LONDON DAYS (Taxi Driver-Lazarus)

 

Le 6 janvier, sur la rive sud de la Tamise, la prestigieuse salle du Royal Festival Hall de Londres accueillait Taxi Driver, de Martin Scorsese. La projection était accompagnée d’un concert du BBC Orchestra, dirigé par Robert Ziegler, interprétant la BO de Bernard Herrmann, décédé d’une crise cardiaque la veille de Noël 1975, quelques heures après en avoir achevé la dernière séance d’enregistrement. Il avait soixante-quatre ans.

 

Sur scène, quelques minutes avant la projection, la veuve de Bernard Herrmann est revenue avec humour sur le tournage du film écrit par Paul Schrader, rappelant que son époux avait commencé par refuser catégoriquement de travailler sur “cette histoire de chauffeur de taxi”. Scorsese lui-même est ensuite apparu sur un écran géant pour présenter le film et évoquer, les larmes aux yeux, le génial compositeur — peut-être le plus célèbre de l’histoire du cinéma — qui a donné ses lettres de noblesse à la musique de film. Bernard Herrmann a signé entre autres celles de Citizen Kane, La splendeur des Amberson, Le fantôme de Madame Muir, Le jour où la Terre s’arrêta, et, était, en outre, le compositeur fétiche d’Alfred Hitchcock. La musique de Psychose, La mort aux trousses, et Sueurs froides, c’est lui. Indissociable de Taxi Driver, la BO d’Herrmann traduisant la confusion mentale de Travis Bickle, lui confère définitivement son statut de film noir, et sa mélodie, jouée au saxophone, est inoubliable. La musique ainsi mise en avant par l’un des meilleurs orchestres du monde, apparaît dans toute sa magnificence, et s’intègre idéalement dans la bande-son. On se plaît à rêver d’une telle projection pour Furyo, Out Of Africa, ou Il était une fois en Amérique.

Taxi Driver Main Theme


*********************************

Il pleuvait sur Londres le 8 janvier, jour de l’anniversaire de David Bowie, celui de ces soixante-dix ans qu’il n’aura jamais eus. Venus de toute l’Europe, ses fans ont judicieusement choisi ce jour-là pour se rendre au King’s Cross Theatre, et assister à une représentation de Lazarus, sa comédie musicale, sublime sequel de L’homme qui venait d’ailleurs (le roman de Walter Tevis dont Nicolas Roeg tira un de ses meilleurs films), une fantaisie grave et émouvante en fait, autour de son univers et sur le thème de la vie à l’approche de la mort (le grand départ), mise en scène par le Belge Ivo van Hove.

Photo Jan Versweyveld

Interprétée par une jeune troupe remarquable entourant la star Michael C. Hall, cette suite de L’homme qui venait d’ailleurs, roman dont Bowie avait acheté les droits en 2005, immerge dans les tourments d’un extraterrestre à visage humain exilé sur Terre. Incapable de mourir, désireux de retrouver sa famille restée sur sa planète, il pleure un amour passé, et est sujet à des hallucinations, tandis que son entourage se déchire.

Photo Johan Persson

La prestation de chanteur de Michael C. Hall en Thomas Jerome Newton décoiffe, mais celle qui laisse sans voix, c’est celle de la très jeune Sophia Anne Caruso, qui interprète    « Life On Mars? » et « This Is Not America »  in a broadway style, et avec une ferveur bouleversante. La scénographie est moderne, à la fois simple et sophistiquée. Dix-sept chansons de David Bowie sont intégrées dans ce show hanté par la star défunte. A la fin du spectacle, la troupe venue saluer le public se tourne vers le portrait de Bowie qui apparaît sur l’écran géant. Et, en ce 8 janvier, les spectateurs se sont levés pour entonner un « Happy Birthday David » à fendre le cœur.

BANDE-ANNONCE

Extrait Sophia Anne Caruso Life On Mars?

 

 Les plus valeureux ont ensuite bravé le crachin pour rejoindre Brixton, le quartier d’enfance de David Bowie, où ses musiciens s’étaient réunis sur la scène de l’O2 Academy. Dans l’interminable queue de fans, des clones de Bowie et de Ziggy Stardust illuminaient la nuit. Ce sont eux, l’envie de fêter leur idole disparue au cœur, qui ont vraiment fait le show, car sur scène, même si les pointures qui ont accompagné Bowie tout au long de sa carrière (Mike Garson, Gail Anne Dorsey, Earl Slick, Adrian Belew, Gerry Leonard…) n’ont pas démérité, il manquait à tous ceux qui ont chanté (Simon Le Bon, Gary Oldman, Tom Chaplin et d’autres…) la voix, la classe et les postures inimitables du Thin White Duke. On imagine que ce dernier aurait eu un sourire narquois à la vision de cette kermesse un peu foutraque. Il y avait davantage de magie à découvrir, à quelques mètres de là, la fresque à son effigie réalisée par l’artiste australien Jimmy C sur un mur de supermarché, devant laquelle les fleurs ont continué à s’entasser dans la nuit, sous la pluie de Brixton.