LE PERIOD DRAMA SE DÉCHAÎNE (La chronique des Bridgerton/ Harlots/The Great)

Les séries en costumes ont le vent en poupe. Même la France s’y met (Le bazar de la Charité, Paris Police 1900, Les aventures du jeune Voltaire…). Coquine, sulfureuse et haute en couleurs, l’américaine La chronique des Bridgerton, apparue sur Netflix à Noël 2020, a donné un coup de fouet au period drama, en séduisant un public peu habitué au genre. Retour sur cette série phénomène ainsi que sur deux pépites à découvrir absolument.

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« S’il n’y avait pas de mères trop zélées à tous les coins de rue, cette période de l’année serait moins atroce » Simon Bassett, duc de Hastings

 

LA CHRONIQUE DES BRIDGERTON (Bridgerton) Saison 1

Série américaine créée en 2020 par Chris Van Dusen d’après les livres de Julia Quinn
Diffusée sur Netflix depuis le 25 décembre 2020

En 1813, à Londres, voici venue la saison des mondanités. Parmi les nouvelles prétendantes au mariage, qui doivent être présentées à la reine, Daphné Bridgerton (Phoebe Dynevor), issue d’une des familles les plus influentes de Grosvenor Square, est probablement la plus exquise. D’ailleurs, elle va être la seule à recevoir un compliment de la souveraine, ce qui lui vaut de devenir la cible de la mystérieuse et impitoyable Lady Whistledown, la chroniqueuse qui divulgue chaque semaine de manière anonyme les potins de la haute-société. Pour échapper à cela et à un prétendant trop embarrassant, la jeune fille décide de sceller un pacte avec le beau duc de Hastings (Regé-Jean Page), héritier fortuné, lui aussi harcelé par des intrigantes, et qui n’a aucune intention de se marier…

Servie pour les fêtes de fin d’année, idéale pour remonter le moral des troupes en temps de pandémie, La chronique des Bridgerton est une production Shondaland, la société de Shonda Rhimes, à laquelle on doit les mastodontes Scandal, Murder ou Grey’s Anatomy ; autant dire qu’on n’est pas, ici, au royaume de la subtilité. La série, aussi corsée que corsetée, est basée sur la saga de l’Américaine Julia Quinn, spécialisée dans la romance historique « à l’eau de rose ». Contrairement à ses consœurs britanniques produites par la BBC, et en particulier aux adaptations des œuvres de Jane Austen où le moindre baiser est proscrit, le show créé en 2020 par Chris Van Dusen fait dans l’audace et le subversif, mais parfois avec des gros sabots. L’acteur Regé-Jean Page a déclaré chez Jimmy Fallon que la série était le croisement des univers de Jane Austen, Gossip Girl et 50 nuances de Grey. De fait, ici, l’amour ne s’arrête pas à la porte de la chambre à coucher. Il ne suffit pas d’évoquer l’éducation sexuelle de la jeune Daphné, il faut en montrer explicitement l’apprentissage le temps de scènes à l’érotisme soft, dont une, séquence clé de l’intrigue, est traitée par les scénaristes avec une légèreté quelque peu discutable. Quant à la peinture de la Régence anglaise (1811-1820), elle se révèle plutôt pittoresque. Partant du fait que les origines de la reine Charlotte, épouse du roi George III, sont toujours sujettes à controverse de la part des historiens, la voici ici noire, campée par l’actrice guyano-anglaise Golda Rosheuvel. Ce mariage royal interracial aurait engendré une société multiculturelle (colorblind) où les aristocrates sont aussi bien blancs que noirs sans que personne ne trouve à y redire. Un parti pris assumé par Chris Van Dusen, pour réécrire l’histoire en mode « et si… » et qui tend à démontrer que le monde d’alors était bien plus diversifié qu’on croit. La chronique des Bridgerton se dévore comme un plaisir coupable, car même si tout cela ne vole pas très haut, on se laisse embarquer par le tourbillon d’intrigues, mais aussi par la beauté un peu kitsch des décors, des costumes, de la bande-son truffée de tubes pop revisités, et par les personnages attachants. Plus que Phoebe Dynevor, c’est Claudia Jessie, l’interprète d’Eloïse, la sœur de Daphné, et Nicola Coughlan (Penelope Fatherington), qui tirent leur épingle du jeu. Mention spéciale également à la chevronnée Polly Walker (Portia Featherington), toujours excellente. Quant au beau Regé-Jean Page, coqueluche de ces dames et bon acteur de surcroît, il se murmure qu’il figure désormais sur la liste des prétendants au rôle de James Bond. La saison 1 compte huit épisodes. La deuxième est attendue courant 2021. À noter que si Lady Whistledown cultive le mystère, sa voix est bien reconnaissable : c’est celle de Julie Andrews.
8 épisodes d’environ 1 h. Et avec Jonathan Bailey, Harriet Cains, Bessie Carter, Ruth Gemmel, Luke Newton, Luke Thompson, Ben Miller, Ruby Barker, Joanne Henry, Jessica Madsen…

 

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« Quelle position occupez-vous dans cette maison ?
– Debout, en amazone, à cru, allongée. Et vous, quelle est la vôtre ? »

 

HARLOTS (Les filles de joie)

2017-2019
Série anglo-américaine créée par Moira Buffini et Alison Newman
Trois saisons, disponibles En DVD et Blu-ray chez Koba Films, en intégrale ou éditions séparées

En 1763, Margaret Wells (Samantha Morton), propriétaire d’une maison close située dans les bas-fonds de Londres, souhaite à tout prix s’établir dans les quartiers plus huppés afin que ses filles puissent profiter d’une clientèle fortunée. Cette ambition n’est pas du goût de sa rivale et ancienne patronne, la retorse Lydia Quigley (Lesley Manville), qui fournit déjà la haute société dans sa maison de grand standing. Tandis qu’entre les deux femmes, les coups bas et tordus se multiplient, Margaret tente de trouver un protecteur à sa fille cadette, Lucy (Eloise Smyth), belle et cultivée, et qui n’a aucune prédisposition pour le métier…

La série Harlots (Harlot signifie prostituée ou fille de joie) est la formidable création de la talentueuse scénariste Moira Buffini (Jane Eyre, Tamara Drewe, The Dig… ) et de la comédienne Alison Newman (Les enquêtes de Morse, Femmes de footballeurs…). Contrairement à ce que le sujet laisserait entendre, et à l’opposé de La chronique des Bridgerton (voir plus haut) on ne dénote ici aucune complaisance ni aucun voyeurisme. Les deux scénaristes se sont emparées du livre The Covent Garden Ladies, de l’historienne Hallie Rubenhold, qui s’est livrée à un véritable travail d’investigation au sujet de l’une des publications anglaises les plus sulfureuses du XVIIIe siècle, Harris’s List Of Covent Garden Ladies. Ce guide a répertorié chaque année de 1757 à 1795 le nom des filles de joie et leurs spécialités, avec évaluations et tarifs à l’appui (son homologue français s’intitulait L’almanach des demoiselles de Paris, de tout genre et de toutes les classes ou Calendrier du plaisir). Harlots propose en quelque sorte la vision inversée de ce drôle d’inventaire écrit par des hommes. Ici, le regard sur la société est celui des prostituées, et ce sont elles les héroïnes, comme l’étaient également les protagonistes de l’excellente série française Maison close. À Londres, à l’ère georgienne, une femme sur cinq se prostitue à cause de la pauvreté. Elles sont courtisanes célèbres et aisées, entretenues ou non, filles de la rue où pensionnaires de bordels. Elles ont toutes une histoire et leurs tribulations mettent en exergue la condition de la femme, la répression de l’homosexualité, les inégalités et l’hypocrisie en vigueur dans une société puritaine marquée par le conservatisme religieux. Ces êtres déconsidérés sont aussi des guerrières qui se battent pour leur indépendance et se défaire du joug des hommes (contrairement aux femmes mariées qui doivent se plier aux convenances, certaines prostituées jouissent d’une vraie liberté). La série suit l’affrontement de deux propriétaires de maison close, liées par un passé commun et qui se détestent ouvertement. Elles sont incarnées par deux formidables comédiennes anglaises : Samantha Morton (Minority Report, Control, The Walking Dead…) toute en gouaille, parlé cru et rondeurs, et Lesley Manville (The Crown, Phantom Thread, Another Year…), toute en perfidie. Autour d’elles gravitent des actrices de tempérament dont la belle Jessica Brown Finlay, vue dans Downton Abbey, Holli Dempsey, Kate Fleetwood, Eloise Smyth et la star américaine Liv Tyler, qui porte admirablement la perruque Marie-Antoinette. On se régale de ces joutes verbales et ces jeux de dupes où la violence et la mort s’invitent de temps à autre, autant qu’on aime la solidarité entre ces filles, courageuses et attachantes. Quant à la reconstitution de Londres (et notamment les quartiers de Soho, Covent Garden et St James Square), elle force l’admiration, comme la beauté des décors et des costumes, et la musique electro-pop anachronique et baroque de Rael Jones. Arrêtée en 2019, Harlots compte trois saisons… remarquables.
3 x 8 épisodes. Et avec Josef Altin, Bronwyn James, Pippa Bennett-Warner, Danny Sapani, Douggie McMeekin, Dorothy Atkinson, Julian Rhind-Tutt, Jordon Stevens, Hugh Skinner, Edward Hogg, Nicola Coughlan…

 

Mention spéciale pour la version Blu-ray, qui met en valeur l’excellent travail des chefs opérateurs qui ont collaboré à la série. Les bonus ne sont pas légion mais on profite de d’interviews passionnantes (des créatrices, de Liv Tyler) ainsi que de secrets de tournage, et notamment de la reconstitution de ce Londres georgien.

 

 

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« Ne voulez-vous donc pas voir une Russie forte et dynamique, débordante d’idées humanistes et progressistes, où l’on vivrait avec dignité et résolution ?
– Si, bien sûr, tout comme voir un cochon qui parle ou un chien en cuisine. Mais je crains de mourir désenchanté. »

 

THE GREAT

Série américaine créée par Tony McNamara
Diffusée pour la première fois sur la chaîne américaine Hulu en mai 2020, disponible sur Starzplay

Il y a fort longtemps, au milieu du XVIIIe siècle, la jeune Catherine (Elle Fanning), qui vient d’épouser le tsar Pierre III (Nicholas Hoult), arrive à la cour de Russie pleine d’espoir. Issue d’une famille de la noblesse allemande désargentée, cette jeune fille cultivée férue des philosophes des Lumières, mesure la chance qui lui est offerte et est prête à aimer sans réserves son mari. Elle déchante en découvrant que Pierre est un enfant gâté, stupide et cruel, et que ses courtisans ne valent pas mieux. Très vite, avec l’aide de sa servante Marial, noble déchue (Phoebe Fox), elle fomente un complot pour renverser le tsar…

Derrière cette série satirique, qui fut d’abord une pièce de théâtre, on ne s’étonne pas de trouver Tony McNamara, coscénariste de La favorite qui avait valu à Olivia Colman l’Oscar de la Meilleure actrice en 2019. C’est même en lisant le scénario de The Great, déjà en projet à l’époque, que Yorgos Lanthimos a trouvé le ton idéal pour son biopic féroce sur la reine Anne. Plus légère et déjantée que La favorite cependant, The Great se penche avec humour, ironie, et un certain sens de l’absurde, sur la jeunesse et l’ascension de la Grande Catherine. C’est une jeune femme sensée et éclairée qui déboule, comme un chien dans un jeu de quilles, dans la cour d’un tyran débauché, entouré de courtisans à sa botte et qui mène le pays à sa perte. Incultes, ignares et fiers de l’être, les gens de la cour sont incapables de soutenir une quelconque conversation sans trivialité. Tout comme les situations, souvent grotesques, les dialogues ne sont pas piqués des vers.

Marial : « Comment était votre nuit ?
Catherine : J’ai réussi à ne pas me faire violer ? Et la vôtre ?
Marial : Pareil. S’ils inventent un jour autre chose de plus pratique que les boutons, on est toutes dans la merde. »

Après de nombreux déboires, Catherine va devenir une experte en manipulation, parvenant à tourner la bêtise de son époux à son avantage. Mais Peter est un tyran complexe. Il dissimule mal une enfance triste et un complexe d’Œdipe. Sa fragilité émotionnelle désarçonne parfois son épouse qui finit par le prendre en pitié. En parfaite alchimie, les doués Elle Fanning et Nicholas Hoult (déjà dans La favorite) rivalisent de drôlerie. Leur performance leur a valu à chacun une nomination aux prochains Golden Globes. Grâce à eux et la brochette de comédiens qui leur renvoient la balle avec la même fougue, on s’amuse beaucoup durant ces onze épisodes enlevés et irrévérencieux dont les anachronismes sont totalement assumés dès le générique par la mention « An occasionally true story » (« basée sur des faits historiques, en quelque sorte »). The Great est à l’histoire de Catherine de Russie ce que MASH était à la guerre de Corée : déjantée certes, mais truffée de réflexions pertinentes (ici sur le féminisme ou la politique). Conçu pour être une mini-série, le show a tant fait l’unanimité qu’il bénéficiera d’une deuxième saison, attendue dans le courant 2021. Huzzah ! (Hourra !)
10 épisodes de 55 minutes. Et avec Sacha Dhawan, Adam Godley, Charity Wakefield, Douglas Hodge, Richard Pyros, Sebastian de Souza…

ARTICLE CONNEXE : LE COSTUME DRAMA SE PORTE BIEN

YEARS AND YEARS

L’époque est anxiogène, les séries aussi. Depuis Black Mirror en 2011, les dystopies poussent comme des champignons dans le paysage télévisuel. Tout autour de la planète, les scénaristes proposent des visions d’avenir d’une noirceur parfois sidérante comme en témoignent The Handmaid’s Tale, Real Humans, Westworld, The Man Of The High Castle, Trepallium, Ad Vitam ou la récente L’effondrement, dont le réalisme fait froid dans le dos. En pleine crise du Brexit, on ne s’étonnera pas que la plus troublante d’entre elles nous vienne d’Angleterre. Imaginée par le prolifique Russell T. Davies, créateur de Queer As Folk, et des fantastiques Doctor Who (deuxième période) et Torchwood, Years and Years, le temps de six épisodes époustouflants, brosse un portrait terrifiant de ce qui nous attend, dans un futur très proche, tout en restant à hauteur d’homme, capable du pire… comme du meilleur. (Pas de spoiler dans cette chronique.)

 

« Let the people decide, but only the clever ones. »

 

YEARS AND YEARS

Russell T. Davies
2019
Diffusée pour la première fois sur BBC One en mai et juin 2019
Disponible sur Canal+

A Manchester, les Lyons (quatre frères et sœurs, leur grand-mère, leurs conjoints et leurs enfants) forment une famille très soudée de la middle class. Dans cette Angleterre post-Brexit de 2019, ils sont tous réunis pour fêter la naissance du bébé de Rosie, la plus jeune de la fratrie, et débattent de l’actualité. Car une nouvelle figure, la populiste et arriviste Vivienne Rook (Emma Thompson), enflamme la scène politique et divise au sein de la famille Lyons elle-même. Mais ça, c’est encore le bon temps…

Le futur comme si on y était : c’est vraiment la sensation que procure le visionnage des six épisodes de cette mini-fresque très plausible de l’Angleterre des quinze prochaines années. La série a germé il y a dix ans dans le cerveau de Russell T. Davies, observateur attentif des mutations de la société. Après l’élection de Donald Trump et la folie du Brexit, il est devenu urgent, pour lui, de passer à l’acte. Il a imaginé le show comme un survival dont la famille serait le cœur. Contrairement à beaucoup de séries d’anticipation, ce ne sont pas ici les outils ni les guerres qui sont responsables des désastres, mais les citoyens eux-mêmes, prêts à élire n’importe quel leader au discours démagogique. En cela, le personnage de Vivienne Rook, croisement de Donald Trump, Marine Le Pen et Boris Johnson, excelle. Au début, elle amuse la galerie, puis elle finit par convaincre à coups de reparties au cynisme ahurissant : « Je sais ce qui ce passe en Israël, en Palestine, mais je m’en fous. Ce que je veux, c’est qu’on ramasse mes poubelles. » Elle est le fil rouge de ces six épisodes d’environ une heure, où l’on observe la manière dont les Lyons vont affronter les aléas de l’histoire. La leur et la grande. Les problèmes d’aujourd’hui vont prendre des proportions spectaculaires : dérèglement climatique, crises financières, montée des nationalismes, rétablissement des frontières, afflux de migrants, jeunesse qui aspire à se dématérialiser… Dans un monde de plus en plus chaotique, les membres de la famille se serrent les coudes, la maison de la grand-mère devient un refuge où l’on fête encore les anniversaires et Noël. Car la crise n’épargne personne, ni Stephen (Rory Kinnear), le frère aîné, conseiller financier à Londres, ni Daniel (Russell Tovey), employé municipal chargé de loger les migrants et tombé amoureux de l’un d’entre eux, ni leur sœur Edith (Jessica Haynes), activiste politique radicale qui s’est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. La brochette d’acteurs est remarquable. On s’attache à cette famille qui s’accroche coûte que coûte au bonheur et à ses idéaux. On pense à This Is Us, à Six Feet Under… Car Russell T. Davies a beau noircir le tableau, il reste (presque toujours) nuancé, ne verse pas dans le pathos, et laisse entrevoir la lumière. Chaque épisode apporte son lot de drames, de joies, de surprises et de réflexions. S’il faut en retenir une leçon : Nous sommes tous (plus ou moins) responsables du monde tel qu’il est. Et en second lieu : il faut se méfier des clowns qui font de la politique.
Six épisodes d’une heure. Et avec T’Nia Miller, Anne Reid, Maxim Baldry, Ruth Madeley, Lydia West…

POLDARK/DR THORNE… Le « costume drama » se porte bien

Le « costume drama », ou « period drama », est un genre dans lequel les Britanniques sont passés maîtres depuis l’adaptation par la BBC d’Orgueil et préjugés. Ravivée par les Tudors, et surtout l’aristocratique Downton Abbey, la saga historique et romanesque est plus populaire que jamais. Les succès de Outlander, The Crown, The Wolf Hall, The White Princess, The Musketeers ou The Virgin Queen en témoignent, ainsi que Poldark, peut-être la plus romantique de toute, qui fait un tabac outre-Manche. Découverte sur BBC One en mars 2015, puis diffusée sur Netflix l’année suivante, cette série adaptée des romans de Winston Graham compte déjà trois saisons. La première vient de paraître chez Koba Films, l’éditeur DVD que les fans de littérature anglaise prisent depuis longtemps, et qui vient également de publier la mini-série Docteur Thorne, d’après Anthony Trollope, et La foire aux vanités, adaptée en 1998 du classique de Tackeray. 

 

« I think you must have your feelings under a very good control. You turn them about and face them the way you want them to be. Il wish I could do that. What’s the secret ? 
– I’m married. »

Poldark

Série britannique créée en 2015 par Debbie Horsfield d’après les romans de Winston Graham
Saison 1 en coffret 3-DVD chez Koba Films depuis le 25 octobre 2017

En 1783, Ross Poldark (Aidan Turner) est de retour dans ses Cornouailles natales, après trois ans forcé à se battre aux côtés des troupes anglaises dans la guerre de l’Indépendance américaine. Il déchante vite en découvrant sa région plus pauvre que jamais. Son père est mort, la mine familiale a fermé, et pour couronner le tout, Elizabeth (Heida Reed), sa promise et grand amour de jeunesse, le croyant mort, s’est fiancée à son riche cousin Francis Poldark (Kyle Soller)…

Voici un héros comme on n’en fait plus : courageux, fougueux, épris de justice et prodigieusement séduisant. Certes, cet aristocrate désargenté n’est pas exempt de défauts. Sa fierté et son caractère emporté le mènent parfois à sa perte. Mais le côté imprévisible et l’esprit libre de cet humaniste qui méprise les conventions sociales et la notion de classe en font un homme en avance sur son temps, indéniablement influencé par les philosophes des Lumières. Le personnage a été imaginé en 1945 par l’écrivain britannique Winston Graham (il est, entre autres, l’auteur du roman qui a inspiré à Alfred Hitchcock Pas de printemps pour Marnie), et ses aventures ont alimenté onze volumes d’une saga terminée en 2002, un an avant la mort de l’écrivain. En 1975, l’Angleterre a achevé de faire de Ross Poldark un héros populaire lors de la diffusion par la BBC d’une première série télévisée, qui a tenu en haleine les téléspectateurs durant deux ans. Dans ses mémoires publiées en 2003, Winston Graham rapporte que dans les paroisses anglaises, les prêtres avaient avancé l’heure de la messe pour que les fidèles puissent assister à la diffusion du show. Quarante ans après, le personnage iconique fait un retour en force sous les traits du beau Aidan Turner, interprète du nain Kili dans la trilogie Le Hobbit de Peter Jackson. L’acteur était fortement pressenti pour prendre la relève de Daniel Craig dans le prochain James Bond, avant que ce dernier ne revienne dans la course. Furieusement romantique, ce Poldark nouveau cru concocté par Debbie Horsfield a de quoi combler les fans du genre. Les rebondissements sont légion et le lyrisme va bon train. Les paysages de Cornouailles sont somptueux et fidèles aux descriptions de Winston Graham, qui a vécu à Perranporth durant trente-quatre ans. Sous le soleil ou sous la pluie, le vent n’a de cesse de balayer la lande, les falaises et les cheveux des protagonistes. Si Aidan Turner brille en Ross Poldark, Luke Norris, en Dr Enys, est formidablement émouvant, tandis que Jack Farthing, interprète de l’infâme George Warleggan, est détestable à souhait. Les personnages féminins tirent également leur épingle du jeu. Winston Graham avait désapprouvé le jeu de Angharad Rees, la Demelza de la série originale, qu’il trouvait trop délurée. Il aurait assurément adoré celui de la délicieuse et solaire Eleanor Tomlinson (on notera que Robin Ellis, qui campait Ross Poldark dans la série des 70’s, interprète ici le Révérend Halse). La peinture de cette fin du 18ème siècle, à l’heure de la Révolution française (les Français en prennent pour leur grade), et le portrait de ce héros à la conscience sociale exacerbée, qui ne cesse de se battre pour la survie économique de sa région aux mains de banquiers sans scrupule, n’ont rien de fantaisiste. Aux intrigues sentimentales et familiales intenses se mêlent des enjeux politiques et économiques qui résonnent encore aujourd’hui. On ne peut que succomber au charme de cette série palpitante et romanesque qui fait un tabac outre-Manche. La quatrième saison est en cours de production.
Et avec Pip Torrens, Phil Davis, Beatie Edney, Tristan Sturrock, Caroline Blackiston…

BANDE-ANNONCE

 



Test coffret 3-DVD:

Interactivité **
Les huit épisodes de 60 minutes sont enrichis de trois courts reportages sur les coulisses de la série, regroupant les impressions des comédiens et des créateurs du show. Un espace dédié à l’éditeur est disponible sur le troisième DVD.

Image ****
Format : 1.77
Superbe définition, qui restitue la beauté des paysages de Cornouailles, mais aussi des costumes et décors. Les noirs sont profonds, la gestion des couleurs excellente.

Son ***
DD 2.0 en anglais sous-titré et français
Une piste 2.0 dynamique et ample qui met en valeur la très belle musique composée par l’ex-Art Of Noise, Anne Dudley, oscarisée en 1998 pour la bande originale de The Full Monty.

 

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« Celle qui empêche un homme de courir à la ruine ne l’aime-t-elle pas plus sincèrement que celle qui s’accroche à lui quoi qu’il en coûte ? »

Docteur Thorne

Mini-série britannique créée en 2016 par Julian Fellowes d’après le roman d’Anthony Trollope
En DVD chez Koba Films depuis le 29 novembre 2017

Dans un village anglais, au milieu du 18ème siècle, le Docteur Thorne (Tom Hollander), apprécié de tous, vit avec sa nièce Mary (Stefanie Martini), qu’il a recueillie enfant après la mort de son frère. Aussi belle que charmante, la jeune fille, sans dot et de naissance illégitime, est l’amie de toujours des enfants de la riche famille Gresham, qui demeurent dans le domaine de Greshambury tout proche. Hélas, Lord Gresham a fort mal géré sa fortune et son épouse (Rebecca Front) ne compte plus désormais que sur sa progéniture pour sauver la famille de la ruine. Tandis qu’elle se démène pour leur dénicher de beaux partis, elle découvre que son fils Frank (Harry Richardson) est amoureux de Mary. Elle demande alors au Docteur Thorne d’éloigner la modeste jeune fille, devenue désormais indésirable à Greshambury…

Publié en 1858, Doctor Thorne est le troisième volume des Chroniques du Barsetshire (comté anglais imaginaire) signées Anthony Trollope, célèbre romancier de l’époque victorienne. La qualité d’observateur de l’écrivain britannique et le fait qu’il soit issu d’une famille d’aristocrates désargentés explique en grande partie la finesse des portraits qui parsèment son œuvre, reflet brillant des conflits sociaux, familiaux, politiques et sentimentaux de son temps. Comme chez sa compatriote Jane Austen, on trouve chez Trollope des critiques acerbes sur les mœurs de la bonne société, et il y est souvent question de mariages arrangés, d’héritages, de dot et d’enfants illégitimes. Très fidèle au livre, la mini-série écrite en 2016 par Julian Fellowes, créateur, entre autres, de Downton Abbey et coscénariste de Gosford Park, est un cocktail réussi d’émotion et d’ironie mordante. Tom Hollander, décidément à l’aise dans tous les registres, campe un Docteur Thorne irrésistible, dont on devine la tempête intérieure derrière la courtoisie exemplaire. Ce gentleman, seul à connaître les secrets du petit monde dans lequel il évolue, en est aussi le centre moral. Sa retenue met en exergue le ridicule de certains protagonistes et le caractère immensément comique des situations. Comme on peut s’y attendre avec Julian Fellowes aux manettes, rien n’a été laissé au hasard et, des décors aux costumes, en passant par la distribution, tout est ravissement. Un seul bémol cependant : le rythme, un peu trop effréné. En trois épisodes de quarante-huit minutes, il n’était pas permis de s’attarder sur certains aspects de l’intrigue, ainsi que sur certains personnages secondaires. Il y a cependant fort à parier que cette belle introduction à l’univers de Trollope va donner envie aux non-initiés de découvrir le reste de son œuvre.
Et avec Alison Brie, Gwyneth Keyworth, Phoebe Nicholls, Ian McShane  …

BANDE-ANNONCE

Test DVD:

Interactivité **
Un programme instructif composé de featurettes sur les coulisses du tournage et d’une interview de Julian Fellowes, qui insiste sur la modernité des récits de Trollope.

Image ***
Format : 1.78
Les couleurs sont splendides, la définition est éclatante.

Son ***
DD 2.0 en anglais sous-titré et français
Une piste 2.0 tout à fait convenable, et plus dynamique sur la version originale.

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Les amoureux de littérature anglaise se sont également réjouis de la sortie le 19 octobre chez Koba Films de La foire aux vanités (Vanity Fair), série créée en 1998 par Andrew Davies, à qui on doit la cultissime adaptation d’Orgueil et préjugés. Fidèle à l’œuvre de William Makepeace Tackeray publiée en 1848, cette satire des mœurs de la société anglaise de l’époque victorienne accuse un peu son âge, mais elle ne manque pas de mordant. On suit avec délectation les tribulations de l’ambitieuse orpheline Becky Sharp (Natasha Little), qui ne cesse de déployer des stratagèmes pour accéder à la haute société. Réunissant la fine fleur des acteurs british, cette mini-série de cinq heures, plébiscitée par les connaisseurs, profite d’un double-DVD de belle facture.

ARTICLE CONNEXE : LA DAME DE WILDFELL HALL (The Tenant Of Wildfell Hall)