HOLLYWOOD MASTER CLASS

Quatre chefs-d’œuvre de l’âge d’or d’Hollywood viennent de paraître en Combo Blu-ray+DVD (et DVD Collector) chez Elephant Films, dans la collection Cinema Master Class, en version restaurée et assortis de suppléments exclusifs. Quatre comédies sophistiquées pour rire ou pleurer, signés par les plus grands cinéastes de leur temps.

 

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« Votre mère ne vous a jamais dit qu’il y avait des choses correctes et d’autres pas ?
– Non, elle parle beaucoup pour ne rien dire. »

 

MY MAN GODFREY (Godfrey)

Gregory La Cava
1936

Deux mondaines, Irene (Carole Lombard) et sa sœur Cornelia (Gail Patrick), participent à une course au trésor un peu spéciale organisée par la haute société new-yorkaise. Il s’agit de dénicher un objet dont personne ne veut. Irene jette son dévolu sur un clochard, Godfrey (William Powell), qui vient d’envoyer sa sœur sur les roses. Elle le trouve si sympathique qu’elle convainc même sa mère de l’engager comme majordome dans leur très chic maison de Park Avenue. Contre toute attente, Godfrey va se révéler extrêmement efficace et ses bonnes manières surprendre toute la maisonnée. Et pour cause, car il n’est pas vraiment celui qu’il prétend être…

Ce n’est pas la première screwball comedy de l’histoire. Cet honneur revient au New York-Miami de Capra et Train de luxe de Hawks, parus en 1934, soit deux ans plus tôt. Mais My Man Godfrey peut s’enorgueillir d’avoir popularisé le terme. C’est en effet lors de la sortie du film de Gregory La Cava qu’est apparue pour la première fois dans la presse l’expression « screwball comedy ». Ce sous-genre de la comédie romantique traite moins de romance que d’affrontement entre les sexes et de leur rapprochement. Pour contourner la censure, les scénaristes et dialoguistes rivalisaient d’imagination. Ils avaient le chic de glisser dans le bavardage des sous-entendus parfois aussi osés que des scènes de sexe. Il fallait également faire oublier au public la morosité ambiante en cette période de Grande Dépression. Pour cela, rien de mieux qu’aborder la différence des classes : ridiculiser les riches, tout en montrant le faste de leur train de vie. C’est ce qui fait précisément le sel de My Man Godfrey, salué par six nominations aux Oscars en 1937, histoire d’imposture prétexte à un festival de situations loufoques, de dialogues absurdes et désopilants. La famille Bullock réunit toutes les figures typiques du genre : une enfant gâtée insupportable mais attachante, une sœur aussi belle que perfide, une mère totalement écervelée, un père dépassé par la situation, qui s’étonne à peine de découvrir un cheval dans le salon un lendemain de fête arrosée. La mise en scène est brillamment assurée, et avec un rythme effréné, par Gregory La Cava, cinéaste venu du dessin animé qui s’est imposé dans les années 30 comme l’un des maîtres de la comédie loufoque. On lui doit Fifth Avenue Girl, avec Ginger Rodgers, She Married Her Boss avec Claudette Colbert ou Pension d’artistes (Stage Door) avec Katharine Hepburn. Ici, c’est la ravissante Carole Lombard qui fait montre de ses talents comiques. L’actrice est en totale alchimie avec William Powell, son ex-époux dans la vie. Ce dernier, à l’époque héros de la série des Thin Man (L’introuvable) aux côtés de Myrna Loy, campe à merveille ce Godfrey ambigu et placide qui ne se dépare pas de son calme, même dans les situations les plus délirantes, telle celle qui clôt le film, et qui n’est pas la moins surprenante.
1 h 34 Et avec Gail Patrick, Alice Brady, Eugene Pallette, Alan Mowbray, Mischa Auer, Jean Dixon…

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il est accompagné d’une présentation intéressante du critique et professeur d’histoire de cinéma Nachiketas Wignesan et d’un bêtisier (plutôt rare pour un film de cette époque). La bande-annonce d’origine et d’autres de la collection sont également au menu de ce combo Blu-ray+DVD.

 

 

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« J’ai oublié de vous dire… Vous partez pour l’Amérique…
– L’Amérique ? Le pays de l’esclavage ?
– Oh, plus maintenant, un certain Pocahontas y a mis fin… »

 

L’EXTRAVAGANT MISTER RUGGLES (Ruggles Of Red Gap)

Leo McCarey
1935

En 1908, Marmaduke Ruggles (Charles Laughton) est le valet exemplaire du comte Earl Of Burnstead (Roland Young), qui séjourne à Paris. Un matin, il apprend de la bouche de son aristocrate de maître qu’il a été l’enjeu d’une partie de cartes disputée la veille avec un millionnaire américain. Le comte ayant perdu, l’infortuné Ruggles doit donc rejoindre Mr et Mrs Floud (Charles Ruggles et Mary Borland) et partir avec eux pour le Far West. Un véritable choc pour ce majordome à la rigueur très britannique, car au grand dam de Madame, qui aimerait avoir ses entrées dans la haute-société, Monsieur a des manières de cow-boy dont il n’a aucune intention de se défaire. Au début épouvanté, Ruggles va découvrir que le Nouveau Monde a des avantages insoupçonnés…

L’extravagant Mr Ruggles, nommé pour l’Oscar du Meilleur film en 1936, est à juste titre considéré comme le premier chef-d’œuvre de Leo McCarey. Cet ancien assistant de Tod Browning devenu spécialiste de films burlesques pour le producteur Hal Roach, a supervisé bon nombre d’épisodes de Laurel et Hardy et mis en scène les Marx Brothers dans La soupe aux canards. Sa carrière de réalisateur débute véritablement dans les années 30 lorsqu’il se met au service des stars de l’époque (Gloria Swanson, Mae West, Jeanette MacDonald…) avant d’imposer sa griffe dans des films plus personnels, comme ce Ruggles Of Red Gap adapté d’un roman de Harry Leon Wilson déjà porté deux fois à l’écran au cours des décennies précédentes. Comédie sur le choc des cultures, cette farce est irrésistible grâce à l’interprétation enlevée des acteurs. Charles Laughton, en valet pince-sans-rire et plus snob que ses patrons, est hilarant, même s’il a parfois tendance à cabotiner. Il émane de cette aventure réellement « extravagante » une joie de vivre, une humanité et une bienveillance manifestes. Au contact des habitants attachants de ce qu’il pensait être un « pays de barbares », le majordome défenseur de la Vieille Angleterre va découvrir les vertus de la démocratie et de l’égalité des classes. Ruggles ira même jusqu’à réciter le discours de Lincoln devant les habitués du saloon de Red Gap, totalement médusés. Capra n’aurait pas fait mieux !
1 h 30 et avec Leila Hyams, Zazu Pitts, Maude Eburne, Leota Lorraine, Lucien Littlefield…

 

 

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il est accompagné d’une présentation très instructive de 28 minutes par le critique Olivier Père, directeur d’Arte France Cinéma. Des bandes-annonces complètent le programme.

 

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« Un petit conseil jeune dame : ne soyez pas trop maligne, ne pensez pas tout savoir. Prenez les choses comme elles viennent ! »

 

LA VIE FACILE (Easy Living)

Mitchell Leisen
1937

B. Ball (Edward Arnold), riche banquier new-yorkais, est las des dépenses inconsidérées de son épouse qui « collectionne » les manteaux de fourrure. Sur un coup de tête, il décide de jeter le dernier en date du balcon de leur appartement sur la 6ème Avenue. La fourrure de zibeline échoue sur la tête (ou plutôt le chapeau) d’une modeste dactylo (Jean Arthur). La vie de la jeune femme va en être changée…

Pur joyau de screwball comedy, Easy Living est l’œuvre d’un tandem de haut vol : Mitchell Leisen (à la réalisation) et Preston Sturges (au scénario). Le premier a fait ses classes comme costumier chez Cecil B. DeMille et collaboré ensuite avec des pointures comme Allan Dwan ou Raoul Walsh (il a signé les costumes de Robin des bois et du Voleur de Bagdad, avec Douglas Fairbanks). Avec le temps, il s’est spécialisé dans la mise en scène de comédies loufoques et sophistiquées, s’alliant avec des scénaristes de talent, comme Billy Wilder ou ici, Preston Sturges. Ce dernier, qui réalisera quatre ans plus tard le fameux Les voyages de Sullivan et deviendra l’un des maîtres de la screwball comedy (Madame et ses flirts, Infidèlement vôtre…) a le génie du burlesque. Il y a chez lui un mélange de cynisme, d’agressivité et de comique qui n’est pas sans similitudes avec l’humour de Tex Avery. Issu de la grande bourgeoisie, Sturges n’a pas son pareil pour la tourner en ridicule. Dans Easy Living, librement inspiré d’un récit de Vera Caspary (Laura, Chaînes conjugales…), c’est un manteau de fourrure tombé du ciel qui sera la source de quiproquos et d’ennuis pour la jeune Mary Smith, entraînée dans des situations plus absurdes les unes que les autres. À l’image de la séquence du self-service en plein chaos, cette peinture d’une Amérique encore sous le coup de la Grande Dépression est un joyeux bazar, irrésistiblement drôle. L’immense star Jean Arthur, belle et futée, illumine cette comédie aux côtés de Edward Arnold (les deux acteurs sont à la même époque des comédiens fétiches de Capra) et du jeune Ray Milland, parfait dans le rôle du fils à papa en pleine rébellion. Comme la distribution, les dialogues sont aux petits oignons :

« Ai-je dit qu’il était mort ?
– Eh bien vous avez dit : “Pauvre vieux papa”…
– Pas besoin d’être mort pour ça. Même pas d’être pauvre.
– Ni d’être vieux non plus… »
1h 28 Et avec Luis Alberni, Mary Nash, Franklin Pangborn…

 

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il profite d’une présentation riche en anecdotes du sémillant Jean-Pierre Dionnet (13 minutes), à côté de laquelle l’introduction par l’historien américain Robert Osborne, animateur de la chaîne Turner Classic Movies fait pâle figure (2 minutes). Des bandes-annonces complètent le programme.

 

 

 

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« Pourquoi ne pas voir les choses en face Grand-mère ?
– À dix-sept ans, le monde est beau. Voir les choses en face est aussi agréable que sortir ou aller danser. Mais à soixante-dix ans, on n’aime plus danser. On ne pense plus à sortir. Le seul plaisir qui te reste, c’est de faire semblant de ne pas avoir de problèmes. Alors si ça ne te fait rien, je vais continuer à faire semblant. »

 

 

PLACE AUX JEUNES (Make Way For Tomorrow)

Leo McCarey
1937

Lors d’un déjeuner en famille, Bark (Victor Moore) et Lucy Cooper (Beulah Bondi), mariés depuis cinquante ans, annoncent à leurs enfants adultes que leur maison va être saisie par la banque. À la retraite depuis quelques années, totalement désargenté, Bark n’a pas pu honorer les traites. Le hic, c’est qu’aucun des cinq enfants n’est dans une situation financière mirobolante, et aucun ne peut accueillir les deux parents ensemble…

Paru pour la première fois en France sous le titre Le crépuscule de la vie, et rebaptisé Place aux jeunes par le critique Pierre Rissient dans les années 60, Make Way For Tomorrow a une place à part dans la filmographie de Leo McCarey. Plus connu pour ses comédies, le génial réalisateur de Cette sacrée vérité, La route semée d’étoiles ou Elle et lui, détenteur de trois Oscars, a eu l’audace de s’attaquer de front à un sujet pour le moins tabou au cinéma : la vieillesse — thème qui inspirera à Yasujirō Ozu en 1953 un chef-d’œuvre : Voyage à Tokyo. Cette lente agonie d’un vieux couple dans l’obligation de se séparer pour des raisons financières, est filmée d’une manière aussi juste que cruelle. Dans cette Amérique de 1937, touchée par la crise économique, le cas des époux Cooper n’est pas isolé et le film est d’ailleurs librement adapté de Years Are So Long, roman écrit quatre ans plus tôt par la journaliste Josephine Lawrence qui a relaté dans plusieurs de ses ouvrages les effets de la Grande Dépression sur la population. Ici, McCarey et sa scénariste Viña Delmar ont l’intelligence de ne pas grossir le trait. S’ils sont égoïstes, les enfants ne sont pas des monstres. Et à cause de leur caractère, Lucy et Bark qui se retrouvent l’un chez un fils, l’autre une fille, ne sont pas non plus « faciles » à héberger. La présence de Lucy chez George et son épouse conciliante (formidables Thomas Mitchell et Fay Bainter) amène des complications inévitables dans la vie familiale. Par petites touches, parfois non dénuées d’humour, le réalisateur restitue le malaise créé par certaines situations, embarrassantes pour tout le monde, spectateur y compris. Même la parenthèse enchantée offerte aux protagonistes a quelque chose de déchirant, d’autant qu’elle annonce un épilogue implacable. On s’en doute, paru en plein essor de la comédie burlesque, ce « vilain petit canard » fut un échec à sa sortie, obtenant même un statut de film maudit avant d’être réhabilité par les cinéphiles. C’était pourtant le préféré de Leo McCarey, et l’un des favoris de beaucoup de ses pairs, Frank Capra en tête. Quatre-vingt-cinq ans après sa création, ce film sur la condition humaine n’a rien perdu de sa pertinence et donne toujours à réfléchir.
1h 31 Et avec Barbara Read, Elisabeth Risdon, Ray Mayer, Louise Beavers…

 

 

Le film, joliment restauré en Haute Définition, est uniquement présenté en version originale (avec option de sous-titres français ou anglais) en DTS-HD Master audio 2.0. Il est accompagné d’un entretien instructif de 27 minutes avec Olivier Père, grand admirateur de l’œuvre de Leo McCarey. On y apprend que Beulah Bondi, l’interprète de Lucy Cooper, avait en fait quarante-huit ans, quasiment le même âge que Thomas Mitchell, qui incarne son fils. Des bandes-annonces complètent le programme.

 

 

 

Les amoureux de Screwball Comedy peuvent aussi se tourner vers cet excellent coffret DVD paru aux éditions Montparnasse en 2019, incluant La dame du vendredi, My Man Godfrey, La joyeuse suicidée, et deux documentaires, l’un sur la Screwball, l’autre sur Billy Wilder.

 

 

 

DEAUVILLE 2020 PREMIÈRES The Professor And The Madman/Comment je suis devenu super-héros

« Deauville, c’est d’abord le festival du cinéma avec des films. Ce qui est important, c’est qu’il y ait des films. Parce qu’un festival sans films, ça n’existe pas. Sans réalisateurs, ça existe. » (Bruno Barde, directeur artistique du festival)

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DEAUVILLE AU TEMPS DU CORONAVIRUS

 

Malgré l’absence de stars américaines, bloquées chez elles pour cause de Covid-19, le festival de Deauville a fait front. Comme à l’accoutumée, journalistes et public ont répondu présents. Le protocole sanitaire drastique a été respecté : cinq cents places en moins au CID pour espacer les spectateurs et masque obligatoire durant la projection. Sur la centaine d’œuvres au programme (premières mondiales, hommages, documentaires…), quinze films américains (dont huit signés par des femmes) étaient en compétition. Généreuse, cette 46ème édition a également accueilli neuf films privés de Cannes cette année, choisis par Bruno Barde dans la sélection de Thierry Frémaux, et trois du festival d’animation d’Annecy, annulé lui aussi. Sur le tapis rouge, les Français sont venus nombreux pour faire oublier l’absence des Américains. Entre une flopée de discours d’une banalité crispante (mention spéciale à Pio Marmaï, habitué du festival, qui, à la question de Genie Godula : « Qu’est-ce que vous appréciez le plus à Deauville ? » a loué « l’accueil régional », « les fruits de mer », et enfin « les films »), d’autres ont fait le show, tel l’inénarrable Benoît Poelvoorde. Vanessa Paradis, frêle et tout en Chanel, présidait en beauté le jury de la compétition officielle, la jeune réalisatrice Rebecca Zlotowski celui de la révélation.

 


Les membres du Jury de la compétition autour de leur présidente. De gauche à droite, Vincent Lacoste, Delphine Horvilleur, Mounia Meddour, Vanessa Paradis, Bruno Podalydès et Sylvie Pialat (manquent Yann Gonzales, Zita Hanrot et Oxmo Puccino).

 


Le Jury de la Révélation. De gauche à droite : Antoine Reinartz, Luàna Bajrami, Rebecca Zlotowski, Mya Bollaerts, Arnaud Rebotini.

 

PALMARÈS

GRAND PRIX

The Nest de Sean Durkin a fait l’unanimité. Il a raflé Le Grand Prix, le Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation et le Prix du Jury de la Critique. Jude Law et Carrie Coon sont les vedettes de ce film qui narre, façon thriller à suspense, le délitement d’une famille aisée qui quitte le confort de sa banlieue américaine pour s’installer dans un austère manoir en Angleterre. Il s’agit du deuxième long-métrage de Sean Durkin, après l’excellent Martha Marcy Marlene (2011). Il est également le réalisateur de l’impressionnante mini-série anglaise Southcliffe créée par Tony Grisoni en 2013.
À paraitre en novembre 2020.

 

PRIX DU JURY

Ex-aequo

First Cow de Kelly Reichardt – déjà récompensée à Deauville en 2013 avec The Night Moves -, évoque la rencontre inattendue entre un cuisinier taciturne et un immigrant d’origine chinoise dans l’Oregon de 1820.
À paraître prochainement.

 


Lorelei, premier long-métrage de la sympathique Britannique Sabrina Doyle (une des seules cinéastes venues chercher son prix), propose une histoire d’amour compliquée dans l’Amérique paupérisée d’aujourd’hui. On y retrouve Jena Malone et Pablo Schreiber.
À paraître prochainement.

 

PRIX FONDATION LOUIS ROEDERER DE LA MISE EN SCÈNE

 
The Assistant de Kitty Green, dont Rebecca Zlotowski a loué la rigueur « clinique et généreuse », est le premier long-métrage d’une cinéaste jusqu’ici spécialisée dans le documentaire. Le film, interprété par Julia Garner – l’épatante Ruth de la série Ozark –, fait écho à l’affaire Weinstein : une jeune secrétaire d’un producteur de cinéma découvre les abus de ce dernier et déplore l’indifférence de l’entourage professionnel tout à fait informé.
À paraître prochainement.

 

PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE

Uncle Frank de Alan Ball. Le créateur de la fameuse série Six Feet Under évoque les atermoiements d’un professeur de littérature homosexuel de New York (campé par le toujours formidable Paul Bettany), contraint de se rendre chez sa famille en Caroline du Sud qui ne brille pas par son ouverture d’esprit.
À paraître prochainement.
 

PRIX D’ORNANO-VALENTI

Le prix du Meilleur Premier film français est allé à Slalom de Charlène Favier. Admise dans une prestigieuse section ski-études d’un lycée de Bourg-Saint-Maurice, une jeune fille de quinze ans tombe sous la coupe d’un ex-champion devenu entraîneur.
À paraitre en novembre 2020.

 

PRIX DU 46ÈME FESTIVAL

 
Le festival a ouvert avec un hommage à Kirk Douglas, avec le concours de son fils Michael (via une vidéo enregistrée), et un second a été rendu à Barbet Schroeder, dont Le mystère Von Bülow, restauré, a bénéficié d’une ressortie en salles début 2020. Chaque année, le Prix du Festival de Deauville est remis à un cinéaste qui a franchi l’Atlantique pour travailler aux États-Unis. C’est exactement le cas de ce Franco-Suisse, réalisateur des mémorables Barfly, J.F. partagerait appartement, Kiss Of Death ou La vierge des tueurs, qui a reçu son trophée des mains de Marthe Keller.

 

Les plus craquantes sur le tapis rouge  : Zita Hanrot et Clémence Poésy

 

J’ai eu la chance d’assister à deux premières « mondiales » : celle d’un film américain et l’autre, français. « Aux antipodes » l’un de l’autre…

 

« Un Américain et un Écossais, l’un brillant, l’autre fou. Qui est quoi ? »

 

The Professor And The Madman

Farhard Safinia
2019

Dans les salles françaises en novembre 2020.

En 1857, en Angleterre, le lexicographe et philologue écossais James Murray (Mel Gibson) entame l’élaboration de la première édition de l’Oxford English Dictionary. Cette tâche monumentale l’obligeant à compiler des millions d’entrées, il décide de lancer un appel à soumission, espérant recevoir l’aide de collaborateurs bénévoles. Il va s’avérer que le plus prolifique et brillant d’entre eux, Chester Minor (Sean Penn), chirurgien militaire américain schizophrène, est interné dans un hôpital psychiatrique britannique pour avoir assassiné un innocent…

Un an après une sortie confidentielle aux États-Unis, The Professeur And The Madman est projeté en France. Tourné à Dublin en 2016, le film avait vu son exploitation entravée par le conflit qui opposait la société de production Voltage Pictures et Mel Gibson, l’initiateur du projet. Ce dernier et sa compagnie Icon accusaient Voltage de violation de contrat : elle aurait notamment refusé que certaines scènes soient filmées à Oxford, et ainsi empêché Farhad Safinia de réaliser le film comme il le souhaitait. Faute de preuves substantielles, les plaignants ont été déboutés, et même poursuivis pour rupture de contrat. Ni les acteurs vedettes ni le cinéaste n’ont souhaité assurer la promotion d’un film dont ils n’ont pas approuvé la version finale (Farhad Safinia est même crédité sous le pseudonyme de P. B. Shemran). Bref, un pataquès qui n’a pas joué en faveur de l’œuvre.
Pourtant, tout s’annonçait sous les meilleurs auspices. Mel Gibson avait acquis il y a une vingtaine d’années les droits du best-seller de Simon Winchester dans l’intention de le porter à l’écran sous l’égide de son producteur historique Bruce Davey. Pour pouvoir interpréter le professeur Murray, il en a délégué la direction à Farhad Safinia, le scénariste de son génial Apocalypto. Vu le nombre de critiques acerbes qui ont fleuri depuis la parution du biopic outre-Atlantique, on pouvait s’attendre au pire. Et pourtant, The Professeur And The Madman se regarde sans déplaisir. Oui, Sean Penn cabotine comme un seul homme. Oui, le montage est un peu curieux et oui, certains éléments du scénario auraient mérité d’être davantage développés. Mais à vrai dire, les différents entre parties impliquées ne se ressentent pas sur l’écran et ce biopic certes un brin académique ne manque pas d’atouts. Autour des deux stars précitées, la brochette de seconds rôles est formidable (Steve Coogan, Natalie Dormer, Jennifer Ehle, Stephen Dillane, Eddie Marsan, Ioan Gruffud…). La reconstitution est éblouissante, et on ne peut qu’être saisi par la qualité de la photo signée Kasper Tusken et par la musique de Bear McCreary. Enfin, difficile ne pas être captivé par ce récit édifiant, et cette page d’histoire de la lexicographie quasi-vertigineuse. D’ailleurs, un tonnerre d’applaudissements a suivi la projection.
2h 04 Et avec Jeremy Irvine, Laurence Fox, Sean Duggan…

 

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« Les héros, ça n’existe pas, il n’y a que des losers. »

 

Comment je suis devenu super-héros

Douglas Attal
2020

Dans les salles françaises en décembre 2020.

Dans un futur très proche, certains individus ont développé des facultés surnaturelles et sont parfaitement intégrés dans la société. Mais circule à Paris une étrange substance qui donne des superpouvoirs à ceux qui n’en ont pas. Les accidents s’accumulent. Le policier chargé de l’enquête est le flegmatique lieutenant Moreau (Pio Marmaï), risée du commissariat. A son grand dam, il est contraint de faire équipe avec une nouvelle recrue terriblement zélée (Vimala Pons), venue de la brigade financière. Mais ce policier en apparence incompétent a un passé mystérieux qui va bientôt ressurgir…

Précédé d’une réputation d’OVNI cinématographique, le premier long-métrage de Douglas Attal, fils du producteur Alain Attal et neveu d’Yvan, a effectivement de quoi décontenancer. Un film de super-héros à la française, c’était une sorte de défi et on salue le courage du réalisateur (qu’on a connu acteur au sein de la joyeuse équipe de Radiostars de Romain Levy) d’oser s’attaquer à un genre aussi casse-gueule. Mais marier la comédie avec le fantastique n’est pas chose aisée, et là où Kick Ass s’en sortait avec brio, ici, même si le film mise sur le côté absurde et décalé, ça pédale un peu dans la semoule. Il n’y a pas à tortiller, cette adaptation du livre homonyme de Gérald Bronner est sauvée par ses aspects comiques, et le talent de sa brochette d’acteurs rompus à l’exercice. Pio Marmaï joue les ahuris avec maestria (davantage que les héros…), la trop rare Vimala Pons campe une sorte de petite sœur de Laure Berthaud d’Engrenages avec une conviction désopilante, Leïla Bekhti, en cheftaine, est impériale, et Benoît fait du… Poelvoorde. Le bât blesse davantage côtés fantastique et action (effets spéciaux kitsch, mise en scène poussive et avalanche de clichés empruntés à la saga X-Men, à Watchmen et tutti quanti). Même le thème musical est trop zimmerien pour être honnête (merci Gladiator !). On sauvera toutefois quelques scènes d’action, dont celles dans le lycée notamment. En sortant de la salle, quelqu’un recueillait nos impressions avec un micro, j’ai répondu « rigolo ». Je persiste. Et signe.
1 h 30 Et avec Swann Arlaud, Gilles Cohen, Clovis Cornillac…

Crédits photos Site officiel Festival de Deauville 2020

INFILTRATOR À DEAUVILLE

Deauville FFA 2016

« Il serait fou d’imaginer que le chaos qui ordonne le monde d’aujourd’hui ne laisse pas une trace dans les films de cette édition 2016 et une empreinte dans nos choix ». Bruno Barde, directeur du festival

Signe des temps, il y a de la tension dans l’air en ce premier jour de Festival du Film Américain. Les stars ont cédé la place aux patrouilles de l’armée, venues en renfort pour assurer la sécurité. La circulation a été fermée aux abords du CID, où se tiennent les événements, et la fouille y est systématique. Pas de quoi pourtant dissuader les cinéphiles, pressés de découvrir la sélection de cette 42ème édition, supervisée par Bruno Barde. Le jury, présidé cette année par Frédéric Mitterrand, devra départager les quatorze films de la compétition, issus du cinéma indépendant. On y trouve notamment Captain Fantastic de Matt Ross, Complete Unknown, de Joshua Marston, encensé en 2003 pour Maria Pleine de Grâce, Le teckel, nouvelle satire de Todd Solondz (Bienvenue dans l’âge ingrat), Brooklyn Village (Little Men), petite perle sur l’adolescence signée Ira Sachs ou Sing Street, de John Carney (New York Melody), sur les tribulations d’un jeune groupe de rock dans le Dublin des années 80. 

Sing Street
« Aucune femme ne peut aimer un homme qui écoute du Phil Collins. »

 

Au total, trente-sept films seront présentés, comprenant des premières prestigieuses, telles Infiltrator, de Brad Furman, qui ouvre le festival. Et puisque les grosses pointures américaines lui ont préféré l’illustre Mostra de Venise qui se déroule à la même date, Deauville, plus que jamais, a choisi de mettre l’accent sur le jeune cinéma américain, et de rendre hommage à ses étoiles montantes dignement représentées cette année par James Franco, présent pour son film In Dubious Battle, adaptation d’un roman de John Steinbeck.

Battle

 

Mais en cette soirée d’ouverture, c’est à Chloë Grace Moretz, autre rising star américaine, que Deauville a choisi de rendre hommage. L’inoubliable Hit-Girl de Kick Ass n’a pas encore vingt ans, mais sa filmographie a de quoi filer le tournis à ses pairs (elle a joué, entre autres, chez Martin Scorsese, Tim Burton, Olivier Assayas…). Toute en rondeurs enfantines, la très sympathique actrice a reçu son Prix Nouvel Hollywood devant le public du CID, et s’est fendue d’un discours d’un professionnalisme confondant. Et comme l’a souligné Lionel Chouchan en lui remettant le prix :

« 1 : elle le mérite — 2 : elle est formidable – 3 : elle est extrêmement jolie. »

Chloe Photo Olivier Vigerie

Diane 3 Photo Olivier Vigerie

C’est une Diane Kruger divinement belle, mais crispée et étonnement peu loquace, qui est ensuite montée sur scène pour présenter Infiltrator, dans lequel elle incarne la courageuse partenaire de l’agent infiltré Robert Mazur, juste avant que la toujours épatante maîtresse de cérémonie Genie Godula annonce que l’homme qui a inspiré le film, Robert Mazur en personne, était présent, incognito, dans la salle. De fait, son visage est inconnu des médias et gagne à le rester, tant l’homme est depuis longtemps menacé de mort. D’ailleurs, à ceux qui en doutaient, le film confirme cette sentence : « La vie d’infiltré, ce n’est pas de la tarte ! »

 

Infiltrator (The Infiltrator)
Infiltrator 2
Brad Furman
2016

Bien qu’il soit marié et père de famille, l’agent fédéral Robert Mazur (Bryan Cranston) est un habitué des missions infiltrées. En 1986, les Etats-Unis entreprenant de s’attaquer à l’argent de la drogue, Robert Mazur, sous le pseudonyme de Bob Musella, est chargé d’infiltrer le cartel de Medellín dirigé par Pablo Escobar, pour le compte de l’IRS, dépendant du département du Trésor. Sa connaissance des rouages du système financier international lui permet de se faire passer aisément pour le directeur d’une société de conseil en investissement spécialisée dans le blanchiment d’argent. Mais dans cet univers de méfiance et de violence, le moindre faux pas peut-être fatal…

 C’est sur le tournage de Miami Vice, sur lequel l’agent fédéral Robert Mazur était consultant, que le cinéaste Michael Mann l’a encouragé à raconter son histoire. Le livre The Infiltrator : My Secret Life Inside The Dirty Banks Behind Pablo Escobar’s Medellín Cartel, est paru en 2009. Il a notamment sidéré le jeune réalisateur américain Brad Furman (The Take, La défense Lincoln, Players), qui a ensuite été séduit par la personnalité hors normes de son auteur. Pourtant, l’adaptation cinématographique n’était pas des plus aisée, notamment parce qu’à la différence de nombreux thrillers sur les cartels de la drogue (dont le récent Sicario de Denis Villeneuve), l’approche ici se fait davantage par l’aspect financier que policier. Brad Furman a pallié cette difficulté en mettant le paquet sur le glamour de la reconstitution des eighties, qui emmène de la Floride à Panama, dans des jets privés, des penthouses de luxe et des boîtes de nuit scintillantes. Il y a un vrai contraste entre les décors rutilants et le sérieux de l’agent infiltré incorruptible auquel Bryan « Breaking Bad » Cranston prête son visage constamment soucieux et ses sourcils froncés. Plus le récit avance, plus Bob progresse et plus la tension monte. La menace est partout. Les sbires de Pablo Escobar flairent la peur aussi bien que les flics et les taupes. Ils ont la gâchette facile, et peu de scrupules à se débarrasser des encombrants. Diane Kruger étincelle dans le rôle de la fausse fiancée dévouée à sa mission, Juliet Aubrey, dans celui de la véritable épouse, émeut. John Leguizamo et Joseph Gilgun sont épatants, Yul Vazquez et Benjamin Bratt, inquiétants à souhait. Le suspense tient en haleine jusqu’au bout, mais si ce n’était pas une histoire vraie, on pourrait mettre en doute l’authenticité des agissements du personnage principal dont la vie ne tient qu’à un fil, et qui prend des risques inconsidérés, voire parfois aberrants. Il est également dommage que certains personnages apparaissent et disparaissent un peu trop facilement, et que le récit manque parfois de clarté (il est probable que certains détails sont passés à la trappe au montage final, pour réduire la durée du film). On pardonne cependant à Brad Furman, car sa mise en scène décoiffe, et la bande-son (Curtis Mayfield, Nu Shooz, The Who, Leonard Cohen, Violent Femmes…) est remarquable.
2h 07 Et avec Olympia Dukakis, Amy Ryan, Jason Isaacs, Richard Katz, Art Malik, Saïd Taghmaoui, Elena Anaya, Michael Paré…

BANDE-ANNONCE

Infiltrator 5
Infiltrator 6
Infiltrator 8
Infiltrator 11
THE INFILTRATOR
THE INFILTRATOR
THE INFILTRATOR, Joseph Gilgun, 2016. © Broad Green Pictures / courtesy Everett Collection
Infiltrator 1

 

99 Homes

 

A noter que le lauréat de l’édition précédente, l’excellent 99 Homes, de Ramin Bahrani, est disponible en Blu-ray et DVD depuis mai chez Wild Side Video. Drame social autour de la crise des subprimes aux Etats-Unis, le film, puissant et poignant, profite de performances exceptionnelles de Michael Shannon et Andrew Garfield. A voir absolument !

 

 

 

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