DUEL AU SOLEIL/L’HOMME TRANQUILLE

Deux classiques flamboyants et inclassables viennent de paraître en Blu-ray et DVD, dans des éditions superbement restaurées. Chez Carlotta, Duel au soleil est flanqué d’un livre érudit du spécialiste Pierre Berthomieu qui revient sur la création de cette tragédie épique et baroque aux atours de western vénéneux, amoureusement couvée par son producteur, le magnat David O’Selznick. Edition DVD plus minimaliste chez Films Sans Frontières, mais tout aussi incontournable, celle de L’homme tranquille, ode à l’Irlande qui valut à John Ford le quatrième Oscar de sa carrière. Deux chefs-d’œuvre, et succès populaires, portés par des actrices incandescentes : Jennifer Jones et Maureen O’Hara. 

 


« Pearl, who was herself a wild flower, sprung from the hard clay, quick to blossom and early to die. » Extrait du prologue dit par Orson Welles, en voix-off

 

Duel au soleil (Duel In The Sun)

King Vidor et quelques autres…
1946
En édition Ultra Collector à tirage limité chez Carlotta depuis le 21 mars 2018

Pearl Chavez (Jennifer Jones) est métisse. La jeune fille a la beauté du diable, mais un bagage familial peu enviable. Scott Chavez (Herbert Marshall), son père blanc, est un homme déchu et faible, affligé par la conduite de son épouse indienne, infidèle et aguicheuse. Un soir, c’est l’humiliation de trop. Scott tue sa femme et l’amant de celle-ci. Condamné à mort, il envoie Pearl se réfugier au Texas, chez sa cousine et seule femme qu’il a aimé, Laura Belle McCanless (Lilian Gish), dont le mari (Lionel Barrymore) est un puissant propriétaire terrien. L’arrivée de la jeune fille va attiser les tensions, notamment entre Jesse et Lewt, les deux fils McCanless (Joseph Cotten et Gregory Peck), dont l’un, diplômé en droit, est aussi pondéré et bienveillant que le second, véritable fripouille, est impulsif et passionné…

 Le temps des folies… C’est sous ce titre que Pierre Berthomieu narre l’épopée du tournage de ce western atypique, qui préfigure ceux des productions pharaoniques qui mettront à terre Francis Ford Coppola et Michael Cimino. Car Duel au soleil est le film de la démesure et le reflet de la folie de son producteur, qui voulait réitérer l’exploit d’Autant en emporte le vent. A la source, il y a le roman, homonyme, écrit en 1944 par Niven Busch. Auteur bien connu du monde du cinéma (L’incendie de Chicago et Les furies ont été portés avec brio à l’écran en 1938 et 1950), Busch est aussi un scénariste prisé. Il a notamment collaboré à La vallée de la peur, de Raoul Walsh, et au Facteur sonne toujours deux fois, de Tay Garnett. C’est lui qui est à l’origine du projet d’adaptation de Duel au soleil, qu’il souhaite produire pour la RKO. Mais la défection des stars sollicitées (Teresa Wright — l’épouse de Busch — Hedy Lamarr, Veronica Lake, John Wayne — dans le rôle de Lewt) vont le pousser à se tourner vers David O’Selznick, dont il pressent que la protégée, Jennifer Jones, sera une Pearl Chavez éblouissante. L’avenir va lui donner raison, mais le fameux producteur ne mettra pas longtemps avant de s’approprier le projet. Fin 1944, il rachète les droits du livre à RKO, et engage King Vidor, chantre de l’Amérique et spécialiste des superproductions, pour le réaliser. David O’Selznick fera remanier plusieurs fois le scénario original écrit par Busch et H. P. Garrett, et rendra fou King Vidor qui, en août 1945, excédé par son ingérence, finira par lui rendre son tablier après sept mois de tournage. Le film sera achevé dans la douleur (en ayant largement affolé budget et calendrier), en grande partie par William Dieterle, puis Otto Brower. D’autres, tel Joseph von Sternberg, filmeront quelques scènes… Duel au soleil est donc un film bancal, rejeton d’un producteur mégalo, mais dont la magnificence crève n’importe quel écran. Le Technicolor confère aux ciels rougeoyants de ces paysages d’Arizona (où le film a été tourné) des accents irréels, accentués par des matte paintings à la fois kitsch, baroques et surréalistes. Les personnages sont excessifs, les cavalcades géantes, la musique de Dimitri Tiomkin, grandiloquente, et les sentiments, exacerbés. A l’histoire de l’Ouest (on notera la présence judicieuse des légendaires Lillian Gish, Lionel Barrymore et Walter Huston) se mêle une tragédie familiale, hantée par de vieilles rancunes et des trahisons. Selznick joue avec le feu, et son mélodrame flirte constamment avec les limites du Code Hays (les censeurs interviendront quand même, et une scène d’une danse suggestive de Pearl sautera au montage ). Soixante-douze ans après, l’audace de ce film, non dénué de sadisme et de cruauté, est encore plus saisissante. Le traitement réservé à Pearl, et le mélange passion-répulsion qui la lie à Lewt ont de quoi faire hurler les féministes et défenseurs des droits des femmes. Qu’importe ! Cette vision, grandiose, des amants qui rampent l’un vers l’autre après s’être entre-tués, reste une scène d’anthologie. En 1986, Etienne Daho lui rendra hommage à sa façon dans sa chanson Duel au soleil, où l’on retrouve la même sensualité torride qui anime cette œuvre fulgurante sur le désir et la passion.
2 h 09 Et avec : Charles Bickford, Harry Carey, Joan Tetzel, Butterfly McQueen, Scott McKay…

 

 

 

Test Coffret Ultra Collector (Blu-ray+DVD)

Interactivité ****
Il s’agit du numéro 9 de l’épatante collection des coffrets Ultra Collector Carlotta. Son visuel est l’œuvre du dessinateur et écrivain américain Greg Ruth. Outre le livre de 200 pages sur la «  fabrication » de Duel au soleil, détaillée avec une précision diabolique par Pierre Berthomieu, avec 50 photos inédites à l’appui, le film est enrichi de deux suppléments exceptionnels. Dans le premier, les enfants de Gregory Peck reviennent sur ce rôle de méchant, plutôt rare dans la carrière de leur père, un contre-emploi qu’il a joué avec gourmandise. Le deuxième est une interview du fils de David O’Selznick, qui s’attarde sur la relation tumultueuse entre son père et sa muse, Jennifer Jones. Des bandes-annonces d’époque complètent le programme, identique au Blu-ray et DVD. A noter que le film est proposé avec son prélude et son postlude.

Image Blu-ray ****
Format : 1.33 respecté
Cette image en Haute-Définition est une merveille. Les couleurs explosent à l’écran. Le piqué ne souffre que de très rares imperfections.

Son Blu-ray ***
DTS Master Audio 1.0 en anglais sous-titré et français
Un peu plus puissante dans la version française, cette piste non compressée est claire, équilibrée et dynamique.

Cette édition est parue en tirage limité à 2000 exemplaires, mais des éditions simples, Blu-ray et DVD, sont également disponibles.

 

 

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« Qu’est-ce que The Quiet Man sinon l’histoire d’un type qui a tellement envie d’une fille, qu’il l’épouse sur-le-champ, et passe le reste du film à essayer de coucher avec ? » John Ford (entretien avec Axel Madsen publié dans Les Cahiers du Cinéma en 1966)

  

L’homme tranquille (The Quiet Man)

John Ford
1952
En édition DVD restaurée et remastérisée HD depuis le 26 février chez Films Sans Frontières

Sean Thornton (John Wayne), ancien boxeur qui a fait carrière en Amérique, revient à Inisfree, son village natal, en Irlande. Il a la ferme intention d’acheter le cottage familial pour s’y installer définitivement. Mais cette maison est également convoitée par le colérique Red Will Danaher (Victor McLaglen), qui a une sœur (Maureen O’Hara) au tempérament aussi volcanique que lui, et dont Sean tombe fou amoureux. Le Yankee va découvrir que dans ce Connemara aux traditions ancestrales, le bonheur en passe par le respect des us et coutumes, même les plus absurdes…

 John Ford aura attendu quinze ans pour réaliser L’homme tranquille, l’hommage au pays d’origine de ses parents, quitté pour émigrer aux Etats-Unis en 1872 (le véritable nom de John Ford était Sean Aloysius O’Feeney). C’est en effet à la fin des années trente que le cinéaste acquiert les droits de la nouvelle éponyme, écrite par l’Irlandais Maurice Walsh, publiée, cette même décennie, dans le Saturday Evening Post. Il envisage même d’associer à ce projet l’écrivain Richard Llewellyn (dont il adaptera le roman Qu’elle était verte ma vallée en 1941). Mais en dépit de son enthousiasme, le réalisateur ne parvient pas à convaincre les studios du potentiel commercial de cette romance irlandaise. Ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à laquelle il a participé, que Ford peut enfin donner vie au projet. Entre-temps, il a fondé sa propre compagnie de production, Argosy Pictures, avec son complice directeur photo, réalisateur, producteur et aventurier Merian C. Cooper, et réécrit le scénario avec Franck S.Nugent, autre fidèle. Ses deux acteurs préférés, Maureen O’Hara et John Wayne, sont de l’aventure, ainsi que toute l’équipe habituelle du réalisateur. O’Hara était si emballée par le projet que, pour alléger le budget, elle a tapé elle-même les pages du script. Tourné dans une ambiance familiale (un des frères de John Ford et deux de Maureen O’Hara jouent dans le film), dans le Connemara, la région des ancêtres du cinéaste, L’homme tranquille est une des rares comédies de Ford (on y trouve même des accents hawksiens). L’Irlande y est idéalisée, sublimée par le Technicolor (le film remportera l’Oscar de la Meilleure Photo), et les traditions catholiques et gaéliques sont dépeintes avec bienveillance et un humour bon enfant. Cette célébration solaire de la vie et du tempérament irlandais (bagarreur mais chaleureux) aborde avec légèreté et truculence les discordances et les conflits (religion et politique y compris… ) L’homme tranquille est aussi le film de Ford qui traite le plus ouvertement de sexe. Le couple John Wayne-Maureen O’Hara fait littéralement des étincelles et la sensualité de l’actrice à la chevelure flamboyante crève l’écran. Mais même le sexe, en Irlande, se règle en place publique. La frustration de Sean qui ne peut consommer son mariage à cause d’une histoire de dot dans laquelle il refuse d’intervenir, devient l’affaire du village. Malgré ses réticences dues à un drame lié à son passé de boxeur, mais aussi à un certain rejet de ces pratiques archaïques, le Yankee devra se retrousser les manches et gagner ses galons de véritable Irlandais et d’époux légitime. Enfin, le film a son petit mystère : pour les besoins du dernier plan, John Ford avait demandé à Maureen O’Hara de murmurer une petite phrase à l’oreille de John Wayne, qui provoquerait la stupéfaction de ce dernier. Ni le cinéaste, ni ses deux acteurs n’en ont jamais révélé la teneur.
2 h 09 Et avec : Barry Fitzgerald, Ward Bond, Mildred Natwick, Francis Ford, Charles B. Fitzsimons, James O’Hara…

 

Test DVD :

Interactivité
Rien de rien, hélas !

Image ***
Format : 1.33 respecté
Il s’agit probablement de la plus belle image du film à ce jour. Les contrastes sont homogènes, les couleurs chatoyantes. Seul un léger grain subsiste, mais jamais nuisible. En clair : un ravissement !

Son ***
DD 2.0 en anglais et anglais sous-titré français
Une seule piste au programme qui ne propose pas de version doublée en français. Elle se révèle dynamique et équilibrée, tout à fait à la hauteur des attentes.

Blu-ray d’Halloween : DARKMAN/GRAVE

En mode Halloween, deux belles éditions Blu-ray ont retenu mon attention : deux œuvres, qui n’ont rien en commun hormis d’être des films de genre et horrifiques, chacune à leur façon. A ma gauche, le romantique et attachant Darkman, film culte réalisé par Sam Raimi en 1990, exhumé en France par l’Atelier d’Images via une édition de rêve financée par une opération de crowfunding sur le site Kiss Kiss Bang Bang. A ma droite, Grave, de la française Julia Ducournau. Ce film choc et phénomène du printemps 2017 a été plébiscité par l’ensemble de la critique, décidément prompte à foncer dans le premier panneau venu. Explications… 

 

 


« I’m everyone… and no one. Everywhere… nowhere. Call me… Darkman. »

Darkman


Sam Raimi
1990
En Edition Ultime (2 Blu-Ray+1 DVD+1 comics) chez L’Atelier d’Images le 7 novembre 2017

Jeune et brillant scientifique, Peyton Westlake (Liam Neeson) est sur le point de se marier avec Julie Hastings (Frances McDormand), une avocate qui défend les intérêts d’un constructeur immobilier. Parce qu’elle a oublié chez Peyton un document compromettant, l’atelier de celui-ci est mis à sac et incendié. Son assistant est froidement assassiné et lui-même est laissé pour mort. Gravement brûlé et odieusement défiguré, Peyton n’aspire qu’à la vengeance. Pour cela, il doit parvenir à achever ses travaux de création d’une peau synthétique qui pourra lui redonner un visage humain. Un seul hic : cet assemblage cellulaire ne supporte pas la lumière plus de quatre-vingt-dix-neuf minutes…

C’est parce qu’il n’avait pas pu réaliser Batman (Warner lui ayant préféré Tim Burton), ni convaincre un studio de lui confier l’adaptation du comics The Shadow, que Sam Raimi a créé en 1989 son propre super-héros. A cette période, il a trente ans et déjà deux Evil Dead au compteur. Il est le voisin et ami des frères Coen avec lesquels il a confectionné le foutraque Mort sur le grill, une comédie d’horreur inspirée des Three Stooges. Le jeune réalisateur va peaufiner le scénario de Darkman et parvenir enfin à obtenir la collaboration d’un grand studio, Universal. Comme par hasard, Sam Raimi est un fondu des films de monstres produits par Universal dans les années 30. Il va se faire un plaisir de leur rendre hommage avec Darkman, figure tragique qui tient à la fois du Fantôme de l’opéra, du Bossu de Notre-Dame et de The Shadow. Passé par le théâtre classique, le jeune Liam Neeson n’hésite pas à en faire des tonnes dans l’expression de la souffrance physique et psychologique endurée par le personnage. Car son calvaire a non seulement changé son apparence, mais l’a transformé en bête enragée (l’insensibilité à la douleur physique a décuplé ses émotions). Mêlant la quête de vengeance et de justice à l’amour impossible, le film déploie un lyrisme poignant, accentué par la partition de Danny Elfman, compositeur fétiche de Tim Burton, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de Batman. L’univers visuel proche de la bande dessinée (le sens du cadrage de Sam Raimi fait merveille), du cinéma muet et de l’expressionnisme (les effets spéciaux, ingénieux pour l’époque, datent de l’ère prénumérique), avait fait sensation à la sortie du film. Aujourd’hui, ce Darkman fantastique et romanesque accuse son âge, mais son aspect vintage ne manque pas de charme. Deux suites, signées en 1995 et 1996 par Bradford May, réalisateur issu de la télévision, et coproduites par Sam Raimi, ont vu le jour en vidéo, avec beaucoup moins de grâce. Liam Neeson avait cédé la place au bien moins charismatique Arnold Vooslo, qui, dans Darkman II, se faisait carrément voler la vedette par Larry Drake, toujours aussi impeccable dans le rôle de l’infâme Durant.
1 h 36 Et avec Larry Drake, Colin Friels, Jessie Lawrence Ferguson, Ted Raimi…

BANDE-ANNONCE


 

Test Edition Ultime :

Interactivité ****
Pour savoir comment Frances McDormand s’est retrouvée à jouer les demoiselles en détresse (un vrai contre-emploi), ou comment Bruce Campbell a été écarté au profit de Liam Neeson, il faut se rendre du côté des suppléments, qui reviennent abondamment sur la genèse du film et son tournage. Pour la plupart inédits (l’interview des experts Julien Dupuy et Stéphane Moïssakis est même une exclusivité française), ils sont judicieusement découpés en deux grands chapitres, « Darkman vu d’hier » et vu d’aujourd’hui, et permettent de savourer les impressions de Sam Raimi, des acteurs et de l’équipe, parfois à plus de deux décennies d’écart. Moult storyboards, des galeries de photos et d’affiches figurent également au menu. Un Blu-ray présente les deux suites, joliment restaurées, et accompagnées de leur bande-annonce d’époque. Enfin, l’édition propose le comics de cent pages Darkman contre l’Armée des ténèbres, inédit en France, dans lequel le vengeur solitaire s’associe avec Ash, le héros de Evil Dead, pour combattre le mal.

Image ***
Format : 1.85
La restauration HD se révèle convaincante, même si les tons chair sont un peu trop rosés. Le nettoyage est probant (probablement effectué par le DNR ou réducteur de bruit), mais il a un peu trop lissé l’image et enlevé beaucoup de grain. En revanche, beau travail sur les noirs, joliment profonds. Un peu moins affinée, la copie proposée par le DVD est toutefois très honorable.

Son ***
DTS HD Master Audio 5.1 en anglais sous-titré
DTS HD Master Audio 2.0 en français
Une piste 5.1 resserrée sur l’avant et qui, en termes d’effets, n’offre pas de réelle différence avec la piste 2.0. Les dialogues sont clairs, et la musique efficacement mise en valeur.

 

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« Vous vous situez où vous ?
– Moyenne…
– Alors trouvez-vous un coin tranquille et attendez que ça passe, parce que ça remue toujours un peu en début d’année. »

Grave


Julia Ducournau
2017
En combo Blu-ray+DVD chez Wild Side Video depuis juillet 2017

Justine (Garance Marillier) s’apprête à intégrer l’école vétérinaire dans laquelle sa sœur aînée Alexia (Ella Rumpf) est déjà élève. Très vite, débute le bizutage… Justine, végétarienne comme toute sa famille, se voit obligée pour la première fois de manger de la viande crue. Un acte qui va avoir des conséquences insoupçonnées…

Que la réalisatrice soit issue d’une famille de médecins — ses parents sont respectivement gynécologue et dermatologue — n’est pas anodin. Que ces derniers soient de grands cinéphiles non plus. Manifestement, Julia Ducournau connaît son petit Cronenberg par cœur, et le cinéma d’horreur sur le bout des doigts. Elle parvient à frapper fort dès la première image, et à installer le malaise en deux coups de cuillère à pot. La manière dont elle filme les scènes de bizutage, les animaux en présence, est impressionnante et fait froid dans le dos. Les écoles vétérinaires ne sont vraiment pas fréquentables. La descente aux enfers de Justine, entre deux fêtes tribales et deux séquences malséantes ou gore, donne la nausée. La jeune fille ne sait plus où donner de la tête : elle se découvre des pulsions cannibales en même temps qu’elle s’éveille à la sexualité… Mais si la cinéaste ménage parfaitement ses effets et maîtrise les éléments de sa mise en scène, dont les insertions musicales très réussies, il n’émane de son film aucune émotion. On n’éprouve pas la moindre empathie ni pour Justine, ni pour sa sœur, tantôt complices tantôt ennemies, et dont on peine à comprendre les motivations (le jeu des actrices ne fait rien à l’affaire). Comme la transformation de Justine, les scènes donnent l’impression de s’enchaîner de façon artificielle jusqu’à ce twist final qui tombe à plat. Dommage, car aborder le cannibalisme en ces temps où se multiplient les adeptes du végétarisme, végétalisme et autre véganisme était plutôt pertinent ; certains aspects du film (dont le bizutage), auraient mérité d’être mieux exploités. Grave est une œuvre dont le visionnage est finalement plus pénible que dérangeant, qui réclame d’avoir l’estomac bien accroché et l’intelligence en berne.
1 h 39 Et avec Laurent Lucas, Rabah Nait Oufella, Joana Preiss, Marion Vernoux, Bouli Lanners…

BANDE-ANNONCE



Test Blu-ray :

 

Interactivité ***
Ce beau combo Blu-ray/DVD ne multiplie pas les suppléments mais propose deux longs entretiens (45 minutes chacun) conduit par Fausto Fasulo de Mad Movies, avec la réalisatrice et son actrice principale, qui reviennent généreusement sur leur expérience. Julia Ducournau ne considère pas son film comme un film d’horreur, elle préfère parler de « film de genre ». Une scène coupée complète le programme.

Image ****
Format : 2.35
Une image impeccable, précise comme un scalpel, contrastée et vibrante lorsque le rouge s’invite.

Son ****
DTS HD Master Audio 5.1 en français
Sous-titres pour sourds et malentendants
Audiodescription
Une piste 5.1 immersive très impressionnante, qui déploie judicieusement ses effets pour faire monter la tension. Le caisson de basses fait trembler les murs.

 

Bridget Jones Baby/Le fils de Jean/Victoria en DVD/BR

Bridget, Jean, Victoria, trois prénoms, trois histoires contemporaines à découvrir en DVD/Blu-ray. 

 


« Hashtag ‘Let’s do this’ ! »

 

Bridget Jones Baby (Bridget Jones’s Baby)


Sharon Maguire
2016
En Blu-ray et DVD chez Studiocanal depuis le 6 février 2017

A quarante ans passés, Bridget (Renée Zellweger) est toujours célibataire et tout aussi loufoque. Depuis qu’elle a rompu avec Mark Darcy (Colin Firth), elle tente de se concentrer sur son travail, mais se laisse facilement embarquer par sa copine Miranda (Sarah Solemani) dans des situations rocambolesques. Lors d’un festival de rock, elle tombe sous le charme de Jack (Patrick Dempsey). Mais quelques jours plus tard, elle tombe à nouveau sous celui de Mark Darcy. Du coup, lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte, c’est la panique…

Pour être honnête, je n’avais pas été convaincue par le premier visionnage. J’avais jugé le film bien trop long, bien trop plan-plan, et les acteurs bien trop « tapés » (bien qu’elle soit censée avoir une petite quarantaine, Bridget Jones semble en avoir dix de plus, tant le visage de Renée Zellweger, malmené par la chirurgie esthétique, ressemble à du papier mâché). Et pourtant, en le revoyant quelque temps après, je l’ai trouvé beaucoup plus drôle et sûrement plus attachant. Je me demande même si ce n’est pas ce côté constamment à côté de la plaque qui lui confère son charme. Force est de constater que tout le monde, dans cette histoire, fait et dit n’importe quoi. Renée Zellweger et Colin Firth se tournent en ridicule avec une conviction qui force l’admiration (la scène dans laquelle Mark Darcy porte Bridget enceinte jusqu’au cou à la maternité, en soufflant comme un bœuf, vaut son pesant de cacahuètes). Ce troisième volet, réalisé comme le premier de 2001, par Sharon Maguire, vaut aussi pour quelques scènes réellement désopilantes, dont les interviews télévisées conduites de manière très spéciale par Miranda (formidable Sarah Soleman). Emma Thompson est également étonnante en gynéco sarcastique (elle a participé à l’écriture du scénario avec Dan Mazer et l’écrivain Helen Fielding). Hugh Grant, pas fou, s’en sort avec les honneurs, et on saluera aussi la participation sympathique de Ed Sheeran, véritable Mr Congeniality, décidément partout ces temps-ci.
2h 03 Et avec Gemma Jones, Jim Broadbent, Sally Phillips, Shirley Henderson, James Callis, Joanna Scanlan…

BANDE-ANNONCE

 

 Malgré son caractère promotionnel, le making of de 19 minutes permet d’entendre les impressions de tous les membres de l’équipe. Colin Firth ne cache pas son admiration pour le jeu de Renée Zellweger et on voit à quel point la Britannique Sharon Maguire et son actrice texane sont investies dans la création de ce personnage qui leur tient autant à cœur l’une que l’autre. Un bêtisier, dix-neuf minutes de scènes inédites judicieusement écartées, et une fin alternative (en fait une inclusion de petites scènes plutôt amusantes dans le générique) figurent également au menu de ce programme très adéquat. Le Blu-ray propose une image soignée et lumineuse, au rendu un peu doux et voilé, inhérent au parti pris de la photo signée Andrew Dunn. Les chansons sont mises en exergue par la piste non-compressée dynamique, plus harmonieuse en VO.

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« Il sautait sur tout ce qui bouge en fait !
– Il aimait les femmes, ouais.
– Si ça se trouve, il a fait des mômes un peu partout. J’ai peut-être un bataillon de frères et sœurs. C’est con, en tant que famille nombreuse, je pourrais avoir une réduction dans les transports au moins. »

 

Le fils de Jean


Philippe Lioret
2016
En Blu-ray et DVD chez Le Pacte depuis le 4 janvier 2017

Mathieu (Pierre Deladonchamps), trente-trois ans et jeune papa, reçoit un coup de téléphone du Canada et apprend que son père, qu’il n’a jamais connu, vient de mourir. Découvrant par la même occasion qu’il a des frères, Mathieu décide de se rendre à Montréal pour les obsèques et rencontrer ainsi sa famille. Il est accueilli un peu froidement à l’aéroport par Pierre (Gabriel Arcand), son oncle, qui lui demande expressément de ne pas dévoiler son identité à ses frères, qui ignorent son existence. Le secret doit être gardé…

 Au grand spectacle, Philippe Lioret préfère l’intime. Le réalisateur des formidables Mademoiselle, Je vais bien ne t’en fais pas ou Welcome ne laisse jamais rien au hasard. Chaque regard, chaque échange entre les protagonistes est lourd de sens. Mathieu met les pieds en territoire inconnu, et manifestement, dérange. Son désir de comprendre ses origines, de connaître les siens, n’est pas réciproque. Il y a une raison. Et on s’identifie forcément à ce détective bienveillant, qui tente d’ouvrir les portes closes avec une détermination enfantine. Philippe Lioret avait cette histoire en tête depuis longtemps. La découverte du livre de Jean-Paul Dubois, « Si ce livre pouvait me rapprocher de toi » a fait le reste. Pudique et tout en émotions contenues, Le fils de Jean est un joli film, toutefois un peu trop sage. On aurait aimé vibrer davantage. Cette partition feutrée est néanmoins relevée par la très sympathique (et jolie) actrice québécoise Catherine de Léan, une révélation !
1 h 38 Et avec Marie-Thérèse Fortin, Pierre-Yves Cardinal, Patrick Hivon, Romane Portail…

BANDE-ANNONCE

 

Le film est suivi d’un entretien instructif de 16 mn avec Philippe Lioret. Le cinéaste revient sur la genèse du film, sa découverte du Québec et ses acteurs, et révèle l’histoire du tableau du film, plutôt étonnante. Côté technique, le DVD affiche une belle définition. L’image est lumineuse et contrastée, tandis que la piste 5.1 est idéalement équilibrée pour ce film intimiste.

 

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« Mais, vous avez couché avec d’autres magistrats ?
– Oui, mais vous savez, il y a quelques années, j’étais un peu obsédée sexuelle, j’ai couché avec tout mon entourage. J’aimais… cet état presque régressif et auto-érotisant… »

Victoria


Justine Triet
2016
En Blu-ray et DVD chez Le Pacte depuis le 18 janvier 2017

Victoria Spick (Virginie Efira) est avocate et paumée. Trentenaire à la vie sentimentale compliquée, elle élève seule et tant bien que mal ses deux petites filles. A un mariage, elle retrouve son ami de toujours, Vincent (Melvil Poupaud) et tombe sur Sam (Vincent Lacoste), un jeune dealer qu’elle a défendu quelques mois auparavant. Il cherche à la fois du travail et à se remettre dans le droit chemin. Du coup, elle l’engage comme jeune homme au pair. Le lendemain, Vincent appelle Victoria au secours : il est accusé de tentative de meurtre par sa compagne. Seul témoin de la scène, le chien de la victime…

Ainsi donc, voici la comédie que la majeure partie de la critique française a adorée en 2016. Certes, Virginie Efira y est, comme toujours, fabuleuse, mais on peut dire qu’elle réussit son numéro en dépit d’une mise en scène sans relief, d’un rythme mollasson et d’un scénario foutraque. Les personnages sont le plus souvent improbables et parfois pénibles. Tout est excessif et lourdingue dans ce Bridget Jones à la française, cynique et bien moins futé que l’air qu’il se donne, et on ne parvient pas à ressentir une quelconque empathie avec les personnages. Quant au couple romantique Virginie Efira-Vincent Lacoste, il est plus gaguesque qu’autre chose. David Moreau avait davantage réussi son coup en lui opposant Pierre Niney dans 20 ans d’écart, comédie moins prétentieuse, plus plausible et surtout plus drôle.
1 h 37 Et avec Laurent Poitrenaux, Laure Calamy, Sophie Fillières, Claire Burger…

BANDE-ANNONCE

 

 

Un making of de 20 minutes emmène sur le vif du tournage. On y entend les intentions de la réalisatrice, les impressions des acteurs… Treize minutes de scènes inédites aux allures de bêtisier complètent le programme. Sans faire d’étincelles, la définition du DVD est tout à fait convenable, à l’instar de la piste 5.1, plutôt harmonieuse.