John Carpenter’s CHRISTINE

Elle n’est pas à l’origine du film le plus terrifiant de tous les temps et pas même de l’œuvre du réalisateur d’Halloween, mais cette histoire de voiture tueuse librement adaptée de Stephen King possède un indéniable charme et une patine vintage qui lui ont permis de résister au passage du temps. Authentique œuvre culte, Christine est à l’honneur chez Carlotta, qui lui a consacré son 13ème coffret Ultra Collector (Restauration 4K Ultra HD en Blu-ray + Blu-ray standard + DVD + Suppléments + Livre de 200 pages). En fin de piste, mon top 10 des « thrillers horrifiques avec des voitures ».

 

« God, I hate rock’n’roll ! »

  

CHRISTINE

John Carpenter
1983

Coffret Ultra Collector (et éditions simples séparées) chez Carlotta depuis le 18 septembre

Dans la banlieue de Los Angeles, Arnie (Keith Gordon) est un adolescent intelligent, mais complexé, qui passe pour un loser aux yeux de ses camarades de lycée. Seul Dennis (John Stockwell), son meilleur ami, beau gosse et capitaine de l’équipe de football, le défend bec et ongles. Un jour, en rentrant de l’école, Arnie aperçoit, près d’une habitation délabrée, un panneau à vendre sur une Plymouth Fury rouge de 1958 en très piteux état. Malgré les réticences de Dennis, à qui le vendeur n’inspire pas confiance, le jeune homme, qui semble envoûté par l’épave nommée Christine par son défunt propriétaire, décide de l’acheter pour la restaurer…

En 1983, refroidi par l’échec (incompréhensible) de The Thing, John Carpenter accepte la proposition de Richard Kobritz d’adapter au cinéma le nouveau roman fantastique de Stephen King, Christine, sur le point d’être publié et dont le producteur avait acquis les droits. Le cinéaste et le scénariste Bill Phillips vont effectuer quelques changements, notamment en ce qui concerne l’origine du mal. Dans le livre de King, c’était le premier et défunt propriétaire, véritable psychopathe, qui hantait la voiture. Ici, dès le départ, il est clair que l’auto est le monstre. Elle est d’ailleurs introduite au son de la chanson « Bad To The Bone » de George Thorogood & The Destroyers (Thorogood devait apparaître dans le film, mais sa piètre performance a été coupée au montage). C’est autant la métamorphose du jeune homme possédé que le concept de la voiture démoniaque qui a amusé John Carpenter. Allégorie du mal-être adolescent en même temps que de l’attachement du mâle moderne à son automobile, Christine fait mouche sur les deux tableaux. « Pour la première fois de ma vie, j’ai trouvé un truc de plus laid que moi, et je sais que je peux le réparer » dit Arnie à Dennis qui s’inquiète de cet attachement soudain. Avec sa Plymouth Fury (un nom prédestiné…) qu’il a magnifiquement restaurée (et dont la radio ne diffuse que du vieux rock’n’roll), le loser va prendre sa revanche sur des années d’humiliations et de frustrations. L’adolescent timide change de look, prend de l’assurance, devient arrogant et parvient même à sortir avec la plus belle fille du lycée. La malfaisante Christine prend le contrôle d’Arnie qui se déshumanise peu à peu. Obsédé par sa voiture qu’il chérit davantage que sa propre petite amie, il prend ses distances avec ses proches et sombre dans la folie. Ironiquement, Christine est souvent appréhendé comme un film féministe (la voiture est une femme qui se venge), alors que justement, les féministes, à l’époque, ont jugé l’œuvre misogyne (Christine étant jalouse, possessive, capricieuse et méchante.) Quoi qu’il en soit, comme c’était déjà le cas pour Halloween, la réussite de cette série B au budget modeste tient à la manière dont le fantastique et l’horreur s’inscrivent dans le cadre a priori rassurant de la banlieue américaine des 80’s. Toute l’imagerie est là : le mach de football avec les pom-pom girls, le sportif populaire, les bad boys, la nouvelle élève canon qui préfère les livres aux garçons, la drague au drive-in. Les répliques des teenagers sont truffées d’allusions (souvent crues et drôles) à la montée d’hormones qui les préoccupe. Grâce au talent des jeunes acteurs, tous inconnus à l’époque (pour ne pas faire de l’ombre à la voiture), les personnages sont bien plus que des clichés. Si les scènes d’action sont astucieuses, c’est bien la façon dont est décrite la montée en puissance du mal qui confère à Christine son aspect passionnant. Pas un véritable film d’horreur donc, mais attachant… assurément.
1h 50. Et avec Alexandra Paul, Harry Dean Stanton, Robert Prosky, Christine Beldford, Kelly Preston…

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Test Edition Ultra Collector n°13
Edition limitée et numérotée (3 000 exemplaires), dont le superbe visuel est signé du créateur d’affiches Mainger (alias Germain Barthélemy).

Interactivité ****
Sur les trois formats (Blu-ray AK Ultra HD, Blu-ray standard et DVD), on trouve les suppléments de l’édition anniversaire de 2003, soit le commentaire audio de John Carpenter et Keith Gordon, qui bavardent chaleureusement en évoquant leurs souvenirs de tournage, mais aussi le super making of de Laurent Bouzereau truffé d’interviews de l’équipe (46 minutes) qui révèle moult secrets de fabrication (Kevin Bacon devait incarner Arnie, mais au dernier moment, il s’est envolé pour jouer dans Footloose … ), ainsi que la bande-annonce originale. Seuls les deux formats Blu-ray proposent les vingt scènes inédites (comprenant notamment des petits éclairages bienvenus sur la relation entre Leigh et Dennis) et la master class de 74 minutes de John Carpenter à Cannes, en 2019, où lui a été décerné le Carrosse d’Or. Il est interviewé par les réalisateurs Katell Quillevéré et Yann Gonzalez. Voici ce qu’il répond à la question sur l’Amérique de Trump :

« Ce qui me fait garder espoir, ce sont les gens. Je pense que l’être humain est fondamentalement bon. Partager avec de nouvelles personnes, comme les jeunes cinéastes ou le public qui viennent à ma rencontre, qui sont curieux de l’autre, du cinéma et qui s’intéressent à autre chose qu’à leur nombril, c’est une raison pour moi d’espérer que les épreuves actuelles passeront. Trump passera et les lendemains seront meilleurs. »

Enfin, intitulé Plus furieuse que l’enfer, le livre de deux cents pages qui sert d’écrin à ces trois disques est signé par l’historien du cinéma et auteur australien Lee Gambin. Il revient largement sur les thèmes abordés par le roman et son adaptation, et inclut de nombreuses interviews des acteurs, du cinéaste et de l’équipe. Un document exhaustif illustré par cinquante photos d’archives.

Image ****
Format : 2.35
La restauration 4K est une splendeur. Les contrastes sont saisissants, les couleurs rutilantes. Le grain original a été conservé et le piqué est excellent.

Son : ****
Dolby TrueHD Atmos 7.1et DTS-HD Master Audio 2.0 en anglais
DTS-HD Master Audio 2.0 en français
Sous-titres français non imposés
Pour qui est équipé d’un bon système sonore en 7.1, la piste TrueHD est un régal ! Le bruit de moteur qui se fait entendre au début du générique fait vibrer les murs. Et les bidouillages sonores de John Carpenter (qui a signé la musique avec Alan Howarth) sont efficacement répercutés.

  

Mon top 10 des thrillers (plus ou moins) horrifiques impliquant des véhicules :

 

Christine de John Carpenter — 1983

 

Duel de Steven Spielberg — 1977

 

Boulevard de la mort (Death Proof) de Quentin Tarantino — 2007

 

Hitcher de Robert Harmon — 1986

 

Hell Driver (Drive Angry) de Patrick Lussier — 2011

 

Une virée en enfer (Joy Ride) de John Dahl — 2001

 

Jeepers Creepers de Victor Salva — 2001

 

Highwaymen : La poursuite infernale de Robert Harmon – 2004

 

Enfer mécanique (The Car) de Elliot Silverstein — 1977

 

Maximum Overdrive de Stephen King — 1986

Et bien sûr Tous les Mad Max excepté Le dôme du Tonnerre

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LA FORME DE L’EAU : Oscar 2018 du Meilleur film

Bon, moi, j’étais plutôt team 3 Billboards, les panneaux de la vengeance. Mais l’Académie des Oscars a préféré récompenser le conte fantastique de Guillermo del Toro qui a donc raflé, la nuit dernière, quatre trophées dont celui du Meilleur film et Meilleur réalisateur. Ainsi, c’est quasiment avec son œuvre la moins intéressante que cinéaste mexicain aura obtenu la consécration. Infantile, glauque, et bien trop sage malgré sa splendeur visuelle, La forme de l’eau ne m’a pas bouleversée une seconde…

 

« Oh, would I tell you about the place ? A small city near the coast, but far from everything else. »

  

La forme de l’eau (The Shape Of Water)

Guillermo del Toro
2017
Dans les salles françaises depuis le 21 février 2018
Lion d’Or du festival de Venise 2017
Golden Globes 2018 du Meilleur réalisateur et de la Meilleure musique (Alexandre Desplat)
Oscars 2018 des Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleure musique et Meilleure direction artistique

Au début des années 60, à Baltimore, Elisa (Sally Hawkins) jeune femme muette (mais entendante) vit une existence plutôt solitaire. Elle a pour seuls amis son voisin, Giles (Richard Jenkins), un illustrateur sexagénaire sur lequel elle veille avec tendresse, et Zelda (Octavia Spencer), agent d’entretien, comme elle, dans un centre de recherche spatiale. Un jour, en faisant le ménage dans le laboratoire secret, Elisa découvre une créature mi-homme mi-poisson retenue prisonnière dans une cuve. Cet amphibien déniché dans un fleuve d’Amazonie par le Colonel Strickland (Michael Shannon), chef de la sécurité du site, est soumis quotidiennement à un traitement particulièrement brutal. A l’insu de tous, la jeune femme parvient à entrer en contact avec cet être mystérieux, dont elle va peu à peu tomber amoureuse…

On est bien d’accord, Guillermo del Toro est un maître. Qui a vu L’Echine du diable ou Le Labyrinthe de Pan ne peut qu’en être convaincu. Depuis Cronos, le film de ses débuts, je suis fan et même les controversés Pacific Rim et la récente série The Strain m’ont grandement emballée. Ses bidouillages horrifiques, sa passion pour les monstres et son sens de la démesure vont toujours de pair, chez lui, avec des images puissantes et un sens aigu de la mise en scène. D’où l’immense sentiment de frustration éprouvé devant La forme de l’eau, sorte de « boursouflade » nourrie de toutes ses obsessions et influences, et hommage au cinéma de genre de son enfance. En tête : L’étrange créature du Lac noir de Jack Arnold et La créature est parmi nous de John Sherwood. Mais plus que l’hommage à la série B, ce qui déborde ici, c’est l’influence de Terry Gilliam et d’un de ses disciples, Jean-Pierre Jeunet (par voie de presse, ce dernier a d’ailleurs accusé le réalisateur mexicain de plagiat). Le film baigne dans une esthétique rétro-futuriste, les tons bleu-vert, et a toutes les caractéristiques du cauchemar (tel ce long couloir qui mène à l’appartement d’Elisa). Les visuels, certes, impressionnent, mais si le cinéaste a mis les formes, il a négligé le fond, et les personnages se révèlent bien trop stéréotypés. Le camp des gentils se compose de quatre laissés pour compte (une handicapée, une femme noire, un gay vieillissant au chômage, un communiste), les méchants sont caricaturaux à souhait (Michael Shannon a mis le paquet), à l’instar des espions russes (on est en pleine Guerre froide), plutôt comiques au demeurant. Dans ce cabinet de curiosités hélas, tout est convenu, téléphoné (annoncé même) jusqu’à ce monstre policé et cette histoire d’amour précipitée, à laquelle on voudrait croire, mais qui sonne faux. Il émane même un malaise diffus de cette naïveté surjouée par cette Amélie Poulain aux tendances zoophiles. Le réalisateur mexicain a dédié son film à l’amour et au cinéma. Mais il y avait davantage de romantisme et d’émotion dans The Strain ou même dans Hellboy II. Y brillait un amphibien bien plus attachant, Abe Sapien, déjà incarné par Doug Jones, l’acteur derrière le poisson de La forme de l’eau. L’Oscar, Guillermo del Toro le méritait déjà, et bien davantage, pour Le labyrinthe de Pan.
2h 03 Et avec Michael Stuhlbarg, David Hewlett, Nick Searcy, Stewart Arnott, Lauren Lee Smith…

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11.22.63

L’Amérique n’en a pas fini avec l’assassinat de JFK, un de ses plus grands traumatismes. Alors que fraîchement débarqué dans les salles françaises, Jackie de Pablo Larraín, revient sur les trois jours qui ébranlèrent le monde, Canal+ diffuse l’épatante mini-série 22.11.63, adaptée du roman homonyme de Stephen King. James Franco y campe un modeste professeur de littérature propulsé en 1960 pour tenter d’empêcher la tragédie.

(Click on the planet above to switch language.) 

  
« We never know which lives we influence, or when, or why. »

 

22.11.63 (11.22.63)

Mini-série créée par Bridget Carpenter d’après l’œuvre de Stephen King
2016

A Lisbon dans Le Maine, l’existence de Jake Epping (James Franco), professeur de littérature en instance de divorce, n’est guère palpitante. Elle va basculer le jour où son ami Al Templeton (Chris Cooper) lui dévoile l’existence d’un portail temporel situé dans l’arrière-cuisine de son restaurant. Ce passage propulse en 1960, et depuis des années, Al l’emprunte pour tenter d’empêcher le meurtre de John F. Kennedy, convaincu que cet acte rendra le monde meilleur. Sa santé déclinant, il charge Jake de cette mission, mais le met en garde : le passé n’aime pas être modifié…

22.11.63 ou 11.22.63 en VO, résulte d’une belle association : Stephen King (auteur du livre et producteur exécutif), J. J. Abrams (producteur exécutif), James Franco (interprète principal et producteur) et Bridget Carpenter (scénariste et productrice exécutive), qui a brillamment développé le show. La mini-série a été diffusée pour la première fois en février 2016 sur la plate-forme de streaming vidéo Hulu, qui diffuse désormais films et séries, et est devenue une concurrente de Netflix et Amazon Prime. Dès le pilote, on est surpris par le classicisme du show, son rythme particulier (pas de montage cut hystérique), et son aspect romanesque qui tranche avec les séries ambiantes. Pourtant, pour qui sait être patient, 22.11.63 devient addictive. On est d’abord intrigué, puis happé par le suspense généré par ce Retour vers le futur aux multiples rebondissements. L’empreinte de l’écrivain est manifeste dans chaque montée de tension et dans cette manière d’insuffler de l’horreur dans le réel. Grâce à la justesse du jeu de James Franco, on s’identifie parfaitement à Jake, qui doit affronter au jour le jour des difficultés inattendues. Constamment sur un fil, son personnage se débat dans un univers à la fois familier et totalement fantastique. La vision utopique de ce début des années 60, dans une Amérique encore flamboyante, est gangrenée par des complots ourdis dans l’ombre et une violence refoulée sur le point d’exploser. Car comme on va le découvrir, ce n’est pas tant la politique qui intéresse King que l’humain, cœur de cette réflexion philosophique sur l’histoire, le passé et le libre arbitre. C’est ce qui rend 22.11.63 incroyablement romantique. Les personnages (la brochette d’acteurs est excellente) sont attachants, et l’histoire d’amour de Jake et Sadie (exquise Sarah Gadon) est probablement une des plus touchantes qu’on ait vue à la télévision depuis longtemps. La fin, magnifique et très fidèle à celle du livre, n’appelle pas de suite. Pour le moment heureusement, King n’a rien prévu de tel.
Mini-série en 9 épisodes d’environ 1 heure, excepté le dernier de 90 minutes.  Avec George MacKay, Cherry Jones, Daniel Webber, Lucy Fry, Nick Searcy, Josh Duhamel, Gil Bellows…

Les connaisseurs de l’univers de Stephen King s’amuseront à noter les nombreux clins d’œil (ou easter eggs) à son univers, telle la rutilante Plymouth Fury rouge conduite par Johnny Clayton, qui fut l’héroïne du génial Christine.

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