BROKEN CITY : plaisir coupable

Le néo-film noir d’ Allen Hugues avait tout pour être le thriller de l’année : une distribution de rêve, un scénario excitant, et un réalisateur pas manchot. Pourtant, il a fait un flop, et échappé de justesse au direct to video. Explications.

Broken City

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Allen Hugues
2013 (Studiocanal)

Flic à New York, Billy Taggart (Mark Wahlberg) est traduit en justice pour avoir tué un jeune violeur de manière controversée. Grâce au soutien du maire Nicholas Hostetler (Russell Crowe), il est innocenté, mais quitte la police pour s’établir comme détective privé. Sept ans plus tard, alors qu’il a des difficultés à maintenir son affaire à flot, Hostetler, en campagne pour sa réélection, fait appel à ses services contre un petit pactole. La mission qu’il lui confie semble des plus banales : suivre son épouse (Catherine Zeta-Jones), qu’il soupçonne d’avoir une liaison. Mais Billy ignore à quel point le terrain est miné…

Le scénario original écrit par le jeune Brian Tucker, inspiré par la vente en 2006 du mythique complexe Stuyvesant Town à New York, figurait sur la Black List d’Hollywood, qui recense les scripts les plus prometteurs. A l’affût, Allen Hugues, puis Mark Wahlberg se sont mis sur les rangs, le premier en tant que réalisateur, le second, producteur et acteur. Ils n’ont eu aucun mal à convaincre le fleuron des comédiens du moment, d’où cette distribution quasi-idéale. Et si sur l’écran, Broken City ne tient pas ses promesses (trop d’incohérences, de pistes abandonnées), le jeu d’acteur dans l’ensemble est un régal. Le pompon revient à Russell Crowe, impérial en maire corrompu, qui balance des phrases assassines avec un sourire goguenard. Barry Pepper, en politicien sensible, est tout aussi remarquable (il campait déjà un épatant Bobby dans la saga The Kennedys) à l’instar de Kyle Chandler (l’inoubliable coach de la série Friday Night Lights). Allen Hugues, coréalisateur avec son frère Albert de Menace II Society, From Hell ou du récent Le livre d’Eli, n’est pas un novice. Son thriller old school, parfaitement rythmé, revêt des atours de film noir des années 40. Les images sont léchées, les femmes plus fatales qu’elles en ont l’air, et le héros, porté sur la bouteille et en quête de rédemption, tente de se repérer dans un tunnel de plus en plus sombre (« Plus personne dans cette ville n’est foutu de faire des phrases complètes ! »). Avec davantage d’intelligence et de finesse, ces clichés auraient pu propulser le film vers les sommets, et en faire autre chose qu’une série B de luxe, ou au mieux… un plaisir coupable.

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Test Blu-ray :

Interactivité**
Une fois n’est pas coutume, la plupart des scènes inédites présentées ici auraient mérité de figurer dans le film. Elles répondent à quelques questions légitimes concernant des intrigues secondaires. Réalisateur, scénariste et comédiens livrent leurs impressions dans un making of promotionnel de trente-quatre minutes. Mark Wahlberg a l’art de résumer les choses, et son interview express prend un tour surréaliste (« Les acteurs voulaient faire du film un film génial, et pas seulement être géniaux dans le film. C’était beau à voir ! ») Enfin, la bande-annonce, qui semble préfigurer un tout autre film, est une véritable curiosité.

Image ***
Format : 2.40
La photographie de Ben Seresin (No Pain No Gain, World War Z) est mise en valeur par une image léchée, nuancée et très glamour, quoique manquant parfois de précision.

Son ***
DTS-HD Master Audio en français et anglais sous-titré
Sous-titres français imposés
Sous-titres pour sourds et malentendants
Audio Description
Une solide piste non-compressée qui manque toutefois de puissance dans les scènes d’action.

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PACIFIC RIM : Le sens de la démesure

Contre toute attente, c’est à Guillermo del Toro, le réalisateur du traumatisant  Labyrinthe de Pan, qu’on doit le blockbuster le plus titanesque de l’été 2013. Secrets de fabrication dans les bonus du Blu-ray…

PACIFIC RIM

PACIFIC RIM

Guillermo del Toro
2013 (Warner Home Vidéo)

La Terre est le théâtre d’une guerre impitoyable depuis que des créatures géantes et monstrueuses, les Kaijus, ont surgi de l’océan Pacifique profitant d’une brèche apparue entre deux plaques tectoniques, formant un portail entre deux dimensions. Les hommes ont répliqué en fabriquant des Jaegers, robots gigantesques contrôlés en simultané par deux pilotes reliés par un pont neuronal. Les Jaegers ont d’abord eu le dessus, mais en 2020, les Kaijus sont revenus, plus gigantesques encore, et plus meurtriers. Cinq ans plus tard, alors que le programme Jaeger a été abandonné par l’armée, faute de résultats, la résistance, menée par Stacker Pentecost (Idris Elba), rappelle sur le terrain l’un des meilleurs pilotes, Raleigh Becket (Charlie Hunnam, le Jax de Sons Of Anarchy), traumatisé par la mort de son frère durant un combat contre un Kaiju…

Ainsi donc, c’est à ce blockbuster que l’on doit l’éloignement des écrans du génial Guillermo del Toro, dont le film précédent, HellBoy 2, remontait à 2008. Le cinéaste mexicain à l’imagination fertile s’est fait plaisir en renouant avec la passion de son enfance : le cinéma de genre japonais et les mecha, dessins animés issus du manga, peuplés de robots immenses (Goldorak, Evangelion…). La Planète comme terrain de jeu, le cinéaste s’en est donné à cœur joie, mettant en scène des séquences de destruction massive et des combats titanesques à faire pâlir Roland Emmerich. Pourtant, Guillermo del Toro prend le soin de toujours rester à hauteur d’homme. L’humain reste le moteur de la machine, et son intelligence. La démesure et l’abracadabrantesque sont alliés à un souci constant de réalisme et obéissent à une logique très étudiée. Face à des monstres qui semblent provenir des pires cauchemars et des peurs enfantines (voir l’épatante scène dans laquelle la petite Mako est pourchassée par un Kaiju gigantesque dans les rues de Tokyo), les hommes ont leurs failles et leur bravoure. En cela, Raleigh rejoint le Luke Skywalker de Star Wars. C’est un héros au cœur pur, qui veut sauver le monde coûte que coûte, et sa détermination trouve un écho magnifique dans la musique épique composée par Ramin Djawadi (Game Of Thrones). Un peu bourrin comme il se doit pour un divertissement de genre, pimenté d’humour (dans le rôle du nerd-savant fou, Charlie Day en fait des tonnes) et d’éclats romantiques (sublime séquence de l’apparition de Mako – Rinko Kikuchi – sous une pluie battante), Pacific Rim n’en demeure pas moins un film d’esthète, qui permet de constater que le réalisateur du Labyrinthe de Pan n’a rien perdu de son génie visuel. Impressionnant !

BANDE-ANNONCE

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PACIFIC RIM

Test Blu-ray 2D :

Interactivité***
De la création des Kaiju et des Jaegers à celle de la musique, tous les secrets du tournage sont divulgués par Guillermo del Toro au long d’une multitude de reportages et de dessins de production, répartis sur le premier et le second disque. Le cinéaste insiste sur la liberté de sa création, et confie que son film est moins un hommage qu’une manière d’instiller du sang neuf à un genre qui a bercé son enfance et nourri son imaginaire. Un bémol néanmoins dans ce programme : seuls les anglophones pourront profiter du commentaire audio du réalisateur.

Image ****
Format : 1.85
Rutilante et détaillée, elle met en valeur le travail du chef opérateur mexicain Guillermo Navarro, déjà responsable de la photo de L’Echine du Diable et du Labyrinthe de Pan. La définition est exemplaire et la sensation de relief, saisissante, même en 2D.

Son : ****
DTS-HD 5.1 et DD 5.1 en anglais
DTS-HD 7.1 en français
Sous-titres français non-imposés
Prévenir les voisins tant ça déménage dans tous les canaux ! Le caisson de basses fait littéralement trembler le sol. Le 5.1 anglais n’a rien à envier à au 7.1 de la version française (d’autant qu’on profite de la voix profonde de Charlie Hunnam). Puissante, enveloppante et pourtant limpide, la piste DTS-HD propulse la musique de Ramin Djawadi dans les étoiles.

Existe aussi en DVD et Edition Ultimate Blu-ray 3D 

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OH BOY, ballade désenchantée

Entre Frances Ha et Oslo 31, août, Oh Boy suit les errances d’un jeune Berlinois en décalage. Absurde, amer, drôle et mélancolique, ce premier film « tatiesque » en noir et blanc a emballé la critique et raflé six Lola (les César allemands) en avril 2013. Il vient de paraître en DVD.
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Oh Boy

Jan Ole Gerster
2012 (DVD Diaphana Edition Vidéo)

Niko (Tom Schilling) a bientôt trente ans et ne sait qu’en faire. Il a interrompu ses études, n’a plus de permis, ne s’assume pas financièrement, et se sent de plus en plus étranger au monde qui l’entoure. Après s’être quasiment enfui de l’appartement de sa petite amie, Niko entame une journée qui sera émaillée de rendez-vous et de rencontres tout aussi déconcertantes les unes que les autres, le sort semblant s’acharner contre lui…

Comme Frances Ha, Oh Boy traite de la jeunesse à travers un individu qui ne se sent pas à sa place. Comme Frances Ha, il est drapé dans un noir et blanc très Nouvelle Vague et se déroule dans une métropole. Ici, Berlin. Pourtant, les deux films présentent des situations quasiment inversées. L’héroïne du film de Noah Baumbach était démonstrative, enthousiaste, solaire et se comportait constamment comme un chien dans un jeu de quilles. Au contraire, le Niko oisif de Oh Boy intériorise, et sa passivité apparente contraste avec la folie ordinaire de ceux qui l’entourent. Interlocuteur intelligent, doux et attentif, il est sans cesse déconcerté par les propos et les comportements de ses congénères – son voisin collant venu lui apporter des boulettes, la serveuse du café qui s’exprime à coups de slogans publicitaires, l’ex-camarade de classe et ex-obèse qui règle ses comptes sur les planches d’un théâtre underground… Il y a du Tati dans le comique de ces situations où tous les éléments semblent s’accorder à contrecarrer les volontés du jeune homme (voir la séquence du distributeur bancaire), mises en scène de manière délicate. Si ce premier film écrit et réalisé par Jan Ole Gerster est pétri de références (à Woody Allen, Jim Jarmush, Cassavetes, Truffaut, Godard — la première scène est un clin d’œil appuyé à A bout de souffle), il n’en reste pas moins personnel, et le cinéaste de trente-quatre ans a confié s’être surtout inspiré de ses propres expériences. Le Berlin qu’il affectionne n’est pas celui de la carte postale, ni des lieux branchés. Gerster leur préfère les petits cafés populaires, les quais de métro, les recoins couverts de graffitis. Ce Berlin, qui malgré sa modernité, est encore hanté par les démons du passé, et d’où émane une certaine gravité mélancolique. Dommage que les séquences s’enchaînent à la manière de sketches un peu trop indépendants les uns des autres, comme si le réalisateur voulait rester fidèle à son héros rebelle et indécis magnifiquement campé par le charismatique Tom Schilling (repéré dans l’excellente série Generation War).Pour peu qu’on soit d’humeur, ce road-movie désenchanté, un brin amer, mais jamais triste, apparaîtra très séduisant.

Oh Boy!

BANDE-ANNONCE

Test DVD :

Interactivité*
Pas d’interview ni de véritable making of, mais on peut découvrir une séquence d’essai de l’étonnante actrice Friederike Kempter (Julika dans le film), une scène d’improvisation interprétée par Tom Schilling et Marc Hosemann réalisée un an avant le tournage, un bêtisier de 9 minutes et la bande-annonce.

Image ***
Format : 1.85
Une image souvent granuleuse, probablement fidèle à un esprit brut, et néanmoins très esthétique. La lumière est le plus souvent magnifique.

Son : **
DD 5.1 en anglais sous-titré
Ce DD 5.1 s’apparente davantage à un DD 2.0, mais sied parfaitement aux ambiances de ce film délicat. Les effluves de jazz et de piano sont joliment mis en valeur.
Oh Boy_4® Schiwago Film Oh-Boy-de-Jan-Ole-Gerster