WARCRAFT : LE COMMENCEMENT

A la question : peut-on se risquer à aller voir Warcraft si l’univers du jeu nous est totalement inconnu ? La réponse est oui. D’autant que le film est réalisé par Duncan Jones, fils de David Bowie, mais surtout cinéaste subtil et intelligent auquel on doit l’hypnotisant Moon, et que Travis Fimmel, le charismatique héros de la série Vikings, est de la partie. (Pas de spoiler dans cette chronique)

Lothargarona

« Sounds like a trap.
– It is not.
– Could be…
– It is not.
– Could be…
– It is not. »
 

Warcraft : le commencement

Cybernatural

Duncan Jones
2016 (dans les salles françaises depuis le 25 mai)

Draenor, le monde des Orcs, se meurt. Profitant d’un portail alimenté par le Fel, terrible magie maîtrisée par le perfide sorcier Gul’dan, la horde des Orcs se prépare à envahir, piller et coloniser la luxuriante et pacifique Azeroth et toutes ses cités. Face à l’imminence du danger, le sage roi Wrynn (Dominic Cooper) envoie Lothar (Travis Fimmel), son meilleur guerrier, convoquer le puissant mage Medivh (Ben Foster), qui se tient à l’écart depuis des années…

 En 1995, au moment où la franchise Warcraft fêtait sa première année d’existence, David Bowie évoquait fièrement son fils Duncan dans le magazine Rock&Folk. Le fiston venait à l’époque d’obtenir une maîtrise de philosophie, s’apprêtait à poursuivre son doctorat à l’université Vanderbilt, et son père s’amusait de la terrifiante perspective qu’il aurait à devoir « travailler Nietzsche en allemand ». Mais rien ne fait peur à Duncan Jones, qui, sans tambour ni trompette, est parvenu à tracer sa propre voie et à se démarquer de son icône de père. Finalement, c’est au cinéma qu’il a appliqué ses connaissances en philosophie. En 2009, l’épatant Moon marque l’entrée dans la cour des grands de ce passionné de science-fiction, genre par essence ouvert à la réflexion. Le film fait l’unanimité, tout comme Source Code, deux ans plus tard. Lorsqu’après la défection de Sam Raimi en 2012, la société de développement et d’édition de jeux vidéo Blizzard Entertainment propose à Mr Jones d’adapter l’un des jeux de rôle en ligne les plus populaires du monde, il ne se sent plus de joie. Joueur lui même, grand connaisseur de la franchise Warcraft, il relève le défi de satisfaire les fans du jeu et de ses extensions en même temps que de séduire les non-affranchis, dont je fais partie. C’est d’ailleurs cette seconde catégorie qui semble avoir été privilégiée. Basée en grande partie sur Warcraft : Orcs et Humans, cette introduction revisitée par le cinéaste à l’univers du jeu, ses personnages et ses enjeux se révèle si limpide qu’elle a paru simpliste aux aficionados. Mais c’est sur le plan visuel que Duncan Jones remporte la bataille. Oubliez la 3D, pas franchement nécessaire à ces décors grandioses et ces effets spéciaux numériques (CGI) réussis. Le film ne manque pas de panache, même s’il se révèle (forcément) plus kitsch et n’a pas la profondeur du Seigneur des anneaux, référence incontournable de l’heroic fantasy. La coexistence à l’écran des humains et des créatures en motion capture est remarquable, la musique de Ramin Djawadi (Game Of Thrones), ad hoc. Epique et rythmé, ce spectacle plus sage et bon enfant que prévu est aussi sympathique que son héros Lothar, campé par le beau Travis Fimmel, le mystique Ragnar Lothbrok de la série Vikings. Malgré ses critiques mitigées, Warcraft : le commencement s’est imposé depuis sa sortie comme le plus gros succès au box office d’ adaptation de jeu vidéo à l’écran. Quant à la suite, pas encore confirmée, on espère qu’elle se fera. On rêve d’un film plus fou et moins appliqué. Duncan Jones aurait déjà pléthore d’idées…
2h 03 Et avec Paula Patton, Toby Kebbell, Ben Schnetzer, Robert Kazinksy, Clancy Brown, Daniel Wu, Ruth Nega, Anna Galvin…

BANDE-ANNONCE

Anduin
Garona3
Durotan 2
Magie
Orc
Reine
Mage
warcraft 3
warcraft 1
Cybernatural
Cybernatural

Articles connexes :
Critique Moon
Critique Source Code

LE JEU DU FAUCON (The Falcon And The Snowman)

S’il n’est pas forcément connu du grand public, Le jeu du faucon est pourtant culte dans la sphère bowienne. Paru en 1985, ce film de John Schlesinger, porté par deux jeunes acteurs talentueux, dont un Sean Penn à l’aube de sa carrière, et qui fait une performance hallucinée, bénéficie d’une chanson créée spécialement pour le film par David Bowie, avec Pat Metheny et Lyle Mays. « This Is Not America », ajoutée à la set-list des dernières tournées de Bowie en 2003 et 2004, cartonnera dans de nombreux pays, mais le film, sous-estimé à l’époque, sera vite oublié. Il raconte pourtant l’histoire vraie et incroyable de Christopher Boyce, sorte d’Edward Snowden avant l’heure, et de son ami d’enfance, un dealer à la petite semaine qu’il a, pour leur malheur, entraîné dans son aventure. On salue l’initiative de Wild Side Video, qui a exhumé fin 2015 ce portrait pertinent d’une Amérique des 70’s en proie à ses démons, traumatisée par l’affaire du Watergate et prête à sacrifier sa jeunesse insoumise.

Faucon

A little piece of you
A little piece in me
Will die
(This is not a miracle)
For this is not America
« This Is Not America » (David Bowie, Pat Metheny, Lyle Mays)

Le jeu du faucon (The Falcon And The Snowman)

Banc

John Schlesinger
1985
En Blu-ray et DVD restaurés chez Wild Side Video depuis le 4 novembre 2015

En 1974, aux Etats-Unis, l’affaire du Watergate contraint Nixon à démissionner. Au même moment, Christopher Boyce (Timothy Hutton) a vingt ans et des doutes. Il décide de quitter le séminaire et d’abandonner la prêtrise à laquelle il se destinait. Issu d’une famille aisée, le jeune homme, passionné de fauconnerie, est aussitôt prié par son père, ex-fonctionnaire du FBI, d’accepter un job chez RTX, une société d’électronique de pointe, proche de la CIA. Chargé de réceptionner les messages provenant des satellites espions, Christopher va intercepter régulièrement des informations ultra-secrètes. Révolté en découvrant les agissements et les actions illicites de son gouvernement, il décide de rétablir la balance, en s’improvisant espion, et en transmettant ces renseignements aux Russes. Hélas, il choisit de prendre comme intermédiaire son ami d’enfance, Andrew Daulton Lee (Sean Penn), petit dealer, qui va vite devenir incontrôlable…

Cinéaste britannique qui a débuté en tant qu’acteur dans les années 50, John Schlesinger a été l’un des fers de lance de la Nouvelle Vague anglaise avec sa trilogie (Un amour pas comme les autres, Billy le menteur et Darling). Il y explorait avec force et caractère les tribulations d’une jeunesse désenchantée, prisonnière des villes industrielles mornes de l’Angleterre. Peut-être à cause de son homosexualité qui le faisait se sentir en marge, on y dénotait déjà son attachement aux rêveurs, révoltés et autres anticonformistes, tels les héros de Macadam Cowboy, film qui lui vaudra l’Oscar en 1970. Le monde du secret et de l’équivoque le fascine également. En 1976, il sera celui de Marathon Man, son plus grand succès populaire, puis de ce Jeu du faucon, qui paraît en 1985, en pleine ère Reagan. Drame aux allures de thriller d’espionnage, le film revient sur un fait réel ayant défrayé la chronique dix ans plus tôt aux Etats-Unis. Deux jeunes gens issus d’un milieu privilégié s’étaient improvisés espions, l’un par idéalisme, l’autre par forfanterie et appât du gain, et avaient mis les services secrets en échec avant de se retrouver dépassés par leur petit jeu dangereux. John Schlesinger prend son temps pour introduire ses deux personnages, tous deux ex-séminaristes issus de familles bourgeoises, et amis malgré des choix de vie totalement opposés. Avec une mise en scène volontairement anti-spectaculaire et par endroits presque clinique (c’est le plus gros reproche qu’on puisse faire au film), le cinéaste porte un regard ironique sur cette Amérique glorieuse (le générique en lui-même est très parlant) et met en exergue les absurdités et les revers du rêve américain. Il y a du ridicule dans les dirigeants, les employés et le fonctionnement même de la société RTX. Christopher est constamment effaré des failles dans la sécurité de ce système pourtant réputé pour son efficacité. La désinvolture et l’inconscience avec laquelle les deux protagonistes mènent leur action ont même quelque chose d’amusant. Le jeune Timothy Hutton, lauréat de l’Oscar du Meilleur second rôle quatre ans plus tôt pour Des gens comme les autres, de Robert Redford, est parfait en jeune homme en apparence bien sous tous rapports, mais rongé par le ressentiment envers son pays et son propre père. Face à lui, Sean Penn, après ses prestations remarquées dans Taps, Bad Boys, Fast Times At Ridgemont High et Les moissons du printemps, effectuait une belle performance dans la peau de bon à rien aussi tête à claques qu’attachant. Heureusement, à l’épilogue un peu trop prosaïque, « This Is Not America », interprétée par David Bowie, amène un souffle, une grâce et une émotion inégalables.
2 h 11 Et avec Lori Singer, Pat Hingle, David Suchet, Priscilla Pointer, Nicholas Pryor, Dorian Harewood…

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« Clip This Is Not America »

Test Blu-ray : 

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Interactivité ***
Le film est enrichi d’une interview de Philippe Rouyer (17 minutes) qui réhabilite ce film sous –estimé dont il analyse les enjeux avec pertinence.

Image **
Format : 1.85
Récemment restauré en HD, le film propose une image un peu inégale, mais globalement très satisfaisante. Seules quelques séquences en basse lumière demeurent ternes et granuleuses.

Son : **
DTS-HD Master Audio 2.0 en anglais sous-titré et français
Une piste 2.0 convenable, mais curieusement plus claire et dynamique en français.

A noter qu’un autre film méconnu de John Schlesinger, Les envoûtés (The Believers), thriller angoissant et horrifique, est parue à la même date chez les mêmes éditeurs.

RTX
Penn
Table
Pleurs
Sean
Tim
Lorie

DAVID BOWIE IS… AN ACTOR.

Première publication : 10 mars 2015

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Musicien génial, artiste visionnaire, David Bowie est sans doute la personnalité la plus influente et troublante de la culture populaire du XXe siècle. Célébrée ce mois-ci à la Philharmonie de Paris, dans l’exposition itinérante David Bowie Is, créée originellement à Londres en 2013, l’icône garboesque continue de fasciner les jeunes générations et de susciter des vocations. David Bowie, touche-à-tout surdoué, est passé maître dans l’art de se réinventer. Il s’est donc naturellement essayé au 7ème Art, pour lequel il a été régulièrement sollicité au cours de sa carrière. De ses incartades cinématographiques, on retient surtout L’homme qui venait d’ailleurs, de Nicolas Roeg, dont le personnage d’extraterrestre lui colle toujours à la peau, et Furyo, de Nagisa Oshima, où ses cheveux peroxydés ont imprimé la pellicule à jamais. Pourtant, le reste de sa filmographie oscille entre seconds rôles sympathiques, apparitions anecdotiques, caméos et participations prestigieuses. Pourquoi Bowie ne s’est-il pas davantage impliqué au cinéma ? Eric Dahan, amateur reconnu de sa musique et cinéaste lui-même, et Jérôme Soligny, auteur de David Bowie Ouvre Le Chien, qui vient de paraître aux éditions de La Table Ronde, ont des réponses.

A la Villette, au sortir du concert de Philip Glass du 8 mars 2015 à la Philharmonie de Paris, Eric Dahan et Jérôme Soligny réinventent modestement la pochette de Pin Ups devant l’objectif téléphonique de leur ami Yan Céh.

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AFAP : Alors que David Bowie a été formé à l’art du mime, et qu’il n’hésite pas à jouer la comédie dans ses propres clips (revoir Jazzin’ For Blue Jean, prétexte à un vrai numéro), il a peu exprimé ses talents au cinéma. Le fait d’avoir (légitimement) privilégié la musique en est-il la seule raison ?

Eric Dahan : David Bowie a pensé dès 1975 se reconvertir dans le cinéma comme réalisateur, scénariste et producteur. Il ne s’est jamais considéré comme un acteur et, jusqu’en 1983, affirmait qu’il n’acceptait de jouer dans les films que pour observer des grands réalisateurs au travail et ainsi se former au métier.
Lorsque je lui ai demandé dans les années 90 où en étaient ses rêves de réalisateurs, il m’a répondu humoristiquement : « I guess we can call it my wet dream », jeu de mots sur l’expression anglaise qui signifie « pollution nocturne ». Il n’en a pas moins joué dans de très nombreux films, de qualité diverse. Pour ce qui est de la musique, il est clair qu’il a réalisé à un moment que c’était la grande aventure de sa vie et qu’il n’y renoncerait jamais, même s’il s’est parallèlement consacré à la peinture, à l’écriture et même au journalisme.

Jérôme Soligny : Il a effectivement très vite compris que la musique serait son principal vecteur, en tout cas, celui qui lui permettrait d’atteindre la célébrité puis l’indépendance et de créer ensuite sans contraintes. Néanmoins, lorsque son premier manager, Ken Pitt, lui trouve des petits engagements au cinéma, il n’hésite pas à s’y frotter, avec l’assurance qui par la suite caractérisera toutes ses diversions artistiques. Certainement conscient d’être doté d’un physique plus avantageux que la moyenne et de passer plutôt bien à l’écran, il acceptera très vite des choses que d’autres acteurs en herbe de la même génération auraient peut-être refusées. Dans Love you till Tuesday, réalisé par Malcolm J. Thomson, qui est en fait une succession de scopitones présentés sous forme d’émission télévisée, il n’hésite pas à apparaître en cosmonaute cabriolant en apesanteur, ou en gamin de cinq ans. Et puis finalement, il n’a pas eu dans l’ensemble de sa carrière tant que ça de sollicitations de la part de grands réalisateurs : Il a, quelque part, été victime du cloisonnement des arts : “C’est un rocker, il n’a rien à faire au cinéma !” Si Alan Yentob ne l’avait pas filmé en tournée américaine pour le programme télévisé Cracked Actor diffusé par la BBC début 1975, Nicolas Roeg n’aurait jamais eu l’idée de le faire tourner dans L’homme qui venait d’ailleurs. Son choix pour le rôle de Thomas Jerome Newton s’étant préalablement porté sur d’autres.

AFAP : Diriez-vous que David Bowie est un bon acteur, comme Frank Sinatra a pu l’être en son temps ?

E.D : J’estime qu’il est meilleur au théâtre — je pense à sa prestation dans Elephant Man — qu’au cinéma, même si je n’imagine pas L’homme qui venait d’ailleurs, Furyo et Les prédateurs sans lui, tant son travail y est par instants remarquable. Quant à Sinatra, je n’en suis pas fou dans L’homme au bras d’or et je n’ai pas revu Comme un torrent depuis longtemps.

J.S : Dans L’homme qui venait d’ailleurs, il est pratiquement lui-même, au moment du tournage. Je trouve parfaite sa prestation dans Furyo, sachant qu’il joue au milieu d’acteurs qui sont des comédiens fabuleux, comme Takeshi Kitano et surtout l’excellent Tom Conti.

Elephant Man, pièce de Jack Hofsiss – 1980
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AFAP : Etes-vous au courant de propositions qu’il aurait refusées ?

E.D : Oui, de nombreux films de science-fiction dans les années 70 et Parking, de Jacques Demy qui lui fut proposé pendant qu’il était à Paris en 1983 pour chanter à Auteuil. (L’infortuné Francis Huster finira par incarner en 1985 l’Orphée rock de la comédie musicale de Jacques Demy. Le résultat, plutôt malheureux, fut loin de combler les attentes du cinéaste lui-même, qui envisagea même d’abandonner sa carrière après cet échec critique et public NdA).

J.S : Jean Genet l’avait sollicité pour une adaptation cinématographique de Notre-Dame-des-Fleurs. Un projet de film avec Liz Taylor est tombé à l’eau, un autre sur la vie du peintre Egon Schiele également (avec Sydne Rome) et il aurait refusé de jouer le méchant du James Bond Dangereusement vôtre (de John Glen paru en 1985. Le rôle échut à Christopher Walken NdA).

AFAP : Y a-t-il des rôles qu’il aurait aimé interpréter ?

E.D : Il a pensé un temps qu’il aurait un rôle dans L’œuf du Serpent de Bergman (paru en 1977 NdA), car ils vivaient tous deux à Berlin à l’époque et je me souviens qu’il aurait aimé tourner avec Fassbinder et Truffaut.

J.S : Oui, on sait qu’il a aimé L’enfant sauvage de Truffaut. Il en abordera le thème dans sa chanson « Wild Eyed Boy From Freecloud ».

AFAP : Que pensez-vous de ses caméos dans les comédies truculentes et branchées, telles que Zoolander, College Rock Stars ou les séries Dream On ou Extras  ? N’est-ce pas un peu « facile « ?

E.D : Très franchement, je me souviens vaguement avoir trouvé Dream On assez drôle, car John Landis n’est pas un manchot. Quant aux autres films, je ne les ai pas vus.

JS : Il est excellent dans Extras, et plutôt drôle en Lagerfeld chevelu dans Zoolander. On peut répondre aux gens qui lui reprochent de cachetonner qu’il fait souvent ces choses-là par amitié.

Avec Owen Wilson et Ben Stiller dans Zoolander de Ben Stiller – 2001
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AFAP : Labyrinthe est-il « la » faute de goût ?

E.D : C’en est une, mais ce n’est pas la seule ! Je ne suis pas non plus convaincu par sa performance dans le clip/court-métrage Jazzin’ For Blue Jean ou encore par l’atroce Dernière Tentation du Christ de Scorsese dans lequel Bowie incarnait Ponce Pilate. Je regrette qu’on ne le voie pas davantage dans Twin Peaks, plus proche de sa propre sensibilité artistique.

J.S : Labyrinthe est forcément discutable, mais il ne faut pas oublier que c’est un film destiné aux enfants. Et je trouve Bowie assez savoureux. Là encore, on sait qu’il y a tourné par amitié pour Jim Henson. Il est toujours plaisant de voir quelqu’un, souvent qualifié, à tort, de froid et calculateur, se mettre dans de telles situations : jouer le jeu au risque de se ridiculiser, mais en l’assumant, et sans être dupe pour autant.

 labyrinthe-labyrinth-03-12-1986-1-g Labyrinthe (Labyrinth) de Jim Henson – 1986

La dernière tentation du Christ (The Last Temptation Of Christ) de Martin Scorsese – 1988
Ponce

Twin Peaks: les 7 derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks: Fire Walks With Me) de David Lynch – 1992
Twin Peaks - Der Film / Twin Peaks - Fire Walks with Me

 

AFAP : Quels sont les trois films que vous retenez de sa filmographie ?

E.D : L’homme qui venait d’ailleurs, Furyo et Les prédateurs, sans hésiter, car on ne peut pas dire que The Linguini Incident (de Richard Shepard, 1991- NdA) ait une grande valeur artistique.

J.S : Je rajoute Basquiat parce que le voir jouer Warhol, personnage dont la mythologie a eu autant d’importance pour lui, est un vrai bonheur, sachant aussi que le courant n’est jamais passé entre eux, la chanson « Andy Warhol » de Bowie n’ayant pas plu du tout à l’artiste conceptuel. Pour revenir à Furyo, je pense que Bowie doit être fier d’être dans ce film qui a révélé Takeshi Kitano, qui était, à l’époque, un comique japonais. Mais Bowie n’était pas là par hasard. Sa passion pour le Japon date de bien avant ça. Ziggy Stardust n’a jamais vu Paris, mais il a vu Tokyo ! C’est aussi un des rares films où il a joué le jeu de la promotion en accompagnant le Oshima Gang à Cannes.

L’homme qui venait d’ailleurs (The Man Who Fell To Earth) – 1976 
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Furyo (Merry Christmas Mr Lawrence) – 1983
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Trente ans avant Only Lovers Left Alive de Jim Jarmush : Les prédateurs (The Hunger) de Tony Scott, avec Catherine Deneuve et Susan Sarandon – 1983
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Basquiat de Julian Schnabel (1996)
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Avec Rosanna Arquette dans The Linguini Incident – 1991
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AFAP : Parmi les personnages qu’il a interprétés au cinéma, lequel est le plus proche du vrai Bowie d’après vous ?

E.D : Thomas Jerome Newton dans L’homme qui venait d’ailleurs, car il y dit des choses très personnelles comme « My life is not secret, but it is private » ou encore sur le fait qu’il est bisexuel (« I see bodies…of women and men ») mais également le Major Celliers de Furyo car il est question d’un frère abandonné et trahi, et que ce n’est pas non plus sans résonance avec sa propre vie. Mais aussi parce qu’à un moment, la scène où Takeshi Kitano les délivre et leur souhaite « Merry Christmas », il ne peut s’empêcher de sourire d’un air entendu et un peu supérieur comme cela lui arrive dans la vie.

J.S : Oui, c’est son côté « je suis courtisé à mort et je suis blasé ». C’est tout à fait ce qu’on ressent dans la nonchalance de son attitude lorsqu’il avance vers le personnage incarné par Ryuichi Sakamoto pour l’embrasser. On peut également constater que dans Furyo et L’homme qui venait d’ailleurs, il est acteur dans le sens où Alain Delon l’entend, et non comédien. Dans le film de Nicolas Roeg, la créature chétive et apeurée par un monde qu’elle semble découvrir n’est finalement qu’une émanation de ce que Bowie est en 1975, fragilisé par les drogues et les errances mentales nocives. Même si le film est adapté d’un livre de Walter Tevis, certaines scènes sont directement inspirées de ce que Bowie vivait alors en tournée. Son chauffeur dans le film était le sien à cette époque. Non seulement il est Thomas Jerome Newton, mais il est assez singulier de constater, a posteriori, que ce personnage dont la civilisation sur sa planète semble plus avancée que les celle des Terriens, ressemble à ce qu’il allait devenir lui-même quelques années plus tard. Depuis la fin des années 90, dans les interviews qu’il m’a accordées, David a expressément expliqué que l’inculture et le nivellement par le bas, cette forme d’ “infériorité” vers laquelle on tend, faisaient partie de ses préoccupations. Au moins autant que les terribles dérives du monde, occasionnées par les conflits d’origine religieuse.

L’homme qui venait d’ailleurs (The Man Who Fell To Earth)
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Furyo (Merry Christmas Mr Lawrence)
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AFAP : Ne trouvez-vous pas troublant l’intérêt de son fils pour la science-fiction (Duncan Jones très bon cinéaste au demeurant, est le réalisateur de Moon et Source Code) ? Ne pensez-vous pas que la boucle est bouclée, d’une certaine façon ?

E.D : Troublant, non, car beaucoup de jeunes aiment la science-fiction. Je ne dirais pas que la boucle est bouclée car l’espace chez David Bowie est avant tout métaphorique, alors que dans Moon c’est juste un décor.

J.S : Il s’agit peut-être d’une coïncidence… Par contre, je suis convaincu que, même si c’en est vraiment une, le père qu’est David doit être fier, quelque part, que son fils se soit fait connaître par l’histoire d’un astronaute. Major Tom, de père en fils !

Sam Rockwell dans Moon de Duncan Jones – 2009
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Duncan Jones et David Bowie à la première de Moon au festival de Tribeca
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Autres apparitions mémorables de David Bowie au cinéma :

Just A Gigolo de David Hemmings – 1978
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Série noire pour une nuit blanche (Into The Night) de John Landis – 1985
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Absolute Beginners de Julian Temple – 1986
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Le prestige (The Prestige) de Christopher Nolan – 2006
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Avec Josh Hartnett dans August d’Austin Chick – 2008
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Lien de l’exposition David Bowie Is

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Page Facebook du livre David Bowie Ouvre Le Chien, de Jérôme Soligny, préface d’Eric Dahan, Editions La Table Ronde

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