De NERVE à GREEN ROOM

Qu’y a t-il de commun entre le techno-thriller des deux réalisateurs de Paranormal Activity 3 et 4, qui a fait un carton auprès des ados cet été, et le survival de Jeremy Saulnier paru ce le mois dernier en DVD/Blu-ray, qui met un jeune groupe punk aux prises avec des néo-nazis ? Rien justement, et c’est cela qui est intéressant. Deux visions de la jeunesse totalement opposées : d’un côté, les accros à la technologie, et de l’autre, ceux qui la refusent, pour le meilleur et pour le pire.

NERVE
« Are you a Watcher ? Or a Player ? »

 

 Nerve

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Henry Joost et Ariel Schulman
2016 (Dans les salles françaises depuis le 24 août)

Parce qu’elle vient d’être humiliée par sa meilleure amie, qui la juge coincée et trop sage, Vee (Emma Roberts) s’inscrit à Nerve, le jeu très lucratif qui diffuse en direct sur Internet des défis filmés, imposés par les Voyeurs (autrement dit les followers). La première mission de Vee : entrer dans un bar et embrasser un inconnu. Coup de chance, elle tombe sur le beau Ian (Dave Franco), lui aussi joueur de Nerve. Séduits par leur tandem, les Voyeurs leur demandent de s’associer pour les épreuves suivantes. Mais les défis vont être de plus en plus dangereux. L’argent coule à flot, mais impossible de quitter le jeu, qui va prendre une tournure cauchemardesque…

Au départ, Nerve est un roman pour adolescents de Jeanne Ryan, publié en 2013 en France sous le titre Addict. Les jeunes réalisateurs Henry Joost et Ariel Schulman l’ont astucieusement adapté en mettant en exergue les aspects fantasmatiques d’un jeu dangereux, un Jackass pas pour rire, où les joueurs sont manipulés par leurs followers qui ne leur veulent pas que du bien. La mise en scène est l’atout majeur de ce film clinquant et nerveux, sorte de version moderne de The Game de David Fincher, qui épouse les visuels d’applications smartphone et profite d’une bande son electro-pop underground plutôt soignée. Course échevelée dans un beau New York nocturne, le film, souvent fun malgré une narration parfois pataude, met en garde contre les dangers d’Internet et le pouvoir des réseaux sociaux sans se départir de son côté film pour ado, incluant romances lycéennes, jalousies et petites traitrises entre amies. Dans une société où le voyeurisme et l’exhibitionnisme sont rois, ce thriller éveillera peut-être les jeunes âmes inconscientes et accros à leur portable, qui, au départ, étaient juste venues pour le sourire de Dave Franco.
1h 36 Et avec Emily Meade, Miles Heizer, Juliette Lewis, Machine Gun Kelly, Brian ‘Sene’ Marc…

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« Internet, ce n’est pas votre truc. Pourquoi vous ne communiquez pas ?
– A force de donner dans le virtuel, tu perds en densité… L’énergie, c’est éphémère… »
– A moins d’être Iggy Pop. »

 

 Green Room

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Jeremy Saulnier
2015
Paru dans les salles françaises en avril 2016 — En Blu-ray et DVD chez M6 Vidéo depuis le 7 septembre

Furieux après que la dernière date de sa tournée, déjà guère fructueuse, a été annulée, le groupe punk-rock The Ain’t Rights accepte de se produire au pied levé dans un club du fin fond l’Oregon. L’endroit, paumé en pleine forêt, est en fait un repaire de skinheads et de néo-nazis. Et pour avoir vu ce qu’ils n’auraient pas dû voir, les membres du groupe vont se retrouver la cible du patron du club (Patrick Stewart) et de ses sbires, déterminés à éliminer tout témoin gênant…

L’Américain Jeremy Saulnier a été repéré en 2013 avec le percutant Blue Ruin, un film de vengeance produit grâce à une plateforme de financement participatif, qui a fait du bruit dans les festivals internationaux et remporté, entre autres, le Prix FIPRESCI (critique internationale) à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Paru deux ans plus tard, ce Green Room n’a certes pas la même puissance, ni originalité, mais se distingue par ses atmosphères glauques et poisseuses (le verdâtre est à la fête !), et sa violence gore et brutale qui en appelle à Romero et au Boorman de Délivrance. Pas de montage hystérique ni d’effets spéciaux high-tech ici. Le passé de musicien punk de Jeremy Saulnier, qui sait ce que signifie la vie d’un groupe sur la route, permet à cette immersion dans le quotidien d’une formation fauchée, pour qui la tournée signifie surtout galères en série, de revêtir une authenticité saisissante. La musique autorise d’ailleurs un certain humour noir, marque de fabrique du réalisateur. Ainsi, la première chanson du concert des Ain’t Rights dans le film n’est autre qu’une reprise de « Nazi Punks Fuck Off », des Dead Kennedys, qui a pour effet d’agacer fortement les extrémistes de la salle. Mais les musiciens ont beau vociférer avec conviction sur scène, ils sont totalement désarmés face à la violence et la barbarie à laquelle ils vont être confrontés ensuite. Assiégés dans leur loge par des fous furieux adeptes de pitbulls et d’armes de guerre, ils devront avoir recours à leur intelligence et au système D, dans un combat qui s’annonce perdu d’avance. Si Jeremy Saulnier filme ce jeu de massacre avec une âpreté et un réalisme impressionnants, il manque à son film un peu de profondeur et d’émotion pour être davantage qu’une série B de genre, bien fichue au demeurant.
On notera que l’acteur Anton Yelchin (interprète de Pat dans le film), bien connu des fans de la nouvelle saga Star Trek et membre du groupe punk The Hammerheads, est décédé à la suite d’un tragique accident en juin dernier. Il avait vingt-sept ans.
1h 32 Et avec Imogen Poots, Joe Cole, Alia Shawkat, Callum Turner, Patrick Stewart, Mark Webber, Macon Blair…

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Test DVD :  

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Interactivité
DVD comme Blu-ray sont exempts de bonus, hormis la bande-annonce.

Image ***
Format : 2.39
Glauque à souhait, elle retranscrit idéalement la volonté artistique des créateurs, tout en restant d’une définition convaincante.

Son ***
DD 5.1 2.0 en anglais sous-titré et français
Sous-titres non-imposés
La piste DD 5.1 est harmonieuse et détaillée. Elle manque néanmoins un peu de puissance dans les enceintes-arrière.

A la différence du DVD, le Blu-ray présente la version Director’s cut non-censurée, augmentée de quelques minutes d’images gore et violentes.

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SIX DVD/BLU-RAY pour prolonger l’été

De Everybody Wants Some!! à Café Society, en passant par Ce sentiment de l’étéI Origins, The Finest Hours et Ave César, six DVD/Blu-ray pour rêver, rire, s’émouvoir et en prendre plein les yeux. 


« Frontiers are where you find them. »

 

Everybody Wants Some!!


Richard Linklater
2016 (En Blu-ray et DVD chez Metropolitan depuis le 20 août)

Fin août 1980, Jake (Blake Jenner) s’apprête à débuter sa première année d’étudiant dans l’équipe de base-ball de l’université. Il rencontre ses coéquipiers et colocataires. Trois jours avant la rentrée, tous se préparent à passer un week-end de folie, entre soirées arrosées sur le campus, bizutages, disco et drague…

Impossible de ne pas tomber sous le charme du dernier film en date du réalisateur de l’encensé Boyhood, qui pourrait constituer la suite de son Génération Rebelle (Dazed And Confused) de 1993. Everybody Wants Some!!, chronique de la jeunesse volontairement dénuée d’enjeux dramatiques, suspend le temps et immerge dans ce début des années 80. Il y a du fétichisme dans la manière dont Richard Linklater reconstitue ces scènes de vie, ne laissant aucun détail au hasard (voitures, musique, vêtements, coupes de cheveux, langage, attitudes… ), comme s’il avait capté pour l’éternité l’air de cette période d’insouciance, avant les années Reagan et le sida. Succession de blagues potaches, de bizutages, de compétitions viriles, de discussions existentielles autour du bong, de virées en boîtes et de fêtes arrosées, les tribulations de ces garçons qui aiment jouer les grandes gueules n’ont pourtant rien en commun avec celles des personnages d’American Pie. Les protagonistes, tous attachants, ont du bagout et une énergie communicative. Ils sont interprétés par une brochette de jeunes d’acteurs quasi-inconnus et excellents — caution ultime, Zoey Deutch est la fille d’Howard Deutch et Lea Thompson, réalisateur et actrice de la comédie romantique culte des eigthies Some Kind Of Wonderful, écrite par John Hugues). Linklater célèbre l’instant présent, la fugacité du bonheur, et il émane de son film une nostalgie et une pureté singulières. Quant à la bande-son, de « My Sharona » à « Good Times Roll », en passant par « Rapper’s Delight », elle décoiffe, tout simplement.
1 h 57 Et avec Tyler Hoechlin, Ryan Guzman, Juston Street, Glen Powell, J. Quinton Johnson, Will Britain…

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Les amoureux du film se réjouiront de la présence d’un enchaînement de 25 minutes de scènes coupées ou alternatives. Quatre courts reportages sur les coulisses du tournage figurent également au menu. On peut y découvrir les vidéos des auditions des acteurs, les répétitions des scènes dansées, le travail sur le style des années 80, et l’érudition en la matière de Richard Linklater appelé « Rickipedia » par ses comédiens. Le réalisateur a choisi de tourner en numérique, mais l’image proposée par le Blu-ray n’est pas lisse pour autant. Elle a même un aspect désaturé de toute beauté, et les couleurs sont éclatantes. Côté son, la piste DTS-HD Master Audio 5 .1 de la version originale fait parfaitement le job. Bonne idée, l’option Liner Notes (dans les sous-titres) permet de visionner le film avec le titre des chansons inscrit à l’écran.
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“Mon Dieu, regarde tous ces gens ! Tu réalises qu’ils ont tous des vies compliquées. Avec leur lot de peurs, d’amour, de haine. Ils ont des crises existentielles. T’imagines, ils ont des crises existentielles. On n’est pas les seuls.”

 

Ce sentiment de l’été

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Mikhaël Hers
2016 (En Blu-ray et DVD depuis le 21 juin chez Pyramide Distribution)

A Berlin, au beau milieu de l’été, en revenant de l’atelier où elle travaille, Sasha (Stéphanie Daub-Laurent), trente ans, s’écroule dans un parc, et décède peu après. Son compagnon, Lawrence (Anders Danielsen Lie), est dévasté. La famille française de Sasha arrive aussitôt, et Lawrence fait la connaissance de Zoé (Judith Chemla), la sœur de Sasha. Entre Berlin, Paris et New York, tous deux vont tenter de survivre à leur chagrin…

Le deuxième long-métrage du Français Mikhaël Hers, remarqué par ses courts et moyens métrages, puis son premier long, Memory Lane, a beaucoup de points communs avec Oslo, 31 août, de Joachim Trier, et pas seulement son acteur principal, le formidable comédien Norvégien Anders Danielsen Lie. Ici aussi, on suit les errances d’un homme qui tente de se reprendre contact avec le monde. Lawrence s’appuie sur la sœur de sa compagne, perdue également après ce deuil improbable (touchante Judith Chemla). Elle lui fait découvrir Paris, il lui montrera New York. Il croise des gens, retrouve des amis, tombe amoureux, se balade beaucoup. On pourrait s’ennuyer. Au contraire. On se laisse porter par ce film mélancolique et lumineux, par ses images d’été qui s’enfuit, son soleil qui décline, ses éclats de rires, ses instants de grâce, les vues insolites et magiques de Berlin, Paris, New York. Mikhaël Hers capture merveilleusement la vie, le temps en suspens, et aussi les incertitudes, les hésitations et l’émerveillement de ses protagonistes. On en ressort, apaisé, ébloui et heureux.
1 h 46. Et avec Marie Rivière, Feodor Atkine, Dounia Sichov, Lana Cooper, Joshua Safdie, Marin Ireland, Jean-Pierre Kalfon…

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En prolongement de ce film tourné en 16 mm, on peut découvrir deux très jolis clips du groupe Amor de Días réalisés par Mikhaël Hers, qui a travaillé une image très vintage. Au programme des bonus également : les scènes intégrales de deux chansons du concert de Mac DeMarco, dont on voit des extraits durant le film. Très fidèle à l’esprit de la photographie de Sébastien Buchmann, l’image proposée par le DVD est naturelle, lumineuse, dotée d’un grain parfois un peu trop prononcé. La piste DD 5.1, harmonieuse et ample, sert idéalement la bande originale mélancolique composée par le Français Tahiti Boy.
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« Pourquoi cherches-tu autant à réfuter l’existence de Dieu ?
– Réfuter ? Quelqu’un a-t-il déjà prouvé son existence ? »

 

I Origins


Mike Cahill
2014 (En Blu-ray et DVD chez Koba Films depuis le 7 septembre)

Ian Gray (Michael Pitt), jeune docteur en biologie moléculaire qui mène depuis plusieurs années des recherches sur l’œil, tombe fou amoureux de Sofi (Astrid Berges-Frisbey), mannequin dont l’iris des yeux le fascine. Ils filent le parfait amour même si la jeune femme, qui croit à la spiritualité de l’âme, tente sans succès d’ébranler les convictions scientifiques bien arrêtées de Ian. Un mauvais tour du destin va permettre au jeune homme de faire une découverte qui pourrait non seulement gommer ses certitudes, mais également changer la face de l’humanité…

Repéré à Sundance puis au festival de Deauville 2014 où il était en compétition, le deuxième long-métrage du réalisateur de l’épatant Another Earth n’a eu droit qu’à une sortie confidentielle dans les salles françaises. Il est heureux que Koba Films, deux ans après, permette de découvrir ce long métrage audacieux, controversé et moins abouti peut-être que son prédécesseur, qui mérite néanmoins le détour. Fasciné par la fameuse photo prise par Steve McCurry de la jeune Afghane aux yeux verts parue en couverture de National Geographic en 1985, Mike Cahill, qui a deux frères scientifiques, s’est intéressé aux yeux et au programme d’identification basé sur la biométrie de l’iris (d’où le titre I Origins – Eye Origins). Ses recherches lui ont inspiré cette fable romantique new-age qui oppose spiritualité et science. Elles sont symbolisées par deux femmes, Sofi et Karen, la jeune laborantine assistante de Ian, campée par la toujours juste Brit Marling, l’inoubliable héroïne d’Another Earth. On ne dévoilera pas davantage de l’intrigue, véritable jeu de piste, au propre comme au figuré, et qui réserve des surprises parfois cruelles. Le film, très proche de l’univers de M. Night Shyamalan, paraîtra pour certains un peu trop éthéré. Mais pour peu qu’on se laisse embarquer par ce cocktail de mystère, de poésie et d’émotion, on tombera immanquablement sous le charme. Ne manquez pas la séquence post-générique de fin.
1 h 46 Et avec Steven Yeun, Archie Panjabi, Kashish, William Mapother…

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Comme le DVD, le Blu-ray n’est doté d’aucun supplément. Il bénéficie en revanche d’une belle image, naturelle, qui rend hommage à la photo de Markus Förderer. Généreuse, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 favorise une immersion totale, et permet d’apprécier l’excellente bande originale (la musique est signée Will Bates et Phil Mossman, mais on y trouve aussi The Dø ou Radiohead)
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« Chez les garde-côtes, on vous oblige à y aller. On ne vous oblige pas à revenir. C’est la règle. »

 

The Finest Hours

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Craig Gillespie
2016 (En DVD depuis le 6 juillet chez Disney)

En février 1952, une tempête effroyable s’abat sur la côte Est des Etats-Unis. Au large de Chatham, près de Cape Cod, un navire, brisé en deux par une lame, réclame le soutien des garde-côtes les plus chevronnés. Mais quelques heures après, dans un secteur tout proche, un second pétrolier, le S. S. Pendleton, subit la même avarie. Le premier-maître (Eric Bana) ordonne alors au timonier timide et controversé Bernie Webber (Chris Pine), de monter une mission de secours. Trois matelots, dont deux bleus, se portent volontaires. Malgré les supplications de la fiancée de Bernie (Holliday Grainger), l’équipage se prépare pour une véritable mission suicide, tandis que sur le S. S. Pendleton, l’ingénieur Ray Sybert (Casey Affleck) tente de maintenir la moitié du navire à flot pour sauver les trente hommes à bord…

Adapté du roman de Casey Sherman et Michael J. Tougias inspiré de l’histoire vraie du sauvetage du S. S. Pendelton, le film de Craig Gillespie (Fright Night) renoue avec brio avec un certain cinéma à l’ancienne, romanesque et héroïque. Le classicisme hollywoodien est de rigueur, et les scènes de bravoure en haute mer sont spectaculaires. On est tenu en haleine durant toute la durée de ce survival qui se révèle très fidèle à la véritable histoire. Si le charismatique Chris Pine ne semble pas toujours à sa place dans ce contre-emploi, le reste de la distribution fait un sans-faute. On saluera particulièrement la prestation de Casey Affleck, excellent en McGyver courageux, et celle de Ben Foster, taciturne et pince-sans-rire. Les images du générique de fin, dévoilant les véritables portraits des personnages, donnent le frisson.
1 h 57 Et avec John Ortiz, Kyle Gallner, Graham McTavish, Josh Stewart, Rachel Brosnahan…

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The Finest Hours
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THE FINEST HOURS

 

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Le film était passé inaperçu en salles, il ne fait pas non plus de vagues en vidéo puisqu’il ne bénéficie même pas d’une sortie Blu-ray. Il faudra se contenter d’un DVD sans supplément, heureusement doté d’une image de très bonne tenue, et d’une piste DD 5.1 décoiffante dans les scènes d’action.
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« Would that it were so simple. »

 

Ave César (Hail, Cesar!)
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Ethan et Joel Coen
2016 (En Blu-ray et DVD depuis le 28 juin chez Universal)

Dans les années 50. Eddy Mannix (Josh Brolin) est « fixer » pour l’un des studios les plus prolifiques d’Hollywood. Son job consiste à résoudre tous les problèmes. Jour et nuit, au grand dam de son épouse, il n’a de cesse de gérer les embrouilles de la vie privée des acteurs, leurs caprices, les griefs des metteurs en scène, les problèmes avec la censure, les indiscrétions des journalistes… Et lorsque la star Baird Witlock (George Clooney) est kidnappée, en plein tournage de péplum, c’est encore à Eddy Mannix de répondre à la demande de rançon…

La bande-annonce avait fait du personnage incarné par George Clooney le héros du film. Or, le kidnapping de Baird Witlock n’est qu’une des multiples intrigues qui nourrissent ce pastiche éblouissant de l’âge d’or d’Hollywood, vu côté coulisses, sur lequel plane le spectre de la Guerre froide et du maccarthysme. Entre des reconstitutions sublimes de péplum, de ballet aquatique (Scarlett Johansson est une jolie émanation d’Esther Williams), de western, de comédie musicale (Channing Tatum se fend d’un épatant numéro de claquettes façon Un jour à New York), et de comédie sophistiquée, on découvre les tracasseries auxquelles Eddy Mannix est confronté, comme lorsqu’une star du western est engagée pour jouer dans un drame de salon dirigée par un croisement de Noël Coward et Laurence Olivier, et que cet as du lasso est incapable d’aligner une réplique. Cette séquence désopilante interprétée à merveille par Alden Ehrenreich (une révélation !) et Ralph Fiennes, est le sommet du film. Pourtant, malgré ses dialogues percutants et ses performances d’acteurs hilarantes, Ave César fait surtout l’effet d’un joyeux méli-mélo, souvent bavard et parfois déroutant. Les frères Coen se sont visiblement davantage amusés à travailler la forme que le fond et le film n’est pas tout à fait abouti. Il n’empêche que pour les amoureux du 7ème art, cette déclaration d’amour au cinéma, truffée de clins d’œil aux cinéphiles, est franchement jubilatoire.
1 h 46 Et avec Tilda Swinton, Frances McDormand, Jonah Hill, David Krumholtz, Alison Pill, Christophe Lambert…

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Ave 18Le film est suivi de quatre featurettes sur les coulisses du tournage, ponctuées d’interventions des comédiens (George Clooney admet n’avoir jamais joué un personnage aussi débile). Techniquement, le Blu-ray frise la perfection. La définition de l’image est renversante et met en valeur la photo de Roger Deakins. Côté son, avantage à la version originale, dotée d’une piste DTS-HD Master Audio 5.1 ample et généreuse (la piste française est en DTS 5.1).
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« La vie est une comédie, écrite par un auteur sadique. »

 

Café Society
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Woody Allen
2016 (En Blu-ray et DVD depuis le 13 septembre chez Studiocanal)

A la fin des années 30 à Hollywood, le jeune Bobby Dorfman (Jesse Eisenberg) débarque de son Bronx natal pour échapper à sa famille juive envahissante, à la bijouterie de son père et à son frère gangster (Corey Stoll). Son oncle (Steve Carell), prestigieux agent de stars, lui offre un job de coursier et demande à sa secrétaire, la jolie Vonnie (Kristen Stewart) de lui faire visiter la ville. Les deux jeunes gens ne tardent pas à tomber amoureux, mais Vonnie n’est pas disponible. Elle entretient une liaison secrète avec un homme plus âgé…

Après le noir et cynique L’homme irrationnel, Woody Allen renoue avec les ambiances un peu foutraques de Broadway Danny Rose ou Radio Days. C’est en effet la famille juive de Bobby qui offre les meilleures réparties de ce Café Society, présenté en ouverture officielle du festival de Cannes 2016. Cette histoire d’amour contrariée permet surtout au cinéaste d’y aller de ses petites phrases et aphorismes sur la vie, dont certains sont déjà des classiques : « Vis chaque jour comme si c’était le dernier. Un jour ça le sera. », « Pas de réponse, c’est aussi une réponse. », « Je n’ai pas peur de mourir — Tu es trop idiot pour comprendre ce que ça implique. » ou encore « C’est bête que le judaïsme ne propose pas de vie après la mort, ils auraient beaucoup plus de clients. ». L’intelligence des dialogues, la beauté de Kristen Stewart, constamment sublimée par la photo de Vittorio Storaro (qui a signé celles de chefs-d’œuvre comme Apocalypse Now ou Le dernier empereur…) et la splendeur des décors ne suffisent cependant pas à faire de Café Society un grand cru allenien. La faute à une histoire d’amour sans véritable enjeu, et à un Jesse Eisenberg pas assez charismatique pour susciter la moindre émotion. La fluidité de la mise en scène, les numéros d’acteurs sont certes délectables, mais le film finit par apparaître un peu superficiel.
1 h 36 Et avec Jeannie Berlin, Ken Stott, Parker Posey, Blake Lively, Paul Schneider, Anna Camp…

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Comme il est d’usage avec Woody Allen, le Blu-ray ne propose pas de suppléments, mais une définition d’image somptueuse et une piste en DTS-HD Master Audio 5.1 toute en finesse, et idéale.
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Les amateurs de classiques noteront que la collection Hollywood Legends Premium, initiée par ESC Conseils, s’enrichit ce mois-ci de titres incontournables en DVD et Blu-ray, tels Carrefour de la mort, d’Henry Hathaway, Back Door To Hell, de Monte Hellman (DVD) et Allez Coucher ailleurs, d’Howard Hawks (DVD). Les films disposent de nouveaux masters HD et d’entretiens ou présentations par des spécialistes tels Olivier Père, Jean-Loup Bourget ou Jacky Goldberg.

 

PANIQUE À NEEDLE PARK/LA FALAISE MYSTÉRIEUSE

Deux sublimes éditions Blu-ray sont parues au début de l’été pour rendre hommage à deux films remarquables, méconnus ou quasi-invisibles : Panique à Needle Park, de Jerry Schatzberg, et La falaise mystérieuse, de Lewis Allen. Et non seulement ils ont bénéficié d’une restauration magnifique, mais ils sont enrichis de suppléments passionnants.

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« Le talent ne s’explique pas. C’est de la magie à l’état pur. » Jerry Schatzberg à propos d’Al Pacino

 

 Panique à Needle Park (The Panic In Needle Park)

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Jerry Schatzberg
1971
En coffret Ultra Collector Blu-ray (+2  DVD + Livre de 200 pages) chez Carlotta depuis le 22 juin 2016

Lorsque Bobby (Al Pacino) rencontre Helen (Kitty Winn), jeune fille du Midwest un peu paumée dans New York, elle vient d’avorter. A la sortie de l’hôpital, il l’attend et lui fait son numéro de charme. Entre eux, c’est le coup de foudre. Bobby propose à Helen de s’installer avec lui dans un hôtel minable du nord-est de Manhattan, à proximité du Sherman Square, surnommé Needle Park à cause des héroïnomanes qui y pullulent. Car Bobby est toxicomane et dealer. Pour se rapprocher de lui, Helen va se laisser tenter, et basculer bientôt dans l’enfer de la dépendance…

Plus d’une décennie après le Shadows de Cassavetes, qui avait fait souffler un vent de liberté sur le cinéma américain, Panique à Needle Park retrouvait cette même autonomie formelle en privilégiant un naturalisme proche du documentaire, accentué par l’absence totale de musique. Il s’agit du deuxième long-métrage du brillant photographe Jerry Schatzberg, réputé pour ses photos de mode (dans Vogue notamment) et ses clichés de célébrités, dont il avait d’ailleurs un an auparavant fait le sujet de son premier film, Portrait d’une enfant déchue (Puzzle Of A Dawnfall Child). Ecrit par Joan Didion et son époux John Gregory Dunn, le scénario était inspiré d’un livre de James Mills, d’après ses propres articles publiés dans Life. Le film catapulte dans le quotidien des toxicomanes, sans voyeurisme, avec honnêteté, humanité et compassion. Pour la première fois dans une fiction, les séquences de shoot sont frontales, et la caméra se rapproche des aiguilles qui percent les veines. Il y a une réelle volonté pédagogique dans la manière avec laquelle le cinéaste aborde cette histoire d’amour où la drogue dicte la conduite des personnages et les amène à se trahir (comme dans le futur Requiem For A dream). Mais Panique… est aussi un portrait vibrant du New York des seventies, et comme Cassavetes avant lui, Schatzberg parvient admirablement à saisir l’air du temps, la respiration de la ville et de ses habitants (un aspect cinéma vérité obtenu en suivant les acteurs au téléobjectif dans la rue pour leur laisser une plus grande part de liberté et d’improvisation). L’œuvre, très emblématique du cinéma américain des années 70, est aussi mémorable pour être le premier film marquant d’Al Pacino, que Schatzberg a imposé au studio après l’avoir vu jouer sur les planches. Son génie du jeu est déjà manifeste ici, dans les attitudes espiègles de ce personnage qu’il rend immensément attachant. C’est pourtant sa partenaire, Kitty Winn, qui remportera le Prix d’interprétation à Cannes (selon le cinéaste, sa présence au festival lui aurait valu la préférence à un Al Pacino resté au pays). Une récompense méritée tant la performance de l’actrice est éblouissante (Kitty Winn fera par la suite de rares apparitions au cinéma, privilégiant le théâtre). La prestation d’Al Pacino lui vaudra l’année suivante d’être le Michael Correone du Parrain, qui lancera définitivement sa carrière. L’acteur retrouvera Jerry Schatzberg pour L’épouvantail, Palme d’or de Cannes 1973.
1h 50 Et avec Raul Julia, Richard Bright, Alan Vint, Kiel Martin, Michael McClanahan…

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Test Ultra Collector Blu-ray  (des éditions Blu-ray et DVD simples sont également disponibles)

3D COFFRET ULTRA COLLECTOR PANIQUE ∑ NEEDLE PARK OUVERT DEF

Interactivité ****
Cinq scènes clés sont commentées par le réalisateur, qui revient aussi sur ses débuts, ses souvenirs de tournage et sa rencontre avec Al Pacino, dans un entretien passionnant découpé en quatre chapitres. On y apprend notamment que pour convaincre la Paramount d’engager Al Pacino pour Le Parrain, Coppola et Schatzberg avaient concocté un petit clip de toutes ses meilleures scènes dans Panique à Needle Park. La bande-annonce d’époque (en HD) complète le programme. Le coffret très joliment illustré par un visuel créé par le studio londonien Telegramme comprend également un livre de 200 pages, avec 50 photos inédites. Intitulé La vie sur grand écran, il propose des entretiens (avec Pierre Rissient, la scénariste Joan Didion, le chef opérateur Adam Holender et Jerry Schatzberg), ainsi que des articles de Positif, des extraits du scénario original etc.

Image ****
Format : 1.85
Supervisée par le cinéaste, la restauration 2K a fait des miracles. Le film, invisible depuis longtemps dans des conditions décentes, retrouve ses couleurs et sa luminosité, et reste très fidèle à la photographie d’origine. Le grain présent rend plus palpable encore l’ambiance de ce New York des seventies.

Son ***
DTS-HD Master Audio 1.0 en anglais sous-titré et français
Très bien nettoyée, la piste sonore est claire, sans parasite. Les dialogues comme les bruits de la rue sont parfaitement restitués.

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Carlotta a édité à la même date en Blu-ray et DVD, Mad Love In New York, réalisé en 2014 par les frères Josh et Benny Sadfie. Inspiré de l’histoire vraie d’Arielle Holmes, actrice principale du film, cette œuvre choc issue de la scène indépendante new-yorkaise, fait écho à Panique à Needle Park.

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« You made that up ?
– Yes.
– But you must be brillant.
– Oh, dazzling. People have to wear sunglasses. »
 

 La falaise mystérieuse (The Uninvited)

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Lewis Allen
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En Combo Blu-ray (+ DVD + Livre) chez Wild Side Video depuis le 1er juin 2016

En vacances dans les Cornouailles, le musicien Roderick Fitzgerald (Ray Milland) et sa sœur Pamela (Ruth Hussey) ont un coup de foudre pour une belle demeure inhabitée, qui surplombe la mer depuis une falaise abrupte. Au village, le propriétaire (Donald Crisp), un vieil homme qui vit avec sa ravissante petite-fille de vingt ans, Stella (Gail Russell), leur vend la maison pour une somme dérisoire. Mais à peine ont-ils emménagé que leur sommeil est troublé par d’étranges sanglots de femme. Ils découvrent que la demeure a la réputation d’être hantée par la précédente propriétaire, morte tragiquement en se jetant de la falaise…

Wild Side Video a joliment exhumé ce film méconnu de l’âge d’or d’Hollywood, premier long-métrage du cinéaste d’origine britannique Lewis Allen, qui a la singularité d’aborder l’épouvante gothique et romantique avec une légèreté détonnante. Très proche du Rebecca d’Hitchcock et de L’aventure de Madame Muir de Mankiewicz, La falaise mystérieuse, adapté d’un roman de Dorothy Macardle, se distingue en ne versant jamais réellement dans l’horreur. On y parle de fantômes, mais surtout de psychanalyse, et le film s’attache à une certaine rigueur scientifique, celle de son personnage principal, joué par Ray Milland, qui n’a de cesse de désamorcer la tension dans les moments effrayants. Les échanges espiègles entre Ray Milland et Ruth Hussey rappellent ceux de William Powell et Myrna Loy, et la romance entre Roderick et la jeune Stella (adorable Gail Russell) est tout à fait charmante. Il y a un vrai contraste entre le drame complexe à l’origine du mystère, et la désinvolture avec laquelle Roderick joue les détectives. Visuellement en revanche, le film respecte les codes du genre, et les aspects fantastiques sont admirablement mis en valeur. La réalisation de Lewis Allen se révèle aussi remarquable que la photo du célèbre chef-opérateur Charles Lang (auquel on doit également celles de L’aventure de Madame Muir et Peter Ibbetson). Le mélange des genres a dérouté les amateurs de cinéma fantastique de l’époque, ce qui explique que le film soit tombé dans l’oubli. Redécouvert depuis peu par les cinéphiles, ce petit bijou mérite indéniablement le détour. Et si la musique de Victor Young est envoûtante, on notera que c’est pour cette histoire de maison hantée qu’il a composé « Stella By Starlight » (joué au piano par le personnage incarné par Ray Milland), devenu par la suite un standard de jazz qui figurera, entre autres, aux répertoires de Miles Davis, Chet Baker, Frank Sinatra ou Ella Fitzgerald.
1h 39 Et avec Cornelia Otis Skinner, Dorothy Stickney, Barbara Everest, Alan Napier, Lynda Gray…

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Test Combo Blu-ray :  

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Interactivité ****
Le Blu-ray est enrichi d’une interview passionnée et très pertinente de 50 minutes du réalisateur Christophe Gans, spécialiste du cinéma de genre, et manifestement amoureux du film. Dans le livre truffé de photos, illustrations et affiches, qui sert d’écrin aux deux galettes (Blu-ray et DVD), Patrick Brion revient lui aussi, mais plus brièvement, sur le film.

Image ***
Format : 1.37
Le master émanant probablement de la restauration 2K qu’on a pu découvrir dans l’édition Criterion parue en octobre 2013 se révèle d’une définition le plus souvent remarquable. La lumière est éclatante, les noirs sont superbes.

Son ***
DTS-HD Master Audio 2.0 en anglais sous-titré et français
Une piste 2.0 claire et dynamique, plus équilibrée en version originale.

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