne d’électricité. Le lendemain, il va découvrir en chantant « Yesterday » à ses amis qu’il est le seul à connaître les Beatles. Même sur Internet, il n’y a plus aucune trace de leur existence…
C’est le scénariste et producteur Jack Barth (The Fabulous Picture Show) qui a soufflé à Richard Curtis, auteur, entre autres, de Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill et réalisateur du joyau Love Actually, cette idée folle : rendre hommage à la musique des Beatles dans un monde où le groupe n’aurait pas existé. Leur compatriote Danny Boyle (Transpotting, Slumdog Millionnaire…) à qui Curtis a envoyé le scénario, a immédiatement été emballé. De cette équipe de choc, on attendait monts et merveilles, d’autant que, une fois n’est pas coutume, Paul McCartney et Ringo Starr avaient donné leur accord. Le résultat, hélas, n’est pas tout à fait à la hauteur, même si Yesterday a « ses moments ». Le parti pris de confier le rôle principal à Himesh Patel, choisi pour ses qualités de musicien (il joue et chante vraiment les chansons) est assez dommageable. Peu charismatique et acteur plutôt limité, il ne fait pas le poids face à la talentueuse Lily James. Les atermoiements de cet artiste qui vit mal l’imposture de devenir célèbre grâce à un talent qui n’est pas le sien, tout comme l’histoire sentimentale, à la fois cliché et invraisemblable, plombent ce long-métrage qui passe un peu à côté de sa bonne idée de départ (contrairement au film français Jean-Philippe, de Laurent Tuel). Reste de chouettes trouvailles : Ed Sheeran (dans son propre rôle) le copain star sympa qui veut changer « Hey Jude » en « Hey Dude » ; la difficulté pour Jack de retrouver de mémoire les paroles d’« Eleanor Rigby » ou le fait qu’Oasis n’existe pas non plus, forcément… On aime que la plus grande partie des scènes soit filmée dans les décors naturels des petites villes côtières bourrées de charme du Suffolk et du Norfolk. Et puis bien sûr, il y a cette séquence, magique, dans laquelle le héros chante et joue « Yesterday » pour la première fois à ses amis, et eux de chavirer instantanément. 1 h 56 Et avec Joel Fry, Kate McKinnon, Alexander Arnold, Sophia Di Martino, Ellise Chappell…
Test Blu-ray :
Interactivité *** Dans le commentaire audio – truffé d’anecdotes – de Richard Curtis et Danny Boyle, on apprend, entre autres, que le rôle tenu par Ed Sheeran avait été proposé à Chris Martin, qui l’a refusé (en arguant du fait qu’il est très mauvais acteur). Mais d’après Richard Curtis, Ed Sheeran, qui a grandi dans le Suffolk et est toujours prêt pour l’autodérision, était l’interprète parfait. Au menu de ces bonus, on trouve également une fin et une ouverture alternatives, une douzaine de scènes coupées amusantes, un bêtisier, des featurettes sur les coulisses du tournage, dont un éclairage sur l’enregistrement des chansons interprétées par Himesh Patel, aux studios Abbey Road…évidemment.
Image **** Format : 2.35 Un piqué sensationnel, des couleurs vibrantes, un sans-faute !
Son **** Dolby TrueHD 7.1et DTS-HD Master Audio 2.0 en anglais
DD 5.1 en français et espagnol
Nombreux sous-titres non imposés Pure et sensible, la piste TrueHD sied idéalement au film. Les passages musicaux comme les bruits d’ambiance exploitent parfaitement toutes les enceintes. Que les adeptes de versions doublées se rassurent, la piste DD 5.1 est très efficace.
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« Nobody wants to see a convicted criminal up there ! – Johnny Cash was a convicted criminal you ball bag ! »
WILD ROSE
Tom Harper 2018
Dans les salles françaises en juillet 2019
Disponible en Blu-ray et DVD chez M6 Vidéo depuis le 17 novembre
A Glasgow, la jeune Rose-Lynn (Jessie Buckley) sort de prison après y avoir passé un an pour une affaire de drogue. Dans une triste banlieue de la ville, elle retrouve ses deux enfants dont sa mère (Julie Walters) s’est occupée en son absence. Mais au grand dam de cette dernière qui aimerait que sa fille soit plus responsable et moins égoïste, la jeune femme n’a qu’une idée en tête, qui l’obsède depuis toujours : quitter Glasgow pour devenir chanteuse de country à Nashville….
« Oubliez A star Is Born et Lady Gaga ! La vraie star, c’est elle » clame la bande-annonce du film, tant la performance de Jessie Buckley a ébloui les critiques outre-Manche et outre-Atlantique. Wild Rose est peut-être passé inaperçu en France, mais il a fait un tabac chez les Anglo-Saxons. Il faut reconnaître qu’avec ses bottes de cow-girl, sa minijupe et son franc-parler typiquement écossais, Rose-Lynn suscite une sympathie immédiate. En dépit de ses choix souvent malheureux, cette mère indigne et immature conserve ce capital auprès du spectateur, car, en bonne tête brûlée, elle possède un courage et une détermination à toute épreuve. Excellente actrice, qu’on a pu apprécier dans les séries Tchernobyl, Taboo ou le film Jersey Affair, l’Irlandaise Jessie Buckley est aussi une remarquable chanteuse (elle avait terminé deuxième au concours de l’émission de la BBC I’d Do Anything en 2008). Elle habite littéralement toutes les chansons, reprises de standards ou titres originaux (la BO a également fait un carton). En s’inspirant de sa propre passion pour la country, la scénariste Nicole Taylor (Journal intime d’une call-girl, The Hour, Indian Summers), originaire de Glasgow, a donné à cette fable mise en scène par le jeune réalisateur de télévision Tom Harper, un caractère formidablement authentique. Elle a d’ailleurs coécrit plusieurs chansons avec Jessie Buckley, mises en musique par Ian W. Brown et Simon Johnson. Mais s’il est beaucoup question de country dans le film (on apprend au passage que le genre est très populaire à Glasgow – la country se danse et s’écoute dans les pubs, et il s’y tient chaque année des festivals prestigieux), Wild Rose parle surtout de la difficulté de concilier ses rêves et la réalité. Certes, on pourra reprocher aux auteurs d’avoir un peu chargé la mule, de faire un peu trop dans le mélo, mais ces petits défauts n’altèrent pas l’effet galvanisant exercé par ce film et sa fougueuse héroïne. 1 h 41 Et avec Sophie Okonedo, James Harkness, Jamie Sives, Craig Parkinson, Bob Harris…
Test Blu-ray
Interactivité *** Il ne faut pas négliger le montage d’interviews, tant la passion et la générosité des créateurs, la scénariste Nicole Taylor en tête, sont palpables à chaque intervention. On y découvre que la chanson « Glasgow », sommet de Wild Rose, a été cosignée spécialement pour le film par Caitlyn Smith, Kate York et l’actrice Mary Steenburgen.
Image *** Format : 2.39 L’image, contrastée et naturelle, est dotée d’un joli grain. La définition est rarement prise en défaut.
Son : *** DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en anglais
DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 en français
Sous-titres français non imposés Sans esbroufe, la piste 5.1 est efficace et enveloppante, et le caisson de basses ne fait pas dans la retenue. Une belle mise en valeur des chansons.
Photo extraite du documentaire Jean Douchet, l’enfant agité, de Vincent Haasser, Fabien Hagege et Guillaume Namur (2017)
Jean Douchet, disparu aujourd’hui à l’âge de quatre-vingt-dix ans, était un critique, penseur, auteur et historien du 7ème art vénéré par plusieurs générations de cinéphiles, de cinéastes et de critiques. Des Cahiers du Cinéma à La Septième Obsession, de l’IDHEC à la Cinémathèque, il s’est révélé un infatigable « passeur » et a suscité des vocations. Ami des cinéastes de la Nouvelle Vague, admirateur d’Hitchcock devant l’Eternel, il n’a eu de cesse de défendre et présenter des films dans les ciné-clubs (dont celui du Cinéma du Panthéon, qu’il animait depuis dix-huit ans) avec une passion intacte. L’un de ses livres publié en 1987, L’art d’aimer, est une bible. Il commence ainsi :
« La critique est l’art d’aimer. Elle est le fruit d’une passion qui ne se laisse pas dévorer par elle-même, mais aspire au contrôle d’une vigilante lucidité. Elle consiste en une recherche inlassable de l’harmonie à l’intérieur du couple passion-lucidité. Que l’un des deux termes l’emporte sur l’autre et la critique perd une grande part de sa valeur. »
En 2006, j’avais eu envie de l’interviewer pour le magazine EPOK, l’hebdo de la Fnac, aujourd’hui disparu. Il avait été sollicité par les éditeurs du DVD du Petit lieutenant de Xavier Beauvois, un cinéaste qu’il défendait depuis ses débuts (son analyse pertinente figure parmi les bonus). Et bien sûr, je n’avais pas omis de demander à cette figure de la critique alors âgée de soixante-dix-sept ans ce qu’elle pensait du cinéma français d’alors, et des nouveaux supports de diffusion. Son avis diffère quelque peu de celui d’Eric Neuhoff… En voici un extrait :
Sophie Soligny : Vous intervenez régulièrement dans les bonus de DVD consacrés aux classiques, mais, depuis quelque temps, vous vous impliquez également dans les DVD de films de jeunes réalisateurs français. Que pensez-vous du cinéma français d’aujourd’hui ? Vous permet-il d’assouvir votre passion ?
Jean Douchet : Oui. J’ai consacré toute l’année à une série de conférences à la Cinémathèque sur le cinéma français des années 1995 à 2005 et il apparaît évident que le cinéma français d’aujourd’hui peut être tout à fait intéressant, notamment grâce aux jeunes cinéastes, qui ne font pas, hélas, assez souvent de succès commerciaux, mais se révèlent passionnants.
Pas de nostalgie donc ?
Une époque est une époque. A chacune son cinéma. Le cinéma d’aujourd’hui n’a pas à souffrir de la comparaison avec celui d’avant-hier, soumis à un contexte particulier et des conditions différentes. Chaque époque donne son ton et ses œuvres, avec plus ou moins de qualités. Certes, nous n’avons pas de Renoir, mais nous avons encore Godard, Straub et de jeunes auteurs comme Desplechin, Beauvois. Même si je suis moins enthousiaste au sujet d’un Cédric Klapisch ou d’un Jacques Audiard, ils participent également à un vrai mouvement du cinéma français. Je ne comprends pas cette espèce de morosité qui hurle que le cinéma est mort ou va mourir et que nous n’avons plus le cinéma d’antan. C’est un discours ridicule.
Le DVD est-il un atout pour le cinéma ?
C’est une possibilité de prolonger la séance, sans la remplacer pour autant. Il permet de regarder le film de manière très précise et de raviver les sensations. Les bonus, qui peuvent aller du nullissime au plus passionnant, sont un supplément, à la manière des notes dans les livres de la Pléiade. On n’est pas obligé de les lire, mais il peut être extrêmement intéressant de le faire.
Et Internet, où chacun s’improvise critique ?
L’esprit universitaire l’emporte aujourd’hui sur la passion du cinéma. En bon universitaire, on peut parler de tout, même du pire. Tout est défendable. Pourtant, ça ne présente, la plupart du temps, aucun intérêt. L’important, c’est qu’on ne peut pas se tromper définitivement sur les films. Les grandes œuvres d’art passent les générations, c’est cette résistance qui fait leur force.
Interview parue dans Epok n° 39, du 9 au 15 juin 2006