Les César en DVD/BR : J’ACCUSE/ALICE ET LE MAIRE

Après le grand déballage des César, retour à la case cinéma et à deux films honorés, à juste titre, pour leurs innombrables qualités, tous deux disponibles en DVD/Blu-ray.

(Click on the planet above to switch language.)

« Je pense m’être exprimé clairement, je ne veux pas d’une autre affaire Dreyfus !
– Ce n’est pas une autre affaire Dreyfus mon général, c’est la même. »

 

J’ACCUSE

Roman Polanski
2019
Paru en France le 13 novembre 2019
Disponible en DVD et Blu-ray le 18 mars 2020 chez Gaumont
Lion d’argent (Prix du Jury) du Festival de Venise 2019
César 2020 du Meilleur réalisateur, de la Meilleure adaptation et des Meilleurs costumes (12 nominations)

En janvier 1895, le capitaine Alfred Dreyfus (Louis Garrel), accusé de haute trahison pour avoir livré des secrets d’État à l’Allemagne, est condamné à la dégradation militaire publique et à la déportation sur l’île du Diable. Peu de temps après, le très estimé commandant Marie-Georges Picquart (Jean Dujardin), qui avait eu Dreyfus comme élève à l’école militaire, est promu lieutenant-colonel et chef de la Section de Statistique, autant dire des services du renseignement. En enquêtant sur les activités troubles d’un certain commandant Esterhazy, Picquart va découvrir que ce dernier est le véritable auteur des lettres compromettantes attribuées à Dreyfus…

Impressionnant. C’est l’adjectif qui vient à l’esprit dès la première séquence. Et le reste l’est tout autant. Du bouton d’uniforme jusqu’à la reconstitution de ce Paris fin de siècle, le film de Roman Polanski est un éblouissement. Pourtant, il s’en dégage une solennité et une incroyable austérité ; celle de son personnage principal, campé par un excellent Jean Dujardin, raide comme la justice. Les partis pris du cinéaste sont payants, et notamment d’avoir sollicité la fine fleur du cinéma français. Bon nombre des acteurs, choisis pour leur ressemblance avec les vrais protagonistes, sont issus de la Comédie Française. Filmé comme un thriller d’investigation, avec un réel sens du suspense, J’accuse dépeint admirablement l’atmosphère viciée de cette France antisémite et de son armée bête et méchante, soudée jusqu’à l’absurde, qui n’a jamais mieux porté son nom de Grande Muette. Les historiens mettent cependant en garde : même si le Picquart du film est dépeint à juste titre comme ambigu et antisémite, ses intentions sont plus nobles que celles du véritable personnage, davantage soucieux de protéger l’honneur de l’armée que de défendre un malheureux accusé à tort. Il faut donc prendre cette œuvre pour ce qu’elle est véritablement : l’adaptation de D. roman historique de Robert Harris publié en 2013 (le titre original, An Officer And A Spy est également celui du film à l’international). L’écrivain britannique, coauteur du scénario avec Roman Polanski, avait d’ailleurs prévenu avoir pris quelques libertés avec certains détails de l’histoire, romanesque oblige. J’accuse n’en reste pas moins un film puissant, passionnant, instructif et magnifique.
2 h 12 Et avec Grégory Gadebois, Emmanuelle Seigner, Wladimir Yordanoff, Didier Sandre, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric, Eric Ruf, Laurent Stocker, Vincent Pérez, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès, Hervé Pierre, André Marcon…

 

Test Blu-ray :

 

 

Interactivité ***
Le making of de 32 minutes, co-réalisé par Morgane Polanski, fille du cinéaste, est truffé d’interviews et emmène sur le vif du tournage. Six ans de préparation et quatre mois de tournage ont été nécessaires pour ce film très documenté, caractérisé par un souci d’authenticité. On découvre également le cinéaste au travail, au plus près de ses acteurs.

Image ****
Format : 1.85
Le Blu-ray restitue toute la beauté de la photographie un peu métallique (elle est signée Pawel Edelman, chef-opérateur fétiche de Polanski depuis Le Pianiste), des couleurs (qui immergent dans l’époque) et de la lumière, même dans les intérieurs plus sombres. Le piqué est excellent.

Son ***
DTS-HD Master Audio 2.0 et 5.1 en français
Audiodescription
Sous-titres français pour sourds et malentendants
La version DTS-HD 5.1 est d’une rare puissance même si la plupart des bruits d’ambiance proviennent des enceintes frontales. Les basses impressionnent dès le menu animé.

 

***************************


« Avant, les électeurs exigeaient toujours plus de droits, toujours plus de démocratie, et dans les dernières années de mon mandat, j’ai eu l’impression qu’ils se méfiaient de la démocratie elle-même. »

 

ALICE ET LE MAIRE

Nicolas Pariser
2019
Paru en France le 2 octobre 2019
Disponible en DVD et Blu-ray depuis le 5 février 2020 chez M6 Vidéo
César 2020 de la Meilleure actrice

Normalienne, agrégée de lettres et diplômée en philosophie, Alice Heimann (Anaïs Demoustier), qui n’a qu’une petite expérience d’enseignante à l’étranger, vient d’être embauchée à la mairie de Lyon. Le matin même où elle se présente, on lui annonce que son poste vient d’être supprimé, mais qu’un autre a été créé dans la foulée spécialement pour elle. Il se trouve que le maire, Paul Théraneau (Fabrice Luchini), épuisé par des années de vie politique, n’a plus d’idées et « n’arrive plus à penser ». Il compte sur cette jeune philosophe pour l’aider à se remettre en selle…

Inévitablement, on pense à Eric Rohmer et à L’arbre, le maire et la médiathèque dans lequel excellait déjà Fabrice Luchini. Avec sa fraîcheur, ses grands yeux innocents et son sourire amusé devant les situations cocasses et parfois ubuesques qui se présentent à elle, Alice (excellente Anaïs Demoustier), fait elle-même une héroïne très rohmérienne. Mais chez Nicolas Pariser, qui a suivi les cours du cinéaste précité à la Sorbonne, le badinage n’est pas de mise. Le réalisateur s’intéresse surtout à cette relation inattendue entre la jeune intellectuelle – qui n’a aucune expérience, ni de la politique ni de la vie – et ce maire au bout du rouleau, qui cherche désespérément un sens à son action. Au fil des dialogues destinés à rattacher la politique et le réel à l’aide de la littérature et de la philosophie, va se tisser, entre ces deux êtres en déséquilibre, une jolie complicité. D’abord considérée comme le messie qui pourrait sauver la mairie de la débâcle, Alice va bientôt se mettre tous les membres du cabinet à dos et, notamment, les communicants qui se voient peu à peu déposséder de leur influence. La machinerie se grippe alors et l’efficace chef de cabinet (épatante Léonie Simaga) apparaît de plus en plus déboussolée. Le cinéaste, qui signe ici son deuxième long-métrage après Le grand jeu (2015), manie, avec subtilité, l’ironie (certaines scènes sont franchement comiques) et la mélancolie. Car si ses personnages manquent un peu de chair, la comédie, un brin désenchantée, a le mérite de viser juste. Elle cible la crise de la démocratie, mais aussi celle des vocations chez les jeunes gens surdiplômés, déconnectés, eux aussi, du réel. Le film pourrait se résumer dans la question qui taraude le réalisateur : « Pourquoi est-ce que ceux qui agissent ne pensent pas, et pourquoi ceux qui pensent n’agissent pas ? ».
1 h 43 Et avec Nora Hamzawi, Alexandre Steiger, Maud Wyler, Pascal Reneric, Antoine Reinartz…

 

Test DVD :

Interactivité ***
Le temps d’une interview d’une trentaine de minutes, le réalisateur revient sur son parcours (études de droit, critique de cinéma) et son travail auprès du grand cinéphile Pierre Rissient dont il a été l’assistant. Il évoque aussi ses premiers courts-métrages (ses gammes) et la raison pour laquelle la politique est un thème peu abordé par le cinéma français. Enfin, il ne tarit pas d’éloges au sujet de Fabrice Luchini, qui lui a en quelque sorte inspiré le film.

Image ***
Format : 1.85
Le DVD propose une image naturelle, contrastée, dominée par les bleus intenses. Bien qu’elle n’atteigne pas la pureté de l’image du Blu-ray, la définition est ici tout à fait convaincante.

Son ***
Audiodescription
Sous-titres français pour sourds et malentendants
Une piste 5.1 harmonieuse et très agréable.

 

DVD/BR de Noël : En Avent toute ! (1) MA LOUTE

ma-loute-12

« C’est le portefeuille de mon cousin ! Enfin de mon beau-frère.
– C’est votre beau-frère ou votre cousin ?
– C’est mon cousin et mon beau-frère puisque j’ai épousé sa sœur.
– Vous avez épousé votre cousine ?
– Une cousine issue de germaine, inspecteur.
– Ah ? Ça fait drôle non ?
– Mais non, inspecteur ! C’est l’usage dans les grandes familles du Nord. Cousins, cousines, tout ça…
– C’est du lard ou du cochon quoi. »

  

Ma Loute
ma-loute-8

Bruno Dumont
2016
En Blu-ray et DVD chez Memento Films depuis le 18 octobre

En 1910, dans le Pas-de-Calais. Comme chaque année, la famille Van Peteghem prend ses quartiers d’été dans son imposante maison au-dessus de la baie de la Slack, théâtre, depuis quelque temps, de mystérieuses disparitions. Chargés de l’affaire, l’improbable inspecteur Machin (Didier Després) et son assistant Malfoy (Cyril Rigaux) surveillent particulièrement une famille de pêcheurs locaux, dont le fils aîné, Ma Loute (Brandon Lavieville), est amoureux de Billie (Ralph), l’étrange fille d’Aude Van Peteghem (Juliette Binoche)…

Chef-d’œuvre pour les uns (les critiques notamment…), abomination pour les autres, le dernier film en date du réalisateur de La vie de Jésus, L’humanité ou du P’tit Quinquin est à la fois monstrueux et fascinant. Découverte au festival de Cannes, cette farce grotesque, digne du cinéma italien des 70’s (on pense à Scola et Risi), suscite tour à tour l’hilarité, l’inconfort et l’horreur. L’illustration du choc des cultures et des classes n’a jamais été aussi extravagante qu’ici, entre acteurs professionnels qui surjouent des bourgeois ridicules et décadents (Luchini et Binoche, hallucinants) et comédiens amateurs déguisés en autochtones primitifs, d’une sauvagerie sidérante. Constamment burlesques, les policiers, véritables Laurel et Hardy, sont le fil rouge de ce film audacieux où le romantisme, le lyrisme et la poésie s’invitent par fulgurances, notamment grâce à des images très stylisées et éclatantes de beauté. Ma Loute surprend, impressionne, estomaque et éblouit. Stunning and shocking ! comme disent les Anglo-Saxons.
2 h 02. Et avec Valeria Bruni Tedeschi, Jean-Luc Vincent, Laura Dupré, Thierry Lavieville, Caroline Carbonnier…

BANDE-ANNONCE

ma-loute-7

Test Blu-ray :  

3dbr-maloute

Interactivité **

On se réjouit de la présence d’une interview de Bruno Dumont conduite par Olivier Père (15 minutes). Le réalisateur revient sur ses intentions, la genèse de son film, ses partis pris de mise en scène et le travail sur les images en postproduction. Il parle sans langue de bois de ses comédiens, qui ont eu quelques appréhensions à accepter leur rôle et qu’il a volontairement sorti de leur zone de confort (« Luchini en liberté, c’est une horreur ! Il va dans tous les sens. Il faut le cadrer. Une fois qu’il l’est, il est formidable ! »). Il révèle aussi la difficile recherche de l’interprète de la jeune Billie, finalement campée par l’androgyne Ralph, aussi mystérieuse dans la vie qu’à l’écran. Une somptueuse galerie de photos complète le programme.

Image ****
Format : 2.35
Ce « film d’époque réaliste » a été tourné avec une caméra numérique Arri Alexa XT. Le transfert Blu-ray est naturellement somptueux et spectaculaire, et il rend hommage au travail du chef opérateur Guillaume Deffontaines. Les couleurs sont éblouissantes, les contrastes saisissants. On décèle des petits bruits à quelques endroits mais rien de dommageable.

Son ***
DD-HD Master Audio 5.1 en français
Audiodescription DTS 2.0
Sous-titres pour sourds et malentendants
La piste 5.1 sollicite davantage les canaux avant et privilégie les dialogues. Elle reste malgré tout harmonieuse et ample, et restitue parfaitement les sons d’ambiance (comme les fameux craquements de l’inspecteur Machin).

ma-loute-1 ma-loute-2 ma-loute-3 ma-loute-6 ma-loute-9 ma-loute-10