HUNTED : Une espionne romantique

On avait adoré la détester dans Alias, en agent double retors, et rivale de Jennifer Garner. Mais Melissa George, l’Australienne à la moue boudeuse, tient désormais sa revanche. Dans la série d’espionnage britannique mitonnée en 2012 par un des éminents scénaristes de X-Files, l’héroïne, c’est elle, et elle y est très attachante.
 HUNTED (Saison 1) (Episode 8)

Hunted

2012
Coffret 4-DVD de L’intégrale de la série (huit épisodes de 55 minutes) paru le 6 décembre 2013 chez Wild Side Video

Sam Hunter (Melissa George) est une espionne aguerrie et le meilleur élément de Byzantium, l’agence de sécurité privée britannique dirigée par Rupert Keel (Stephen Dillane). Après une mission réussie à Tanger, Sam tombe dans un piège et échappe de justesse à la mort. Gravement blessée, elle se réfugie dans la campagne écossaise. Convaincue qu’elle a été trahie par un des siens, elle entreprend de recouvrer ses forces avant de retourner sur le terrain, pour trouver le coupable…

Depuis Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers), les Anglais ont prouvé qu’en matière de série d’espionnage, ils n’avaient rien à envier aux Américains. Après l’excellente MI-5, ou la première saison de Strike Back, on ne boudera pas Hunted, une coproduction anglo-américaine créée par Frank Spotnitz en 2012. Bien que le coscénariste et coproducteur de la cultissime X-Files soit américain, c’est bien à la sauce british qu’est assaisonné ce jeu d’espions sophistiqué, qui entraîne du Maroc à l’Ecosse avant de s’acclimater aux ambiances grises et glaciales de la City à Londres, où l’agence Byzantium a ses bureaux, high-tech, forcément. Le directeur y semble constamment de mauvaise humeur (le personnage campé par Stephen Dillane est à l’exact opposé de celui qu’il interprète dans la série Tunnel) et les quatre membres de l’équipe menée par Decon Crane (Adewale Akinnuoye-Agbaje) s’observent du coin de l’œil. Evidemment, le retour de Sam ajoute à la paranoïa ambiante. Missionnée d’entrée de jeu pour surveiller Jack Turner (Patrick Malahide), un milliardaire londonien aux activités criminelles, la belle joue les baby-sitters (du petit-fils de Turner) le jour, et les machines de guerre la nuit. Infiltrer un repaire de tueurs n’étant pas chose aisée, il ne tient souvent qu’à un cheveu que Sam soit démasquée. Bien rythmée, bien ficelée et palpitante (même si l’intrigue ne brille pas par son originalité), Hunted alterne avec efficacité séquences d’action et scènes intimistes. Elle est magnifiquement servie par Melissa George, aussi attachante que convaincante dans l’action (les scènes de combat sont incroyablement réalistes), et profite de seconds rôles tout aussi impeccables (dont les très british Stephen Campbell More et Indira Varma). La mission périlleuse de l’héroïne et sa quête de vérité sont pimentées par des zestes de romance, et suivent un fil conducteur très romanesque lié au livre que la défunte mère de Sam lui lisait lorsqu’elle était enfant. Diffusée à l’automne 2012 sur BBC1 et Cinemax (aux Etats-Unis), Hunted a cependant suscité un torrent d’indignations après la parution du huitième et dernier épisode, censé conclure la série, qui a laissé l’intrigue partiellement non résolue. Que les fans se rassurent, même si la BBC a retiré ses billes, la chaîne américaine partenaire s’est engagée pour un spin-off (une sorte de suite donc) qui devrait s’intituler tout simplement Sam Hunter. Les aventures de la belle espionne sont donc loin d’être achevées. Espérons juste que sans le savoir-faire britannique, son charme opérera encore.

BANDE-ANNONCE

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 Test DVD :

Interactivité*
Le programme ne propose que des bandes-annonces et onze minutes de scènes inédites, dont certaines ne sont cependant pas dénuées d’intérêt.

Image ***
Format : 1.78
La grisaille de Londres est joliment mise en valeur par cette image très lumineuse aux reflets métalliques. Pas grand-chose à envier au Blu-ray.

Son : ***
DD 5.1 et 2.0 en français et anglais
Sous-titres français non-imposés
Un DD 5.1 enveloppant, qui soutient efficacement les scènes d’action. On privilégiera la version anglaise pour profiter des accents à couper au couteau de certains acteurs.

La série est également disponible en Blu-ray et en VODHunted_101712_header

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SCREWBALL : Divine Comédie

Tous les amoureux de comédies romantiques le savent, il n’y a pas plus chic, plus spirituel, plus jubilatoire que la comédie screwball hollywodienne. Les excentriques Indiscrétions (The Philadelphia Story, 1940) de George Cukor, L’Impossible monsieur Bébé (Bringing Up Baby, 1938) et La dame du vendredi (His Girl Friday, 1940) de Howard Hawks, ou Cette sacrée vérité (The Awful Truth, 1937) de Leo McCarey comptent parmi les chefs-d’œuvre du genre. Grégoire Halbout, angliciste et docteur en études cinématographiques, enseignant à Sciences Po et Paris 5 – René Descartes, s’est penché sur le sujet, qu’il a creusé sans modération dans La comédie screwball hollywoodienne 1934-1945, l’ouvrage qu’il vient de publier chez Artois Presses Université.

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« Screwball est un mot étroitement associé aux sports de balle, à commencer par le billard et le cricket, où il désigne un mouvement de torsion au moment de frapper la boule ou la balle… Les notions immédiatement corrélées à l’expression screwball expriment l’idée d’un comportement déviant, d’un tour qui prend par surprise. » Grégoire Halbout

PhilsdelphiaStory_WEB Katharine Hepburn, John Howard, Cary Grant et James Stewart dans Indiscrétions (The Philadelphia Story)

Issu de la thèse de doctorat de l’auteur, ce livre d’érudit, sous-titré Sexe, amour et idéaux démocratiques, revient sur les origines du genre et le replace dans le contexte de la société américaine, alors en pleine libéralisation de ses mœurs. On y apprend que même si ses prémices se font sentir dans le cinéma muet et dans la comédie sophistiquée, la comédie screwball prend son envol en 1934, avec trois films en particulier : New York-Miami, de Frank Capra, Train de luxe (Twentieth Century) d’Howard Hawks et L’Introuvable (The Thin Man) de W. S Van Dyke (premier épisode d’une truculente saga illuminée par le tandem William Powell-Myrna Loy). Historique, stylistique, esthétique, politique, sociologique, tous les aspects du genre sont décryptés par Grégoire Halbout qui n’omet pas d’évoquer les relations tendues avec la censure de l’époque (le code Hays est en vigueur), qui n’appréciait guère les écarts de langage et les tenues légères (peignoirs ou pyjamas !) de ces comédies loufoques. Ainsi, on découvre que L’impossible monsieur Bébé est « un des films les plus fréquemment cités pour illustrer le pouvoir du langage et des dialogues à double-sens dans la comédie américaine ». Il est aussi « le film screwball contenant le plus grand nombre de mots à connotation sexuelle ».

Si le livre semble parfois un peu technique, il est une véritable mine d’informations, tel cet inventaire des meilleures comédies screwball par réalisateur, qui fera le bonheur des cinéphiles.

screwballClaudette Colbert et Clark Gable dans New York-Miami (It Happened One Night)

impossible-monsieur-bebe-06-gKatharine Hepburn et Cary Grant dans L’impossible monsieur Bébé (Bringing Up Baby)

18444941.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxIrene Dunne et Cary Grant dans Cette sacrée vérité (The Awful Truth)

L’INCONNU DU LAC : beau thriller naturaliste, gay et rohmérien

Elu « Meilleur film de l’année 2013 » par Les Cahiers du Cinéma, qualifié de « chef-d’œuvre » par Les Inrockuptibles, le thriller passionnel d’Alain Guiraudie transgresse les tabous de manière radicale et joue l’universalité. Le réalisateur et les comédiens se confient dans les bonus de la belle édition Collector DVD, enrichie du scénario.

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L’inconnu du lac

Alain Guiraudie
2013 (DVD Epicentre Films)

C’est l’été. Il fait très chaud. Sur la berge d’un lac du Sud de la France, des naturistes, tous des hommes, prennent des bains de soleil. Franck (Pierre Deladonchamps) décide de piquer une tête. Au milieu du lac, il observe la plage, et remarque un homme qui se tient à l’écart. Intrigué par cet inconnu, le seul à être vêtu, il entame une conversation amicale. Après avoir évoqué la présence d’un silure de cinq mètres dans le lac, l’homme, prénommé Henri (Patrick D’Assumçao), lui confie que sa femme vient de le quitter. Peu après, Franck remarque Michel (Christophe Paou), un bel athlète, et tente une approche. Mais Michel a déjà un partenaire, plutôt possessif. Le lendemain, alors que le soleil se couche, Franck, du sous-bois qui domine le lac, surprend Michel en train de noyer son amant…

Alain Guiraudie n’y va pas par quatre chemins. Un des tout premiers plans du film le montre nu, allongé sur la berge du lac, les parties intimes au soleil. Autour de lui, d’autres naturistes, tous des hommes, et tous gays, se prélassent sur leur serviette, se draguent et parfois vont faire l’amour, en toute discrétion, dans le petit bois qui surplombe la plage. Ce ballet de petits rituels n’est pas sans effets comiques (ce voyeur qui se fait invariablement houspillé par les couples). La scénographie a son importance, et l’histoire se joue sur quatre tableaux : le parking, symbole de la journée qui vient ou s’achève, la plage, le petit bois, et le lac. Inondé de soleil, sans autre musique que celle du vent dans les arbres et le clapotis de l’eau, ce tableau hédoniste devient de plus en plus angoissant. Sans altérer d’un iota l’esthétique ou la scénographie, le réalisateur, par petites touches subtiles, parvient à faire monter la tension. Les conversations prennent alors un double sens, la futilité fait place à l’essentiel. La mort s’invite dans ce tourbillon de désir et de passions, et fait tomber les masques. Comme chez Rohmer, le caractère épuré et naturaliste du film (les acteurs eux-mêmes jouent un peu faux) confère à chaque geste, chaque mot, une importance. Et si Guiraudie n’hésite pas à montrer les corps dans leur intimité (prenant le risque de choquer), ce n’est pas par provocation gratuite. Ils ont beau se mettre à nu, revendication de leur liberté sexuelle et du droit de jouir de leur corps comme il leur semble, ces hommes n’en sont pas moins prisonniers, de leurs instincts, de leurs passions, et jouent avec le feu. Il y a quelque chose de pourri dans ce Paradis sur Terre. D’où la remarque sage de l’inspecteur chargé de l’enquête, choqué par l’indifférence et le manque de solidarité de ces hommes entre eux après le meurtre : « Moi, je trouve que, parfois, que vous avez une drôle de façon de vous aimer. » L’homosexualité a toujours été plus ou moins au cœur du cinéma de Guiraudie, mais ici, elle s’affiche, sans tabous, jusque dans les scènes de sexe, impudiques, parfois dérangeantes et quasi inédites dans le cinéma d’auteur français (le film est interdit au moins de 16 ans). C’est tout le talent du cinéaste d’avoir fait de cette réalité une évidence, et cette œuvre, à la fois singulière et universelle, fera assurément date.

BANDE-ANNONCE
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Diffusé dans les salles en juin 2013, après avoir remporté le Prix de la mise en scène de la sélection Un certain regard ainsi que la Queer Palm à Cannes, le film a suscité de vives polémiques entre partisans et opposants au mariage gay. L’affiche, jugée trop suggestive par les municipalités de Vincennes et Saint-Cloud, y a été purement et simplement interdite.

Test Edition Collector 2-DVD :

Interactivité***
Le premier DVD, consacré au film, propose également une galerie de photos, la filmographie d’Alain Guiraudie et la bande-annonce. Sur le second disque, on peut découvrir une discussion intéressante de 25 minutes entre le cinéaste et son confrère portugais João Pedro Rodrigues (Odete, O Fantasma), qui qualifie joliment le film de « huis clos à ciel ouvert ». Sa présentation à Cannes devient un making of dans lequel la productrice Sylvie Pialat et les comédiens reviennent sur ce tournage audacieux (les comédiens ont été doublé dans les scènes de sexe), mais rendu possible grâce au climat de confiance et de respect créé par le réalisateur (16 minutes). La création de l’affiche controversée fait ensuite l’objet d’un reportage pertinent. On y constate à quel point les auteurs l’ont édulcorée pour ne pas choquer le public. L’édition a la bonne idée de présenter le premier court-métrage d’Alain Guiraudie, Les héros sont immortels (1990), introduit par Roy Gentil, le directeur artistique de L’inconnu du Lac, qui n’est pas sans similitude avec le film, et dont le générique de fin vaut son pesant de cacahuètes. Des scènes inédites non finalisées (4 minutes) et une galerie de photos de tournage figurent également au programme. Enfin, le coffret inclus un livret de 88 pages dédié au scénario du film, écrit par Alain Guiraudie.

Image ****
Format : 2.35
La luminosité et l’aspect solaire du film (la photo est signée Claire Mathon) sont magnifiquement retranscrits par cette image contrastée et éblouissante. Les noirs sont d’une profondeur abyssale.

Son : ****
DD 5.1 et 2.0 en français
Sous-titres pour sourds et malentendants
Une piste DD 5.1 idéale, qui met en valeur aussi bien les dialogues que les effets sonores

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