FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX

Dévoilée en grande pompe au festival de Cannes dernier, la préquelle de l’excellent Fury Road a fait un flop au box-office. Et pourtant, cette odyssée postapocalyptique à la fois épique, spectaculaire, grisante, fun et émouvante, emballe et tient en haleine. La nouvelle folie de George Miller a en outre un atout de taille : Anya Taylor-Joy, véritablement sensationnelle. (pas de spoiler dans cet article)

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« Mon enfance, ma mère… je veux qu’on me les rende. »

 

FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX (Furiosa : A Mad Max Saga)

George Miller
2024
Dans les salles françaises depuis le 22 mai

En Australie, quarante-cinq ans après l’effondrement de la civilisation, une poignée d’humains a réussi à survivre dans une oasis, la Terre Verte, cachée aux confins du désert de la Désolation. Un jour, la jeune Furiosa (Alyla Browne) découvre des pillards à proximité du sanctuaire. Elle parvient à donner l’alerte, mais elle est capturée par la horde de motards dirigée par un psychopathe sans foi ni loi, Dementus (Chris Hemsworth). La fillette va devoir manœuvrer habilement pour survivre dans ce monde de sauvages, hantée par deux obsessions : se venger et rentrer chez elle…

À soixante-dix-neuf printemps, George Miller ne s’est pas assagi. Quarante-cinq ans après avoir donné vie au personnage de Mad Max, il explore de nouveau et avec panache son fantastique terrain de jeu, devenu avec le temps et cinq épisodes une véritable mythologie. Curieusement, ce cinquième volet a été écrit avant le quatrième, Fury Road. Afin de construire le rôle de Furiosa campée alors par Charlize Theron, le cinéaste avait imaginé son passé avec force détails. L’idée de porter cette genèse à l’écran s’est ensuite imposée. L’action se déroule donc quelques décennies avant celle de Fury Road, dans le même univers. On y retrouve certains personnages, mais Max (incarné par Tom Hardy dans l’épisode précédent) n’est pas de la partie. À la différence de son prédécesseur — course-poursuite effrénée, avec peu de dialogues et de l’action non-stop — Furiosa s’attarde sur la genèse de son personnage, à la manière des récits de la Grèce antique. Comme Ulysse qui aspire à rentrer chez lui, Furiosa, confrontée à moult dangers, devra surmonter des épreuves et créer des alliances. C’est aussi un concept de jeu vidéo. La jeune actrice Alyla Browne (Furiosa petite) et Anya Taylor-Joy excellent. Si l’enfant ressemble tant à son aînée c’est que pour son interprète, George Miller a eu recours à l’intelligence artificielle. Il a fusionné les visages des deux actrices. Ah Anya Taylor-Joy ! Une révolution à elle seule ! Depuis The Witch, la star du Jeu de la dame éblouit constamment. L’actrice de vingt-huit ans a confié avoir été époustouflée par la performance de Charlize Theron dans Fury Road. À son tour, elle est particulièrement convaincante en guerrière assoiffée de vengeance. Les Cahiers du Cinéma la voit comme une « anti-Barbie » quand Les Inrockuptibles juge cette héroïne mutique et monolithique « furieusement keatonienne ». Son étrangeté et ses grands yeux fascinent, et elle rayonne dans ce monde de sauvages. Le pire d’entre eux, Dementus, psychopathe sanguinaire et bouffon, est campé par l’Australien sculptural Chris Hemsworth qui en fait des tonnes côté burlesque (trop je ne sais pas… Ses reparties, parfois hilarantes, finissent par atténuer son aspect menaçant). Mais, les noms des membres de la tribu d’Immortan Joe en attestent (Scrotus, Rictus Erectus…), la peur du grotesque voire du ridicule n’effraie pas le génial cinéaste australien. On pourra reprocher les effets spéciaux en images de synthèse qui laissent parfois à désirer, mais côté chaos, on est servi. Le fracas, la fureur et l’huile de moteur sont toujours au programme. Les courses-poursuites de motos trafiquées, de voitures rétro customisées, de monster trucks, de camions-citernes de folie, et même de chars de combat « faits maison » impressionnent. On reste également béat devant les chorégraphies des War Boys qui chevauchent ces machines tels des kamikazes gracieux. Furiosa ne se hisse peut-être pas à la hauteur du chef-d’œuvre d’action qu’était Fury Road, plus abouti (et bénéficiant de l’effet de surprise, quinze ans après le décevant Dôme du tonnerre), mais il s’inscrit parfaitement dans la franchise, australienne en diable. Hélas, son échec au box-office risque de compromettre le prochain épisode envisagé par Miller, The Wasteland, consacré au personnage de (Mad) Max Rockatansky. On croise les doigts.
(2 h 28) Et avec Tom Burke, Lachy Hulme, George Shevtsov, Charlee Fraser, Elsa Pataky, Josh Helman, Nathan Jones, John Howard, Goran D. KLeut…

 

CIVIL WAR d’Alex Garland

Le scénariste de 28 jours plus tard, Never Let Me Go, Dredd, créateur de la série Devs et réalisateur, entre autres, de Ex Machina, signe un grand film sur la folie de la guerre, d’un nihilisme absolu. Ici, pas de Captain America pour sauver l’humanité. Le mérite-t-elle seulement ?

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« What kind of American are you ? »

 

CIVIL WAR

Alex Garland
2024
Dans les salles françaises depuis le 17 avril 2024

Aux États-Unis, la Californie et le Texas ont formé une coalition afin de renverser le gouvernement aux dérives pour le moins totalitaires. Alors que la guerre civile embrase tout le pays, une équipe de reporters de terrain — trois vétérans et une jeune photographe ambitieuse — entament un road trip jusqu’à Washington. Ils espèrent pouvoir réaliser une ultime interview du président avant qu’il ne soit destitué ou pire…

Terrifiant. C’est l’adjectif qui qualifie le mieux le dernier film en date d’Alex Garland, dont on avait particulièrement aimé Ex Machina, paru en 2015. Ici, autant dire qu’il ne fait pas dans la dentelle. Civil War impressionne par son réalisme hallucinant, qui le rend très immersif. La puissance des images, le bruit assourdissant des balles, des explosions, glacent le sang (sursauts garantis). Le cinéaste ne s’attarde pas sur le pourquoi du comment du conflit (c’est le principal reproche de ses détracteurs). On pense aux images de l’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump en 2021 (même si Garland avait écrit son film avant). Ce jour-là, ce qu’on pensait impossible était arrivé, et que les énormités de Trump soient acclamées, depuis, par une partie des Américains, peut faire craindre le pire. Ce coup de poing cinématographique du réalisateur britannique n’est donc pas superflu. Ni romantique ni épique, sa représentation de la guerre en appelle autant au blockbuster qu’au documentaire. Le film a été tourné en IMAX, d’où une profondeur de champ incroyable, mais il revient bien vite à hauteur d’homme. Car ce qui intéresse Garland, c’est l’humain, ou ce qu’il en reste quand l’heure est au chaos, à la survie, au chacun pour soi. Comme les protagonistes tout au long de leur voyage, on assiste à des scènes apocalyptiques d’une violence et d’une tension extrêmes. Les paysages de désolation et de destruction semblent parfois sortir tout droit des séries The Walking Dead ou The Last Of Us (mais les images des récentes émeutes en Nouvelle-Calédonie n’ont rien à leur envier).

Qu’on ne s’y trompe pas : les journalistes ne sont pas épargnés non plus. Le cinéaste porte sur eux un regard aussi critique que celui sur les rednecks racistes qui profitent du désordre pour régler leurs comptes de manière expéditive et arbitraire. Ces reporters et photographes de terrain sont dopés à la violence, qu’ils esthétisent même dans leurs clichés. Pour se sentir vivants, ramener un scoop ou une photo qui fera le tour du monde, il leur faut approcher la mort au plus près. Pour eux, la guerre a des airs de safari. Soumis à un tournage aux conditions extrêmes, les acteurs se sont surpassés. On salue la performance de Kirsten Dunst, touchante en photographe désenchantée qui se découvre peu à peu une conscience, comme le vétéran et sage de l’équipe, campé par Stephen McKinley Henderson. Wagner Moura, inoubliable Pablo Escobar de la série Narcos, incarne un journaliste aussi courageux que désinvolte, accro à l’adrénaline. Quant à Cailee Spaeny, la Priscilla du film de Sofia Coppola, elle est parfaite en gamine irréfléchie et tête à claques. Relevé par une bande-son judicieuse (Suicide, De La Soul…) le film, très éprouvant, alterne les séquences chocs et les respirations, les plans larges et plus resserrés, et maintient un rythme soutenu. Quant à la fin, radicale et étonnante de cynisme, elle a quelque chose du New York 1997 de Carpenter. Il ne manque plus que Snake Plissken (« le président de quoi ? »). Âmes sensibles s’abstenir.
1h 49 Et avec Jesse Plemons, Nick Offerman, Nelson Lee, Jefferson White, Evan Lai…

 

LaROY : Where the f… is ?

Après avoir raflé le Grand Prix, le Prix du Public et le Prix de la Critique au Festival du Cinéma Américain de Deauville en septembre dernier, ce petit bijou a déboulé sur les écrans français. Si vous aimez l’humour des frères Coen, courez-y !

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« Allez mec, on cherche des indices, on résout des crimes et on se crée des souvenirs ! »

 

LaROY (LaRoy, Texas)

Shane Atkinson
2023
Dans les salles françaises depuis le 17 avril 2024

Une indélicatesse de Skip (Steve Zahn), qui joue les détectives privés au grand mépris de la police de LaRoy, petite bourgade du Texas, a permis à Ray (John Magaro) de découvrir l’infidélité de son épouse. Anéanti, ce modeste employé d’un magasin de bricolage achète un revolver afin de mettre un terme à sa morne existence. Il choisit de passer à l’acte une nuit, sur le parking du motel où les amants se retrouvent. Problème, c’est sur ce même parking qu’un type du coin, désireux de se débarrasser d’un gêneur, a donné rendez-vous à un tueur à gages. Pris au dépourvu par l’irruption de cet inconnu qui lui offre une belle enveloppe, Ray ne le détrompe pas et accepte la mission. Il n’aurait pas dû… 

Au festival de Deauville, le 6 septembre dernier, la première projection de LaRoy a donné lieu à un tonnerre d’applaudissements. Un spectateur s’est levé pour dire au jeune metteur en scène Shane Atkinson, présent dans la salle, qu’il était certain qu’il remporterait le Grand Prix. C’était une évidence. Comédie noire dans la veine du cinéma de Martin McDonagh (Bons baisers de Bruges en tête), des frères Coen, et qui rappelle aussi Cut Bank, la série B jubilatoire de Matt Shakman, ce premier film est une merveille d’écriture (Shane Atkinson a signé le scénario) et de réalisation. Comme dans la série Fargo, il met à l’honneur un nigaud pathétique, rabaissé par son entourage, entraîné malgré lui dans une spirale de violence. À la surprise générale, le loser va se révéler plus retors que prévu. Produit par le Français Sébastien Aubert et sa société Adastra Films, ce néowestern est porté par des acteurs truculents dont un Steve Zahn aussi drôlissime que touchant en détective privé plein d’ambition, mais constamment ridiculisé. La sublime photo de Mingjue Hu met en valeur les paysages de ce Texas de fiction (le film a été tourné au Nouveau-Mexique) et la musique ad hoc des trois compositeurs français (Rim Laurens, Delphine Malaussena et Clément Peiffer) sied idéalement à ce polar nourri d’americana, qui alterne adroitement la comédie et le drame. Un régal !
1 h 52. Et avec Dylan Baker, Megan Stevenson, Matthew Del Negro, Galadriel Stineman, Brad Leland, Darcy Shean…