BEST OF ACTEURS ET ACTRICES 2020

Pandémie oblige, très peu de films ont été diffusés en salles en 2020, une situation qui a grandement profité à Netflix et aux plateformes de streaming. Fatalement c’est là, en majeure partie, qu’on a pu découvrir les plus belles performances, que ce soit dans les longs-métrages, les séries ou les mini-séries. Voici donc mon top (21 du coup) de ceux et celles qui ont particulièrement brillé, en salles ou à domicile.

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1 – LE PHÉNOMÈNEAnya Taylor-Joy dans Le jeu de la dame (The Queen’s Gambit). Elle a mis tout le monde au tapis dans la mini-série de Scott Frank et Allan Scott. (Netflix – octobre 2020)

 

2 – LE CINGLÉAdam Sandler fait un numéro de folie dans Uncut Gems de Josh et Benny Safdie
(Netflix – janvier 2020)

 

3 – LA RÉVÉLATION
Julia Fox, incroyable dans Uncut Gems 

 

4 – LE CHOUCHOU
Thomas Brodie-Sangster, épatant comme toujours, dans Le jeu de la dame

 

5 – LE SENSATIONNEL Robert Pattinson bluffant dans Tenet de Christopher Nolan (en salles en août 2020)

Et dans Le Diable tout le temps (The Devil All The Time) de Antonio Campos (Netflix – septembre 2020)

 

6 – LA FLIPPANTEAmanda Collin, une androïde très convaincante dans Raised By Wolves, série de Aaron Guzikowski et Ridley Scott
(Warner TV- Décembre 2020)

 

7 – LE TOURMENTÉBen Mendelsohn, si humain dans la terrifiante mini-série The Outsider de Richard Price
(OCS – Janvier 2020)

 

8 – LES ATTACHANTSWill Sharpe, Aoi Okuyama, Takehiro Hira, Kelly Macdonald et Yôsuke Kubozuka dans Giri/Haji, mini-série de Joe Barton, ma préférée de 2020.
(Netflix – janvier 2020)

 

9 – LA BELLE ÉQUIPE Mark Rylance, Eddie Redmayne, Sacha Baron Cohen, Jeremy Strong, Alex Sharp, Yahya Abdul-Mateen II, Joseph Gordon Levitt, Frank Langella, Michael Keaton…  le jeu d’acteur à son top dans Les sept de Chicago (The Trial of The Chicago 7) d’Aaron Sorkin
(Netflix – octobre 2020)

 

10 – LA BOULEVERSANTEMarie Colomb dans Laëtitia, excellente mini-série de Jean-Xavier de Lestrade et Antoine Lacomblez (mention spéciale à Alix Poisson et Yannick Choirat)
(septembre 2020 – France 2)

 

11 – LES SURDOUÉSSaoirse Ronan et Timothée Chalamet dans Les filles du docteur March (Little Women) de Greta Gerwig (en salles en janvier 2020)

 

12 – L’ÉBLOUISSANTEÉmilie Dequenne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret (en salles en septembre 2020 )

 

13 – L’HÉROÏQUEMark Ruffalo dans Dark Waters de Todd Haynes (en salles en février 2020)

 

14 – LA DIVANicole Kidman fascinante dans The Undoing, mini-série de David E. Kelley
(OCS – Octobre 2020)

 

15 – LA COURAGEUSEVictoria Pedretti dans The Haunting of Bly Manor, mini-série éprouvante de Mike Flannagan
(Netflix – octobre 2020)

 

16 – L’HILARANTE Philippine Leroy-Beaulieu, belle revenante, dans Emily In Paris de Darren Starr
(Netflix – octobre 2020)

 

17 – LE FANTASMEAmanda Seyfried sublime dans Mank, de David Fincher (bon Gary Oldman y est formidable aussi, mais lui, il est hors catégorie)
(Netflix – décembre 2020)

 

18 – L’INOXYDABLEJames Spader dans Blacklistsérie de Jon Bonkenkamp qui reste une valeur sure.
(Saison 7 Netflix 2019-2020)

 

19 – LE PAUMÉJude Law pas à la noce dans The Third Day, mini-série de Felix Barrett et Dennis Kelly (OCS – Septembre 2020)

 

20 – LES IRRÉDUCTIBLESMark Rowley et Arnas Fedaravicius, ceux qu’on voudrait avoir comme copains, dans The Last Kingdom, série épatante de Stephen Butchard (Saison 4 – avril 2020 – Netflix)

 

21 – LES FANTASTIQUESPedro Pascal et Grogu (alias Bébé Yoda), ceux qu’on voudrait aussi avoir comme copains, dans The Mandalorian, de Jon Favreau
(Saison 2 octobre 2020 – Disney+)

NB : Si j’avais vu la quatrième saison de The Crown, j’aurais probablement inclus Emma Corrin ou Gillian Anderson. Mais je n’en suis qu’à la troisième. Pas vu non plus Unorthodox, où paraît-il, brille Shira Haas. This is the way. 

ARIANE (Love In The Afternoon) Coffret Ultra Collector

La ressortie en vidéo d’un film avec Audrey Hepburn est toujours un événement. Les éditions Carlotta ont concocté un écrin magnifique pour la comédie la plus lubitschienne de Billy Wilder, tournée à Paris en 1956 et qui paraît pour la première fois en Blu-ray. On y suit les tribulations de la fille d’un détective privé qui s’éprend du playboy milliardaire de trente ans son aîné que son père est chargé de filer. À l’époque, la bande-annonce ne faisait pas dans la dentelle : « Quand une fille sans aucune expérience entre dans le jeu de l’homme le plus expérimenté au monde… » Piquante, osée et un brin nostalgique, cette comédie romantique brillamment écrite est (comme les robes de Givenchy), cousue sur mesure pour Audrey Hepburn, qui mène ici Gary Cooper par le bout du nez.

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« Tout en vous est parfait.
– Je suis trop maigre. J’ai les oreilles décollées, les dents de travers et le cou bien trop long…
– C’est possible, mais j’adore l’ensemble. »

  

ARIANE (Love In The Afternoon)

Billy Wilder
1957
En coffret Ultra Collector chez Carlotta depuis le 18 novembre, disponible en éditions Blu-ray et DVD séparées

Ariane (Audrey Hepburn), jeune étudiante au Conservatoire, est la fille de Claude Charasse, le détective privé le plus compétent de Paris (Maurice Chevalier). En cachette de son père, elle ne cesse de fouiner dans ses dossiers. Toutes ces affaires d’adultère, qu’elle considère plutôt comme des histoires d’amours contrariées, la font rêver. Un jour, elle entend fortuitement un mari trompé fou de rage (John McGiver) annoncer à son père qu’il compte tuer l’amant de sa femme. L’homme visé est Frank Flannagan (Gary Cooper), un milliardaire américain, businessman et séducteur notoire. Tout doit se passer dans la suite de ce dernier, au Ritz. Sans en toucher un mot à son père, Ariane décide d’intervenir…

Il y a comme un air d’Emily In Paris dans le prologue de cette comédie sophistiquée de Billy Wilder où la voix off de Maurice Chevalier décrit la capitale française comme « la ville de l’amour ». Trois ans après Sabrina, qui avait décroché un Oscar et cinq nominations, le génial cinéaste dirige à nouveau l’exquise Audrey Hepburn. Pour la première fois, il s’est affranchi des studios hollywoodiens et c’est en indépendant qu’il produit et réalise Love In The Afternoon (titre bien plus explicite que le chaste Ariane) pour lequel il choisit de travailler avec le scénariste I. A. L. Diamond (Chérie, je me sens rajeunir) qui deviendra dès ce tournage son collaborateur attitré. Ce brillant mathématicien d’origine roumaine (I. A. L. est l’abréviation de Interscholastic Algebra League) qui s’était détourné d’une carrière d’ingénieur pour devenir scénariste, avait un certain génie pour le comique de situation. Avec Billy Wilder, sa mécanique allait se révéler d’une efficacité redoutable. La précision de l’écriture resplendit dans cette comédie souvent poussée jusqu’à l’absurde (comme en témoigne la scène de beuverie de Flannagan, renvoyant sans cesse la table à roulettes aux musiciens tziganes). Le cinéaste s’amuse à faire du Lubitsch, son maître à penser. Mais s’il est fait des allusions aux existentialistes — en témoigne notamment ce portrait d’Ariane fait par Flannagan : « Vous avez ce côté parisien, ce ‘petit quelque chose’ dit-on Rive Gauche, ce piquant soupçon d’apéritif… » —, on peut cependant s’étonner qu’à l’aube de la Nouvelle Vague (la même année, Louis Malle tourne Ascenseur pour l’échafaud), ce film affiche un aspect incroyablement suranné. L’air de Fascination, valse tzigane composée en 1904 par Dante Pilade Marchetti, en guise de gimmick, la présence de Maurice Chevalier, les décors en trompe-l’œil d’Alexandre Trauner… cette vision nostalgique d’un Paris romanesque et qui pétille est celle que réalisateur d’origine autrichienne avait conservée de la capitale française lors de son exil en France dans les années 30, après avoir fui l’Allemagne nazie. D’ailleurs, la comédie est une adaptation du roman Ariane, jeune fille russe, de Claude Anet (auteur de Mayerling), déjà porté à l’écran en 1931 — et de manière plus crue — par Paul Czinner, compatriote de Wilder. Sous ses atours charmants, Love In The Afternoon parle de sexualité et d’une liaison entre une très jeune fille et un homme vieillissant qui pourrait être son père. Ce sujet tabou, licencieux, a fortiori dans un film hollywoodien, fit tiquer la censure, et Wilder dut manœuvrer habilement (les dialogues sont truffés de sous-entendus) et faire quelques concessions, notamment dans l’épilogue. Après Humphrey Bogart et Fred Astaire, c’est à un autre vétéran d’Hollywood que la juvénile Audrey Hepburn donne ici la réplique. Le géant Gary Cooper (deuxième choix du réalisateur qui aurait préféré Cary Grant) n’est pas franchement à l’aise dans ce rôle de vieux séducteur désabusé, même si son personnage est une émanation non fortuite de celui qu’il incarnait en 1938 dans La huitième femme de Barbe-Bleue de Lubitsch, coécrit par… Billy Wilder. L’acteur, qui avait surtout été convaincu par l’idée de tourner à Paris qu’il adorait, a malgré tout « ses petits moments », comme lors de la séquence à l’Opéra, où, par ennui, il ne peut s’empêcher de faire le clown, ou lorsqu’il passe de l’amusement à la jalousie la plus tenace. Quant à Audrey Hepburn, sublime, touchante, gracieuse — Flannagan, ignorant son nom, la surnomme « brindille » (« thin girl ») —, remarquablement mise en valeur par Wilder, elle est à elle seule un enchantement.
2 h 10 Et avec Van Doude, Lise Bourdin, Olga Valéry, Audrey Young (Madame Wilder à la ville)…

 

TEST COFFRET ULTRA COLLECTOR N° 18

Ce coffret dont le visuel est une création de Deanna Hallsall comprend l’édition Blu-ray, le DVD et un livre de 160 pages, Le romanesque triomphant : Ariane de Billy Wilder. Il est constitué de plusieurs interviews, analyses et critiques parues dans Positif depuis les années 70 mettant en lumière le film et le travail de Billy Wilder.

Interactivité ***
Le programme de suppléments reprend peu ou prou celui du DVD de 2009 (le visuel des éditions simples est également le même) et y ajoute un inédit de poids, Portrait d’un homme à « 60% parfait », documentaire sur Billy Wilder réalisé par Annie Tresgot et Michel Ciment en 1980. Ciment avait interviewé le réalisateur chez lui en Californie. Pour le reste, on retrouve le reportage instructif conduit par N. T. Binh, critique à Positif, qui se penche sur les archives papier et photos d’Ariane, conservées comme tant d’autres, à la Cinémathèque française (26 minutes). Il y interviewe également la fille de Michel Kokas, le leader du groupe de musiciens tziganes qui accompagne Flannagan partout où il se rend. Le journaliste revient ensuite sur les thèmes développés dans le film et insiste sur l’influence de Lubitsch chez Billy Wilder (26 minutes). Un entretien avec Hubert de Givenchy permet d’en savoir plus sur sa complicité avec Audrey Hepburn (9 minutes). On y apprend que sollicité pour faire les costumes de Sabrina, il avait accepté pensant qu’il allait enfin habiller Katharine Hepburn, qu’il admirait. Le charme d’Audrey a eu vite raison de son désappointement et seule la mort de l’actrice en 1993 mettra un terme à cette amitié et collaboration devenues légendaires. La bande-annonce d’époque figure également au menu et témoigne de la belle restauration du film.

Image ***
Format : 2.40
La restauration en 2K est probante. Certaines scènes sont d’une netteté, d’une luminosité et d’un contraste sidérants. D’autres sont moins précises. Une inégalité qui ne nuit cependant pas au confort du visionnage.

Son ***
DTS-HD Master Audio 1.0 en VOST et français
Équilibrée, sans souffle ni parasite aucun, la piste mono est tout à fait correcte pour un film de cet âge. Version originale à privilégier.

LES CHOSES QU’ON DIT, LES CHOSES QU’ON FAIT

Il y a des films qui donnent envie de courir les voir dès l’annonce de leur parution. Celui d’Emmanuel Mouret est de ceux-là. D’abord, il y a le titre, espiègle. Et puis parce que depuis la disparition d’Eric Rohmer, le réalisateur de Changement d’adresse, Un baiser s’il vous plaît, Caprice ou le récent Mademoiselle de Joncquières, qui n’en finit pas d’explorer l’art d’aimer, est un des rares à pratiquer un cinéma hors du temps et courtois, aux dialogues spirituels et à la mise en scène aussi précise qu’une horloge suisse. Attention, sous des dehors frivoles, ce ballet sentimental se révèle parfois grave et souvent cruel. On en sort ébloui.

 

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« Je ne veux pas être la maîtresse d’un homme marié.
– Je n’aurais pas dû te dire que j’étais marié.
– Si, sinon je n’aurais pas couché avec toi.
– Mais pourquoi tu as voulu coucher avec moi alors ?
– Parce que tu étais marié, en pensant que, justement, tu n’allais pas vouloir recommencer. »

 

LES CHOSES QU’ON DIT, LES CHOSES QU’ON FAIT

Emmanuel Mouret
2020
En salles depuis le 16 septembre

Maxime (Niels Schneider) est invité en Provence dans la maison de vacances de son cousin François (Vincent Macaigne) qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Il est accueilli par Daphné (Camélia Jordana), la compagne de ce dernier, qui lui explique que François a été retenu quelques jours à Paris. Entre deux balades touristiques, Maxime et Daphné font peu à peu connaissance en faisant le récit de leurs histoires d’amour respectives et plutôt compliquées…

Après la rigueur de Mademoiselle de Joncquières (lire ma critique), inspiré de Diderot, Emmanuel Mouret se tourne vers l’univers de Marivaux. D’ailleurs, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait aurait pu s’intituler Le jeu de l’amour et du hasard. Ce qui intéresse le cinéaste ici, c’est l’inconstance, celle qui pousse les hommes et les femmes à mentir, à se mentir, à trahir, à douter, à se mettre dans des situations rocambolesques et à faire parfois exactement l’inverse de ce que la raison leur dicte. Maxime (Niels Schneider, un regard de chien battu) est ainsi ballotté d’une intrigue à une autre sans jamais avoir de prise sur les événements. Brillamment écrit et orchestré (façon réaction en chaîne), avec une fluidité et une précision dignes du cinéma de Woody Allen, ce ballet sentimental est un régal. Les tourments amoureux des personnages (séduction, tentation, passion, déception… mais au fond, qu’est ce que l’amour ?) engendrent des scènes parfois cocasses, parfois cruelles (des chefs-d’œuvre de la musique classique font un pertinent contrepoint). S’il n’exclut pas d’y mettre de la gravité, le regard que porte le cinéaste sur ses personnages est constamment bienveillant, jamais moralisateur, et aucun d’entre eux n’apparaît méprisable. Comme souvent, Mouret a sollicité des comédiens inattendus dans un tel registre, et tous sont à la hauteur (Camélia Jordana, à contre-emploi, est très appliquée, et Émilie Dequenne, dans une partition touchante, est particulièrement excellente). On ne s’ennuie pas une seconde durant ce chassé-croisé amoureux de deux heures, ponctué de flash-backs, de rebondissements et de suspense, illustration joyeuse du proverbe : « l’être humain est un éternel insatisfait ».
2 h 02 Et avec Guillaume Gouix, Jenna Thiam, Julia Piaton, Louis-Do de Lencquesaing…