Interview RYUICHI SAKAMOTO

Première publication, le 7 avril 2016

MAN OF BEAUTY

 

Ryuichi

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Qualifier Ryuichi Sakamoto ne peut se faire qu’à grand renfort de superlatifs. Musicien génial, esthète absolu, ce « citoyen du monde » et donc fervent militant écologiste, n’a cessé de nous éblouir depuis qu’on l’a découvert à la fin des années 70, en solo et avec son groupe légendaire Yellow Magic Orchestra, l’un des pionniers, en Asie, de la pop électronique. Pour ce Japonais amoureux de Debussy depuis son plus jeune âge (il est né en 1952), la musique n’a pas de frontières. Explorateur audacieux, il excelle dans l’art de jongler avec les cultures et les styles, de trouver des combinaisons magiques entre l’ancien et le moderne, entre la musique classique, les sonorités ethniques, les chants traditionnels, le jazz, l’electro, la pop, la bossa-nova, la techno… (un de ses chefs-d’œuvre s’intitule d’ailleurs Illustrated Musical Encyclopedia).

 

Sakamoto albums

 

Ses concerts sont des enchantements, et ceux qui ont eu la chance d’assister à ceux de la tournée qui a suivi la publication de son album Beauty en 1990, ne s’en sont jamais vraiment remis. Ryuichi Sakamoto s’est également distingué en tant que compositeur de musique de film. D’ailleurs, le grand public le connaît surtout grâce à l’inoubliable thème de Furyo (Merry Christmas Mr. Lawrence), de Nagisa Oshima, dans lequel il y campait également l’officier japonais amoureux transi du soldat anglais incarné par David Bowie. La bande originale du Dernier empereur lui a valu l’Oscar en 1988. Celle d’Un thé au Sahara, un Golden Globe trois ans plus tard.

No Nukes

Quand il n’est pas en train de défendre la cause environnementale (il a notamment été à l’initiative du No Nukes Festival, premier concert antinucléaire organisé en 2012 au Japon, seize mois après la catastrophe de Fukushima), le musicien prolifique, toujours à l’affût, continue à faire montre d’ambition artistique dans des albums avant-garde parmi lesquels cet Out Of Noise de 2009, élaboré à partir de sons enregistrés sous la surface de la Mer arctique. Remis du cancer diagnostiqué en 2014 qui l’avait contraint à suspendre ses activités, Ryuichi Sakamoto a fait un retour remarqué en 2015 en signant avec son complice Alva Noto — alias Carsten Nicolai, jeune musicien conceptuel allemand, créateur de performances sonores, avec lequel il collabore fréquemment — la bande originale de The Revenant, rien de moins que le film événement de l’année. Et comme en plus d’être une légende vivante, Ryuichi Sakamoto est un artiste d’une humilité et d’une gentillesse rares, il m’a fait l’honneur de répondre à quelques questions.

 

Ryuichi 4

 

Another Film Another Planet : Aimiez-vous le cinéma d’Alejandro González Iñárritu avant d’accepter de travailler avec lui sur The revenant ? Un film en particulier ?

Ryuichi Sakamoto : Je suis un énorme fan de ses films depuis son premier, Amours chiennes. Je les aime tous et j’ai été réellement bluffé par Birdman.

AFAP : Est-ce le sujet du Revenant — la relation entre l’homme et la nature abordée de manière brutale et radicale — qui vous a particulièrement inspiré, et vous a poussé à accepter le projet ?

RS : J’ai vu le film après avoir donné mon accord pour la musique. Après avoir vu les premiers montages, j’ai estimé que le rôle principal en était la nature. Certes le film soulève un problème humain, mais dans mon esprit, il repose davantage sur la nature.

AFAP : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu la version définitive du film ?

RS : Je ne l’ai vue que plus d’un mois après avoir livré la musique. Ce que j’en pense ? Elle est mixée très fort (rires). Ce qui m’a également relativement surpris, c’est le placement de certains éléments sonores qui, à l’origine n’avaient, pas été composés pour ces moments-là. C’est quelque chose qui arrive fréquemment aux compositeurs de musique de films et parfois de manière encore plus drastique. C’est la raison pour laquelle j’hésite généralement à me rendre aux premières des films sur lesquels j’ai travaillé, c’est un coup à avoir une crise cardiaque !

AFAP : Le réalisateur et les acteurs ont évoqué un tournage difficile, qui virait même parfois au cauchemar. Est-ce que Nicolai et vous avez été également confrontés à des problèmes ? Avez-vous eu toute liberté artistique ou reçu des consignes précises ? Vous avez déclaré dans une récente interview, qu’ Iñárritu ne souhaitait pas de mélodies, il voulait des « sons » ! N’était-ce pas frustrant pour le mélodiste que vous êtes ou avez-vous été emballé par ce challenge ?

RS : En comparaison avec les acteurs et l’équipe, nos difficultés ont été insignifiantes. Pourtant, composer la musique de ce film est certainement le défi le plus grand, le plus complexe de ma carrière, et également le plus stressant. D’abord, parce que The Revenant faisant plus de deux heures trente, nous avons dû pratiquement livrer autant de musique. De plus, Alejandro, dès le départ, nous a demandé de surimpressionner des couches à bases de sonorités complexes et, effectivement, sans mélodies. Et il n’était pas évident de le satisfaire car il est doté d’une oreille extraordinaire et d’une incroyable mémoire pour les sons et la musique. Il a énormément insisté pour que cette BO ne ressemble à aucune autre, et soit tout sauf conventionnelle. C’était comme s’il nous avait fallu peindre un tableau particulièrement émouvant avec certaines couleurs seulement. C’est à la fois un challenge artistique et abstrait.

 

 

AFAP : Grâce à cette partition, vous avez été nommé aux Golden Globes en janvier dernier (tout le monde s’est demandé pourquoi elle n’avait pas été retenue pour les Oscars, avez-vous une réponse à cette question ?) — Quoi qu’il en soit, il semble que cette année était celle d’Ennio Morricone, qui n’avait jamais encore reçu d’Oscar pour une bande originale. Est-il l’un de vos compositeurs de musique de film favori ?

RS : Oui, absolument. J’admire aussi le travail de Maurice Jaubert (pionnier de la musique de films, il a composé, entre autres, celles de L’Atalante, Hôtel du Nord et Drôle de drame NdA), Bernard Herrmann, Alex North (Un tramway nommé désir, Spartacus, Cléopâtre… NdA), Nino Rota, Leonard Rosenman (La fureur de vivre, A l’Est d’Eden… NdA), George Delerue, Antoine Duhamel (La sirène du Mississipi, Domicile conjugal… NdA), François de Roubaix, Edouard Artemev (Solaris, Stalker… NdA), Thomas Newman (Wall-E, Skyfall… NdA), Cliff Martinez (Drive, A l’origine… NdA) et Toru Takemitsu (La femme des dunes, L’empire de la passion, Ran… NdA). Nous n’avons pas été en lice pour les Oscars car l’Académie a probablement estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de musique originale conventionnelle écrite pour le film.

AFAP : Que pensez-vous d’un compositeur comme Alexandre Desplat, omniprésent dans la musique de films aujourd’hui, ce qui aurait peut-être tendance à uniformiser la création dans ce domaine ?

RS : Je ne connais pas bien son travail.

AFAP : Je sais que vous adoreriez travailler avec Jean-Luc Godard. Y a-t-il d’autres réalisateurs qui vous inspirent ?

RS : Il y en a beaucoup que j’admire bien sûr, mais en réalité, dans les films récents que j’ai aimés, la musique n’est pas du tout conventionnelle. Et je trouve qu’ils fonctionnent très bien comme ça.

AFAP : En 2015, vous avez également composé la musique, dans un style plus classique, de Nagasaki, Memories Of My Son, du fameux réalisateur japonais Jôji Yamada. Le cinéma japonais semble dynamique. Les récents Miss Hokusai, de Keiichi Hara, Notre petite sœur, de Hirokazu Kore-eda ou Les délices de Tokyo, de Naomi Kawaze ont obtenu de jolis succès internationaux. Vous qui vivez une grande partie de l’année à New York depuis plusieurs décennies, quel regard portez-vous sur le cinéma japonais moderne ?

RS : Je suis un fan invétéré de Ozu, depuis très longtemps. J’admire aussi Mizoguchi, Naruse, et Kurosawa. Et bien sûr, Oshima est mon héros. Ça peut paraître absurde de comparer le cinéma japonais actuel à ces cinéastes classiques. C’est un peu comme si on comparait les frères Coen à John Ford. C’est peut-être un peu cruel, mais, pour moi, la majorité des films japonais d’aujourd’hui ressemblent de plus en plus à des téléfilms.

 

Voyage Ö Tokyo - affiche

 

AFAP : Quels sont vos prochains projets, en solo ou en collaboration ? Dans la musique de film ou la musique en général ?

RS : Après The Revenant, j’ai achevé une musique pour un film japonais, dont je ne suis pas encore autorisé à donner le titre. Cette année, je vais me consacrer à l’album solo que j’avais entamé en 2014, et dû interrompre lorsqu’on m’a diagnostiqué un cancer.

AFAP : Et enfin, vous avez eu la chance de travailler avec David Bowie sur Furyo (Merry Christmas Mr Laurence), un artiste avec lequel vous aviez beaucoup en commun. Maintenant qu’il est parti, trop tôt, regrettez-vous ne pas avoir travaillé davantage avec lui ?

RS : Nos vies se sont croisées sur le tournage de Furyo et au cours des quelques années qui ont suivi, et puis j’ai perdu le contact alors même que nous vivions dans la même ville. Je m’étais souvent dit que je devrais le contacter pour lui parler. Maintenant je m’en veux de ne pas l’avoir fait, parce que c’était à la fois un génie créatif et quelqu’un de fascinant.

 

Furyo 2

 

Merry

L’équipe de Furyo en 1983 : David Bowie, Jack Thompson, Ryuichi Sakamoto et le réalisateur Nagisa Oshima (Associated Press)

 

Liens connexes :

SITE OFFICIEL RYUICHI SAKAMOTO

CRITIQUE AFAP THE REVENANT FILM

Neige

GASPARD À JAMAIS


Gaspard Ulliel dans le spot de Bleu de Chanel, réalisé en 2018 par Steve McQueen

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Gaspard Ulliel, qui vient de disparaître brutalement ce 19 janvier, à trente-sept ans, des suites d’un accident de ski en Savoie, était le beau gosse du cinéma français. Il avait eu beau tenter de faire oublier son physique de mannequin, qui avait fait de lui l’égérie du parfum Bleu de Chanel depuis 2010, il restera à jamais cet ange un peu triste, ce prince charmant au sourire ambigu qui faisait fantasmer les réalisateurs et pas que.

Né en 1984 à Boulogne-Billancourt d’une mère styliste et d’un père designer, Gaspard Ulliel décroche son premier rôle au cinéma en 2001, à dix-sept ans, dans Le pacte des loups, de Christophe Gans. Il obtient une nomination pour le César du Meilleur espoir masculin dès l’année suivante, pour sa prestation dans Embrassez qui vous voudrez, le film choral de Michel Blanc. Mais c’est en 2003 qu’il va crever l’écran, dans Les égarés, d’André Téchiné, qui lui vaut sa deuxième nomination aux César. Dès lors, le jeune premier dont la cicatrice sur la joue (une griffure de chien lorsqu’il était enfant) ne fait qu’accentuer le charme, sera courtisé par les réalisateurs de tous horizons. Toujours pourtant, il privilégiera le cinéma d’auteur (Jean-Pierre Jeunet, Bertrand Bonello, Emmanuel Mouret, Rithy Panh, Brigitte Roüan, Guillaume Nicloux, Benoît Jacquot, Xavier Dolan…). Jeune homme discret, humble, instinctif et toujours élégant, Gaspard Ulliel avait une voix douce, posée, et il émanait de sa personne une bienveillance certaine qui le rendait attachant. Il avait une prédilection pour les personnages intenses, sensibles, pétris de fêlures.

« Je suis un faux tranquille. J’ai cette sorte de sérénité et de calme apparents mais, au fond, il y a beaucoup d’angoisse, de doutes, d’insécurité et de peurs. En même temps, c’est très fertile. Dès qu’on touche à quelque chose d’artistique, on se doit de cultiver ça. » Gaspard Ulliel en 2018, sur RFM, pour la sortie des Confins du monde.

Cette quête d’expériences artistiques et émotionnelles lui vaudra ses plus beaux rôles — Saint Laurent, Les confins du monde, Juste la fin du monde… En 2021, il tournait aux côtés d’Oscar Isaac et Ethan Hawke dans la production Marvel, Moon Knight, une mini-série à paraître en mars 2022 sur Disney +. Ce jeune papa se préparait également à tourner avec Bertrand Bonello, et avec Xavier Giannoli, dans une série produite par Canal+. Sa mort absurde prive le cinéma français d’une de ses plus belles étoiles.

 

GASPARD ULLIEL EN DIX FILMS

 

SIBYL de Justine Triet (2019)

 

LES CONFINS DU MONDE de Guillaume Nicloux (2018)

 

JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan (2016)
*César du Meilleur acteur *

Critique

 

LA DANSEUSE de Stéphanie Di Giusto (2016)

 

SAINT LAURENT de Bertrand Bonello (2014)

 

LA PRINCESSE DE MONTPENSIER de Bertrand Tavernier (2010)
Critique

 

HANNIBAL LECTER – LES ORIGINES DU MAL (Hannibal Rising) (2007)
Critique

 

JACQUOU LE CROQUANT de Laurent Boutonnat (2007)
Critique

 

UN LONG DIMANCHE DE FIANÇAILLES de Jean-Pierre Jeunet (2004)
* César du Meilleur espoir masculin *

Critique

 

LES ÉGARÉS de André Téchiné (2003)
Critique

*

 

LAURA ANTONELLI N’EXISTE PLUS

Ce n’est pas un scoop, L’Équipe a longtemps été l’un des journaux les mieux écrits de France. Il ne s’agit pas seulement pour ces rédacteurs de décrire le beau geste ou la liesse des supporters. Ce métier nécessite une connaissance aiguë de la nature humaine. Le sport est un mélange de passion, de discipline, de dépassement de soi, de courage mais aussi de douleur et d’amertume. Il y a du romantisme là-dedans. Tout comme son aîné feu Antoine Blondin, et son collègue Vincent Duluc — spécialiste du foot qui vient de publier une biographie romancée de Carole Lombard et Clark Gable, Philippe Brunel, était, jusqu’à l’été 2020, une plume de L’Équipe. Il a quitté le journal après quatre décennies de bons et loyaux services consacrées à ennoblir le cyclisme, sa passion. L’homme sait raconter les histoires, qui, souvent, finissent mal. Il a signé les essais Vie et mort de Marco Pantani (Grasset, 2009) et Rouler plus vite que la mort (Grasset, 2018). Côté romans, on lui doit déjà La nuit de San Remo (Grasset, 2012), qui revenait sur le suicide présumé du jeune Luigi Tenco, beau chanteur italien et amant de Dalida, retrouvé mystérieusement mort d’une balle dans la tête dans sa chambre d’hôtel en 1967, lors du festival de San Remo. Avec Laura Antonelli n’existe plus, Philippe Brunel explore à nouveau un mythe de l’Italie, sa seconde patrie, et rend un hommage poétique à celle qui fut un sex-symbol des seventies, et dont la destinée fut aussi cruelle que tragique.

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Passion d’amour (Passione D’Amore) d’Ettore Scola (1981)

« On n’est jamais à l’abri de rater sa vie. L’abîme est toujours proche. Un jour, tout se désagrège, s’anéantit dans le vide sans qu’on n’y puisse rien. »

 

 

LAURA ANTONELLI N’EXISTE PLUS

Roman de Philippe Brunel
Publié chez Grasset le 3 février 2021

 

À la suite du coup de fil énigmatique d’un producteur, le narrateur embarque pour Rome investi d’une obscure mission : retrouver Laura Antonelli, l’actrice solaire, oubliée, dont Visconti disait qu’elle était « la plus belle femme du monde »…

Il Maestro, qui lui avait offert en 1976 sont plus beau rôle, dans L’Innocent, disait aussi qu’elle avait « un visage d’ange sur un corps de pécheresse ». Et cela pour son malheur. L’un des films dans lesquels elle a tourné, signé Luigi Comencini, s’intitule Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? Un titre prémonitoire… Laura Antonelli était née Laura Antonaz en 1941 à Pola, en Istrie alors italienne, (aujourd’hui croate). Sa famille, comme bon nombre de familles italiennes d’Istrie après la Seconde Guerre mondiale, est condamnée à l’exil. En 1962, après des études supérieures à Naples et avec un diplôme de professeur d’éducation physique en poche, Laura s’installe à Rome. Elle passe moins de temps à enseigner qu’à tourner des spots publicitaires qui vont bientôt attirer l’attention des producteurs de cinéma. Son nom d’actrice apparaît pour la première fois, en 1964, au générique de L’espion qui venait du surgelé, de Mario Bava. Ce sera la première d’une longue série de ce que Philippe Brunel décrit comme « des comédies osées, frivoles, des pochades sans prétention ». Car la puissance érotique qui émane de ses courbes et postures va faire de Laura Antonelli un sex-symbol, un fantasme, et lui valoir le surnom de « la Bardot italienne. »

Divine créature, de Giuseppe Patroni Griffi (1975)

« Laura n’a pas la splendeur sculpturale d’Anita Ekberg, la déesse païenne, phosphorescente de la Dolce Vita, ni les pâleurs diaphanes d’une Monica Vitti insatisfaite, existentialisée par Antonioni, mais elle incarnait quelque chose de plus rare, la femme du peuple « pasta e fagioli » accessible et désirable, à la beauté embarrassante, qui vous remuait les sangs. »

 

Malicia (Malizia)

 

En 1973, Malicia, de Salvatore Samperi, va même l’ériger en icône du cinéma érotique. Elle y campe une domestique fraîchement engagée par un veuf, et dont la sensualité ne tarde pas à mettre en émoi toute la maisonnée, dont un adolescent de quatorze ans. Le succès, phénoménal, va aussi cantonner la comédienne, excellente au demeurant, à ce genre de rôle. Rares sont les films qui en réchappent. On retient surtout Les mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau qu’elle tourne en 1971 aux côtés de Marlène Jobert et Jean-Paul Belmondo (qui sera son compagnon durant huit ans), Sans Mobile apparent de Philippe Labro, L’innocent, et Passion d’amour d’Ettore Scola. Après avoir connu l’ivresse de la gloire durant la décennie 70, Laura Antonelli va peu à peu basculer du côté obscur au cours de la suivante. La chute sera inexorable.

Les mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau (1971)

Avec Jean-Paul Belmondo au Festival de Cannes en 1974

L’innocent (L’innocente) de Luchino Visconti (1976)

Péché véniel (Peccato Veniale) de Salvatore Samperi (1974)

 « La mélancolie, c’est comme une maladie, on ne s’en débarrasse jamais… »

En 1991, elle est arrêtée pour possession de cocaïne et fait la une de la presse à scandale. Cette exposition malsaine lui vaut d’être sollicitée pour reprendre son rôle de soubrette dans le piètre remake de Malicia, Malicia 2000, paresseusement réalisé par le même Salvatore Samperi. Sur le tournage, des injections de collagène destinées à atténuer ses rides vont lui provoquer une allergie si sévère qu’elle sera quasiment défigurée. Laura Antonelli, fragile, mal entourée, va dès lors entamer une lente descente aux enfers. Elle s’isole, se débarrasse de tous ses biens matériels et se tourne vers la religion. Jusqu’à sa mort, survenue en 2015 (à soixante-treize ans), elle vivra en ermite, méconnaissable, dans un modeste deux-pièces de Ladispoli, ville côtière à quarante kilomètres de Rome.

Voyage en Italie

Au moment où Philippe Brunel écrit le livre, Laura Antonelli est encore de ce monde. Au dernier journaliste qui avait souhaité la rencontrer elle avait répondu : « Laissez-moi. Laura Antonelli n’existe plus. » Le récit de cette quête fiévreuse transporte dans une Italie écrasée de soleil, des plages de Maccarese à Ladispoli en passant par la villa de Cerveteri, autrefois demeure de l’actrice et de tous les scandales. Les quartiers de Rome n’ont pas de secrets pour l’auteur. On y croise les fantômes de Luchino Visconti, Danilo Donati, Pier Paolo Pasolini, Alida Valli, Anna Magnani, mais aussi des amis de Laura Antonelli, tel Marco Risi, fils de Dino, ou l’acteur Lino Banfi. Toutes ces rencontres, ces rendez-vous dans des lieux insolites parfois, finissent par lever le voile sur le mystère Laura Antonelli. À l’expérience de journaliste viennent se mêler les souvenirs de jeunesse. La plume à la fois alerte et poétique de Philippe Brunel bouleverse et tient le lecteur en haleine. Jusqu’à la fin, le suspense est total.

 

« Je n’ai toujours pas résolu ce qui m’attirait dans cette histoire, au-delà de cette fascination qu’on éprouve devant l’absurdité de notre présence au monde… »

Laura Antonelli