PROXIMA/AD ASTRA

VERS LES ÉTOILES 

L’espace et la famille sont au cœur de deux films remarquables, tous deux disponibles ce mois-ci sur Canal+. Dans Proxima, la préparation d’une astronaute à un vol spatial est mise à mal par sa relation fusionnelle avec sa fille de huit ans. Dans Ad Astra, un homme part aux confins du cosmos à la recherche de son père, astronaute légendaire, qu’il croyait mort depuis des années…

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« There’s no such thing as the perfect astronaut, there’s no such thing as the perfect mother. »

 

PROXIMA

Alice Winocour
2019
Paru en France le 27 novembre 2019
Disponible sur Canal +

Brillante astronaute française, Sarah Loreau (Eva Green) a été choisie pour intégrer Proxima, une mission internationale. À quelques mois de quitter la Terre, elle s’entraîne avec ses deux coéquipiers américain et russe (Matt Dillon et Aleksey Fateev) et doit supporter une pression physique et psychologique intense, sous le regard de collègues volontiers machistes. Mais le plus difficile est de gérer la séparation avec Stella (Zélie Boulant), sa fille de huit ans, qui vit mal la situation…

Troisième long-métrage de la Française Alice Winocour, après Augustine et l’intrigant Maryland, Proxima est un film sur l’espace… sans espace. Il a également ceci de singulier qu’il parvient, sous des atours simples et épurés (à la limite du documentaire), à toucher à des émotions profondes. Depuis ses débuts, la cinéaste excelle à filmer les femmes, à en faire des héroïnes. Avec son visage grave et ses yeux tristes, Eva Green retranscrit admirablement les tourments de cette mère déchirée entre son métier qu’elle accomplit avec passion et rigueur et le chagrin de devoir infliger de la peine à sa fille encore jeune, qu’elle élève seule. En effet, Stella, bien que soigneusement préparée par sa mère aimante et attentionnée, n’est pas prête à une séparation. Privilégiant les non-dits, les échanges de regards, l’économie des gestes, la cinéaste ne tombe jamais dans le sentimentalisme ni le spectaculaire. Sarah, divorcée, a confié Stella à son père physicien, un type plutôt bien (Lars Eidinger, parfait). Comme lui, les personnages sont solides, les dialogues justes, et il émane du jeu des acteurs un naturel confondant. On doit le réalisme impressionnant des séquences de préparation des astronautes à l’Agence Spatiale Européenne, qui a autorisé le tournage dans les véritables lieux d’entraînement, à Cologne et Baïkonour (Thomas Pesquet joue son propre rôle). Mais même si l’espace hante le film, c’est bien l’intime et l’humain qui intéresse la réalisatrice. Ici, la séparation entre l’astronaute et la Terre se confond avec celle entre la mère et sa fille (les scientifiques emploient d’ailleurs l’expression « séparation ombilicale » lors de la phase du décollage). La musique hypnotique de Ryuichi Sakamoto ajoute une poésie supplémentaire à cette œuvre touchante, belle et pudique.
1 h 47 Et avec Sandra Hüller, Nancy Tate, Grégoire Colin, Igor Filippov…

 

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« Exploration isn’t always a noble venture. »

 

AD ASTRA

James Gray
2019
Paru en France le 18 septembre 2019
Disponible sur Canal Plus

Suite à une mystérieuse surtension électrique alors qu’il effectuait une mission de routine sur une station orbitale, l’astronaute Roy McBride (Brad Pitt) échappe de justesse à la mort. L’agence SpaceCom pense que ce phénomène qui met en péril la survie de la Terre est dû à une déficience provenant d’un navire d’exploration porté disparu aux alentours de Neptune depuis des décennies. Il était piloté par le propre père de Roy (Tommy Lee Jones), une légende de la conquête spatiale. Roy est secrètement envoyé aux confins de l’espace pour tenter de le retrouver…

Magnifique. Deux ans après le déchirant The Lost City Of Z, dans lequel un père embarquait son fils dans sa quête obsessionnelle, James Gray envoie un fils à des milliards de kilomètres de la Terre, à la recherche d’un père absent et fantasmé. Avec, en tête, le livre de Joseph Conrad, Voyage au cœur des ténèbres (à l’origine du film Apocalypse Now), le réalisateur de Little Odessa et The Yards met constamment en balance ici le voyage astral et le cheminement intérieur de son personnage principal. Brad Pitt, plus taiseux que jamais, campe un héros grayien par excellence : solitaire et triste. Astronaute expérimenté et consciencieux, Roy McBride est incapable de tisser des liens sociaux. Il est écrasé par l’aura d’un père unanimement reconnu comme une légende et qui l’a abandonné, et n’existe que lorsqu’il accomplit son travail. S’il aborde la mission qui lui est confiée en bon soldat, il va peu à peu la remettre en question, en découvrant des zones d’ombre. Qu’on ne s’y trompe pas. Tout intelligent qu’il soit, Ad Astra (« vers les étoiles ») n’est pas seulement, à l’instar de Proxima, une quête intime. Il est aussi, littéralement parlant, sensationnel, renversant et vertigineux. Ponctué de séquences de bravoure et truffés de plans d’une beauté à couper le souffle, le film éblouit constamment. Jamais, depuis Kubrick peut-être (la comparaison s’arrête là…), l’espace n’a paru plus infini, jamais l’isolement n’a semblé si effroyable. Mulder se trompait : la vérité n’est pas ailleurs.
2 h 03 Et avec Ruth Negga, Donald Sutherland, Loren Dean, Donnie Keshawarz, John Ortiz…

 

TOOTSIE Coffret Ultra Collector

She’s back !

Contre toute attente, c’est au réalisateur de Jeremiah Johnson et Out Of Africa que l’on doit la mise en scène de cette comédie hilarante et spirituelle, pilotée de A à Z par son génial interprète, Dustin Hoffman. Énorme carton de l’année 1982, elle revient en édition Ultra Collector chez Carlotta, dans une version soigneusement restaurée, accompagnée de deux making of passionnants et assortie d’un livre sur l’histoire du tournage.

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« I’d like to make her look a little more attractive, how far can you pull back ?
– How do you feel about Cleveland ? »

 

TOOTSIE

Sydney Pollack
1982
Coffret Ultra Collector n°16 (Blu-ray+DVD+Livre) et éditions Blu-ray et DVD individuelles chez Carlotta depuis le 17 juin 2020

De tous les comédiens qui tentent de percer à New York, Michael Dorsey (Dustin Hoffman) est probablement le plus doué. Hélas, il est aussi le plus insupportable. Intransigeant, emporté, il fait fuir tous les metteurs en scène, et son agent (Sydney Pollack) ne sait que faire de lui. Un jour, alors que Michael accompagne son ami Sandy (Teri Garr) à une audition pour le soap-opera Southwest General, il lui vient une idée extravagante : puisqu’on ne veut pas de lui en tant qu’acteur, il va tenter sa chance en tant qu’actrice…

« C’est l’histoire d’un homme qui devient meilleur en se faisant, un temps, passer pour une femme. » Dix nominations aux Oscars ont salué cette formidable réussite, résultat d’un défi que s’était lancé Dustin Hoffman. Après le triomphe de Kramer contre Kramer pour lequel il avait décroché l’Oscar, le comédien adepte de la Méthode s’était consacré secrètement durant près de quatre ans à ce projet casse-gueule que Sydney Pollack a eu l’audace de porter à l’écran. Le cinéaste n’était pas le premier choix de l’acteur, qui avait une préférence pour Hal Ashby, mais ce dernier, coincé sur le tournage de Looking To Get Out, avait dû décliner la proposition. Columbia a alors suggéré Pollack, réputé pour être un « dompteur de stars ». Celui-ci n’avait jamais réalisé de comédie, mais il admirait Dustin Hoffman et s’est laissé convaincre par l’enjeu du film, bien davantage qu’une farce même s’il n’est pas pour autant un plaidoyer pour le féminisme. On est ici dans du comique de situation pur jus, avec son lot de quiproquos et de rebondissements, et un soupçon de romance (à l’écriture, on trouve, entre autres, Larry Gelbart, créateur de la série M.A.S.H. ainsi que Elaine May, « une des femmes les plus drôles du monde » selon Woody Allen). Autour d’un Dustin Hoffman totalement investi, Teri Garr (dont on ne dira jamais assez de bien), Jessica Lange, Bill Murray, Sydney Pollack, Charles Durning ou la toute jeune Geena Davis, (dans son premier rôle !), sont bien plus que des faire-valoir. L’histoire raconte que le tournage en plein cagnard de l’été new-yorkais a été semé d’embûches, que Sydney Pollack et Dustin Hoffman ne s’accordaient sur rien (mais en toute bienveillance) et que l’ambiance sur le plateau aurait été la même s’il s’était agi d’une pièce de Tchekhov (dixit Pollack). Cela n’a pas empêché ce film, incroyablement bien ficelé, d’être un sommet de drôlerie. Coiffé au poteau à la cérémonie des Oscars 1983 par Gandhi de Richard Attenborough (seule Jessica Lange est repartie avec une statuette — pour le Meilleur second rôle), il est malgré tout devenu un classique, inscrit depuis 1998 au registre des films « d’importance historique » de la Bibliothèque du Congrès américain. Tout en mettant en exergue les préjugés et le sexisme en vigueur dans le monde du spectacle, Tootsie est parvenu à combiner avec brio burlesque et émotion, ce qui en fait une œuvre extrêmement attachante. Trente-huit ans après, il est toujours aussi irrésistible, et New York, sur la musique de Dave Grusin, n’a jamais semblé aussi idyllique.
1 h 56 Et avec Dabney Coleman, Doris Belack, Ellen Foley, Andy Warhol…

 

 

TEST COFFRET ULTRA COLLECTOR N° 16

Le coffret, dont le visuel est une création de l’illustratrice ukrainienne Liza Shumskaya, comprend un livre de 200 pages sur l’histoire du tournage, incluant des photos d’archives. Il est signé Susan Dworkin, journaliste et écrivain américaine.

Interactivité ****
La précédente édition française n’offrait aucun bonus. On savoure donc ces deux making of, l’un d’époque, de 30 minutes, sur le vif du tournage, ponctué de discussions précieuses entre Sydney Pollack et Dustin Hoffman, et l’autre réalisé pour les trente-cinq ans du film en 2007, de plus d’une heure. Truffé d’interviews du cinéaste, des acteurs, des scénaristes etc. ce document permet de découvrir une flopée d’anecdotes, dont le fait que Geena Davis a été choisie par Pollack parce qu’il était à la recherche d’une fille de grande taille, dont la poitrine devait arriver à hauteur des yeux de Dustin Hoffman… Des séances d’essai de l’acteur avec le réalisateur Hal Ashby et neuf scènes inédites très drôles figurent également au programme.

Image ***
Format : 2.40
Sans être exceptionnelle, l’image proposée par le Blu-ray est lumineuse, naturelle, contrastée et propre. La photo est peu douce, comme la plupart des films de cette époque, et la carnation des visages un peu rosée, mais la définition est probante.

Son ***
DTS-HD Master Audio 5.1 et 1.0 en anglais sous-titré
DTS-HD Master Audio 1.0 en français
La version DTS-HD 5.1, équilibrée, profite d’une plus belle amplitude, mais les enceintes arrière restent timides, et il ne faut pas hésiter à monter le son.

BLOG CRÉATIONS DE LIZA SHUMSKAYA

WOODY ALLEN Soit dit en passant – Autobiographie

« Je n’ai aucune idée de génie, aucune pensée sublime, aucune compréhension des poèmes qui ne commencent pas par ‘Les roses sont rouges, les violettes sont bleues’. Je possède en revanche une paire de lunettes à monture noire, et je suppose que ce sont elles, en plus d’un certain don pour m’approprier des citations tirées de sources savantes trop profondes pour que je les comprenne, mais utilisables néanmoins dans mon travail pour créer l’illusion que j’en sais plus que je n’en sais, qui maintiennent à flot la barque de ce conte de fées. »

 

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WOODY ALLEN

Soit dit en passant – Autobiographie
Traduction française de Apropos of Nothing parue chez Stock le 6 juin 2020 (version originale publiée en mars 2020 chez Arcade Publishing)

Un jour, peut-être, on apprendra que Woody Allen est un monstre doublé d’un menteur invétéré. Mais, comme dirait Aragorn, « ce jour n’est pas arrivé ». Et, après avoir lu cette autobiographie aussi brillante que décapante, je doute fort qu’il arrive tout court. Dans le passage consacré à « l’affaire », le cinéaste remet les pendules à l’heure d’une manière si limpide qu’on a la sensation d’être projeté dans une tragicomédie absurde où le monde marcherait sur la tête. Le fait incriminant – Dylan Farrow, fille adoptive de sept ans de Mia Farrow et du cinéaste, confie à un médecin avoir subi des attouchements de la part de ce dernier — s’est déroulé en 1992, durant la production de Maris et femmes, ultime fois où Allen dirigera Mia Farrow (après avoir traîné son compagnon dans la boue, cette dernière insistera quand même pour être du prochain film…). A l’époque, malgré le déchaînement de la presse, des tabloïds et des pédopsychiatres de tous poils (Allen s’était plié de bon gré à des tests divers et variés, et était même passé, à son grand amusement, au détecteur de mensonges), la police avait conclu qu’il n’existait aucune preuve tangible et que la déclaration était dénuée de fondement. La vengeance de Mia Farrow, qui venait de découvrir la récente liaison que son ex-compagnon entretenait avec Soon-Yi Previn, une des trois filles adoptées avec son ex-époux, le célèbre chef d’orchestre André Previn, n’avait fait que salir l’image du réalisateur new-yorkais. La discrète Soon-Yi, alors âgée de vingt-deux ans, a d’ailleurs confié à la presse que la folie furieuse et l’hystérie de sa mère ne dataient pas d’hier. Mais pourtant, « l’affaire » a ressurgi à plusieurs reprises et notamment à la faveur du scandale Harvey Weinstein et du mouvement #MeToo (soit vingt-cinq ans après les faits). Aujourd’hui, le cinéaste est plus que jamais dans le collimateur des médias encouragés par le clan Farrow qui s’évertue à mettre en avant la douleur d’une Dylan toujours coachée par sa mère et son frère Ronan, tombeur d’Harvey Weinstein (et fils naturel de Woody Allen).

Woody Allen et son épouse Soon-Yi à l’avant-première de Midnight In Paris (Photo by Theo Wargo – © 2011 WireImage – Getty Images)

D’autres, écœurés et anéantis, auraient choisi de mettre bas les marteaux et le cap sur une île déserte. Mais soutenu par son épouse Soon-Yi (sa femme depuis vingt-deux ans), leurs deux filles Manzie et Bechet, et des amis (Diane Keaton, Alec Baldwin, Scarlett Johansson…) qui, à contre-courant d’Hollywood (Greta Gerwig, Timothée Chalamet ont clairement fait entendre qu’ils regrettaient d’avoir collaboré avec lui…) ne lui ont rien planté dans le dos, Woody a ravalé sa peine et a continué à faire des films. C’est aussi grâce à l’Europe qui, contrairement à l’Amérique, lui voue un culte, que le cinéaste a pu poursuivre son œuvre. Mais laissons là cette triste affaire, qui n’occupe qu’une partie de ses Mémoires. Dans Soit dit en passant (le titre original, Apropos of Nothing, est bien plus ironique), Woody se raconte, de sa naissance le 1er décembre 1935 à Brooklyn jusqu’à aujourd’hui, avec une verve qui réjouira les amoureux de ses films.

« J’étais en bonne santé, populaire parmi mes camarades, très sportif, toujours choisi en premier quand on formait des équipes, je jouais très bien au ballon, courais vite, et pourtant, je me suis débrouillé pour finir nerveux, peureux, trop émotif, toujours au bord de perdre mon calme et franchement misanthrope, claustrophobe, solitaire, amer et incurablement pessimiste. »

Son amour pour New York transpire à chaque page, et la description des ambiances du Manhattan de son adolescence et de ses débuts de comique, dont il a souvent imprégné ses films, est irrésistible. On y découvre comment d’Allan Stewart Königsberg il est devenu Woody Allen ; la flopée d’artistes tous aussi pittoresques les uns que les autres avec qui il a frayé tout au long de sa vie ; que de tous les personnages qu’il a créés, celui qui lui ressemble le plus est celui de Cecilia dans La rose pourpre du Caire (lequel, ironie de la vie, est interprété par Mia Farrow, dont, magnanime, il ne tarit pas d’éloges sur les talents d’actrice). Il évoque également son mépris pour les récompenses, Oscars compris, son désintérêt pour les critiques, bonnes ou mauvaises, et sa répulsion pour la vie à la campagne et tous les inconvénients qui vont avec. Son aversion pour la conduite vaut également des lignes particulièrement désopilantes :

« Me mettre un volant entre les mains, c’était comme confier un missile balistique intercontinental à un enfant de trois ans. Je conduisais trop vite. Je me déportais et tournais là où il n’y avait aucune raison de le faire. Je ne savais pas me garer en marche arrière. Je dérapais hors de tout contrôle. Je n’avais aucune patience dans les embouteillages et je voulais quitter mon véhicule et le laisser là pour toujours au milieu de la rue si elle était encombrée… »

Woody parle de ses amours devenues amitiés indéfectibles — avec Louise Lasser (sa deuxième épouse), Diane Keaton (dont il est également sorti avec les deux sœurs, Robin et Dorrie…)… — de son goût pour les femmes un peu folles (il le paie cher aujourd’hui…), de ses rencontres inoubliables (Bergman, Danny Simon, Pauline Kael, Truffaut), de celles qui ne manquent pas de sel (la Reine d’Angleterre, Cary Grant) ou qu’il a loupées (Fellini). Il ne tarit pas d’éloges à propos des acteurs et actrices qu’il a dirigés et les anecdotes des tournages de ses films, dont il n’aborde jamais les aspects techniques (il dit ne rien y comprendre, son talent est plutôt de s’entourer des meilleurs), valent leur pesant de cacahuètes. Mégalomane assumé, mais convaincu qu’il n’arrive pas à la cheville de ses maîtres (Bergman en tête), Woody Allen continue à clamer qu’il n’a pas encore réalisé un seul grand film mais qu’il persiste à essayer. Sa lucidité maladive et sa manie de tout relativiser font qu’il souffre d’une fâcheuse tendance à sous-estimer ses œuvres, accordant peu de crédit à certaines, et jugeant d’autres carrément affligeantes. Même Manhattan n’y échappe pas :

« Je n’ai pourtant pas aimé Manhattan au montage. J’ai même proposé à United Artists de réaliser gratuitement un autre film s’ils acceptaient de détruire celui-ci et de ne pas le sortir en salles. »

Soit dit en passant révèle que ce grand anxieux prise les comédies de l’âge d’or d’Hollywood, en particulier celles qu’il surnomme « les comédies au champagne », et qu’il considère Un tramway nommé désir de Kazan comme « l’œuvre d’art la plus accomplie de son époque ». Il tourne en dérision les humoristes d’aujourd’hui, qui marchent de long en large et se jettent de temps à autre sur une bouteille d’eau qui trône invariablement sur une table. « D’où sortent donc tous ces humoristes assoiffés ? » et affirme, comme il l’a toujours fait, que ce qu’il adviendra de son travail après lui n’a pas la moindre importance : « Après ma mort, je soupçonne que peu de choses me courront sur le haricot, pas même ce bruit agaçant que fait la tondeuse du voisin. » Avec espièglerie, il va jusqu’à écrire que la fausse accusation à son encontre a « ajouté une dimension dramatique fascinante à une vie par ailleurs routinière. »

Bref, ce livre, dont la publication a été chahutée, est un régal, un bijou d’intelligence, de sagesse et de drôlerie. S’il faut croire en quelque chose ou quelqu’un en ce monde, moi je crois en Woody Allen.

« Comme je ne crois pas en l’au-delà, je ne vois pas vraiment quelle différence cela fait que les gens se souviennent de moi comme d’un cinéaste ou d’un pédophile. Tout ce que je réclame, c’est qu’on disperse mes cendres à proximité d’une pharmacie. »